En ce cinquantième anniversaire de l’indépendance, l’association des filles et fils de Chouhada de la wilaya 3 historique, à sa tête M. Hocine Bennour, le fils du capitaine Ali Bennour, a pris une initiative louable à plus d’un titre en réunissant des témoignages afin de rendre hommage aux valeureux martyrs de la révolution.
Vendredi dernier, l’association s’est déplacée au village Tafoughalt dans la commune d’Aït Yahia Moussa où ses membres ont invité tous les habitants du village et des membres de la famille du commandant Boulaouche Mohamed, dit Si Mouh Oulhadj, à une cérémonie d’hommage au martyr. Si Mouh Oulhadj est né le treize décembre 1929 dans l’ex douar de M’ Kira. Le futur responsable de la zone 4, avant de rallier la wilaya 4, est né dans une famille aisée, mais cela ne l’a pas empêché d’être à l’avant garde de la révolution. Tous les témoignages des personnes âgées ont été unanimes à reconnaître ses qualités, dont la générosité la bravoure et l’humilité. A tour de rôle, celles et ceux qui l’ont connu ont dit son dévouement pour le travail de la terre et son sens du commerce, en même temps que son amour pour la patrie. Lui et son frère Saïd avaient déjà dans les années 50 un camion de marque Renault, deux épiceries et un moulin à grains. Mais, à entendre les témoignages des uns et des autres, rien ne valait à ses yeux que de voir l’Algérie indépendante. Dans son intervention, le Moudjahid Boulaouche Ali dira : « avant 1954, Si Mouh Oulhadj avait déjà son groupe de militants avec lesquels il activait pour préparer la guerre de libération nationale dans la région. Son groupe était composé de neuf éléments, tous de Tafoughalt. Chacun était chargé d’une mission bien déterminée. Il était un fin responsable politique