Les populations de la commune de Béni Maouche touchées par le violent séisme du 10/11/2003, d’une magnitude de 5,4 sur l’échelle ouverte de richter dont l’épicentre est localisé à quelques encablures de là, continuent de souffrir le martyre et de manger leur pain noir 5 ans durant, leur situation sociale ne s’est guère améliorée, elle est caractérisée par une vie difficile à supporter, faite de dénuement, de pauvreté et d’un chômage endémique. Après avoir vécu l’enfer d’une calamité naturelle qui les arendus SDF malgré eux suite à la destruction massive de leur habitations, les sinistrés se comptent par milliers. Le village El Hara Ouadda dans ce contexte en est un exemple édifiant pour rappeler aux amnésiques ce que ces populations ont enduré durant cette nuit cauchemardesque. Perché sur la cime d’une colline, il a été complètement détruit et ses habitants éparpillés un peu partout,ont du mal à comprendre l’attitude des pouvoirs publics qui les ont abandonnés à leur triste sort comme leurs pairs d’ailleurs des autres villages qui ont connu le même destin. Pour cela, ce sont en tout 1646 sinistrés, qui ont bénéficié de l’aide de l’état pour la reconstruction ou la rénovation de leurs logements dans le cadre individuel et 207 dans le cadre collectif avec l’affectation de logements construits dans des sites crées à cet effet.Le commun des mortels, qui aurait effectué une visite sur ces sites serait revenu avec un pincement au cœur par le fait de constater de visu les souffrances qui dépassent de loin la limite du tolérable qu’endurent ces sinistrés dont certains exaspérés par une attente qui perdure, ont pris le risque de prendre possession de leurs logements avec seulement les gros œuvres réalisées. Ceci étant, contre vents et marrées et contre bon gré et mal gré, ils les ont habités dans des conditions de précarité absolue où les normes d’hygiène les plus élémentaires sont inexistantes.Lors de la visite effectuée sur ces sites, les sinistrés n’ont pas manqué de nous faire part de leur conditions sociales, lamentables, tout au long de la route. Nous ne sommes qu’à la mi-automne et le froid sévit déjà sur les lieux. Nous rencontrons des hommes conduisant des mulets chargés de bûches et des femmes squelettiques longeant la route avec des fagots de bois sur le dos. “Ici, le prix de la bouteille de gaz quand elle est disponible est exorbitant en hivers”, nous a-t-on appris. Thala Ouadda, un site de 47 logements, situé à quelques encablures du chef-lieu communal et au bord de la grande route. La cité semble être abandonnée depuis longtemps et les propriétaires des logements dont la plupart vivent dans le dénuement total ne savent plus à quel saint se vouer pour que l’Etat se décide enfin de relancer les travaux de finition. “A Boumerdès, une année a suffi largement à relancer pour reloger l’ensemble des sinistrés, ce qui n’est pas le cas chez nous. Cinq ans après plus personne ne semble s’intéresser à notre sort”, tempêta un propriétaire qui n’arrive pas à contenir son amertume. Un autre lui emboîtant le pas, lâcha d’un temps ironique “l’état nous a oubliés !”. Parmi eux, seuls trois occupants ont les moyens de continuer à leurs frais les travaux de leurs logements. Malgré cela les occupants se plaignent du manque de branchement de l’eau potable dans leurs foyers. “J’ai investi toutes mes économies, qui se chiffrent à 150.000 DA pour pouvoir y habiter malgré un manque de beaucoup de commodités, notamment l’eau courante qui fait défaut. J’ai fui l’ancienne maison totalement lézardée de crainte qu’elle ne s’effondre sur nous”, dira l’un des habitants.Thaourirth est le deuxième site que nous avons visité. Il est le plus important avec 78 logements. Le manque d’assiette foncière est la seule raison qui a poussé les sinistrés à démolir les anciens logements pour en construire des neufs. M. Hadjout Med Idir n’est pas allé de main morte pour dénoncer les lenteurs bureaucratiques. “Outre les 300,000 DA qui sont très insuffisants pour la construction d’un logement, même F2, fut-il. Depuis le temps, je n’ai perçu que la première tranche. Pour la deuxième tranche, je me suis présenté à la mairie, 7 mois après le dépôt de la situation des travaux réalisés pour m’enquérir des suites d’un tel retard. L’agent de service m’a retiré le dossier du tiroir”, ironise-t-il. Quand à Bahria Salah, bénéficiaire d’un logement dans le cadre collectif, il avoue avoir fini son logement au prix d’une dette de 300.000 DA contractée auprès de tiers. “J’habitais dans un taudis offert par une âme généreuse qui ne cessait de me le réclamer. Voilà la raison qui m’a poussé à emprunter de l’argent pour finir ma maison. Le compte à rebours a bien commencé pour moi pour rembourser les prêteurs”, souligne-t-il. En plus de tous ces problèmes, le 3e site, Aït Ouamar, que nous n’avons pu visiter à cause des conditions climatiques qui ont rendu d’accès difficile. Il est desservi par un tronçon de 2 kms d’une piste sinueuse et rocailleuse frisant l’impraticable en hiver,notamment durant les chutes de neige et les pluies fréquentes. Il est composé de 66 lots. Notre accompagnateur, un ancien responsable du service de l’urbanisme de la municipalité de Béni Maouche nous a fait savoir que la moitié des logements sont occupés par les propriétaires qui vivent dans des conditions misérables. S’agissant du 4e site que nous n’avons pu aussi visiter pour toujours les mauvaises conditions climatiques, composés de 16 logements notre interlocuteur a affirmé que seuls deux sinistrés ont occupé leurs logements et vivent aussi dans des conditions lamentables.La municipalité représentée par un administrateur, Haderbach Mouhand Arab, consulté à cet effet dit avoir effectué les démarches nécessaires auprès des autorités, démarches qui sont restées vaines. Il rajoute qu’il a saisi à maintes reprises la wilaya pour venir en aide à ces pauvres malheureux en leur allouant des aides financières pour leur restant des travaux de finition à réaliser. “C’est injuste que l’état livre des logements en semi-finis pour des démunis; c’est pourquoi, j’ai invité en en octobre 2004 le wali de Béjaïa à visiter l’un des sites. Alma Khiar, pour qu’il constate de visu ce qu’endurent les sinistrés. Quelques jours après, il nous a demandé des photos des sites que nous lui avons envoyées. Et depuis, rien n’a été entrepris pour soulager ces oubliés”, fera-t-il remarquer.Du côté de la Duch de Seddouk, on nous a fait savoir que l’opération suit son cours normal, comme si de rien n’était et on nous renseigne que seulement 5 logements connaissent un retard dû principalement aux oppositions sur les terrains désignés. “En ce qui concerne les logements collectifs, en plus du montant de 300.000 DA initial, l’Etat a injecté pour chaque logement 120.000 DA financés conjointement par le budget de wilaya et le fonds de solidarité. Seuls 5 logements traînent encore des travaux à cause des changements des endroits suite aux oppositions des bénéficiaires. Dans le cadre individuel, le taux d’achèvement des travaux à fin septembre passé est de 91% pour zone orange 3 et 4, et de 70% pour les logements classés zone rouge”, dira le responsable de cette structure. Dans tous les cas de figure, c’est l’Algérie profonde qui crie sa douleur à l’image de ces oubliés de Béni Maouche, de ces damnés de la misère qui ne sont pas encore arrivés au bout de leurs peines, après 5 ans de calfeutrage des habitations toutes fissurées qui menacent ruine sur leurs occupants lesquelles s’apprêtent à vivre une sixième année d’amertume à l’approche d’un hiver qui s’annonce rigoureux pendant qu’en ville on embellit les façades et on leur refait les trottoirs.
L. Beddar
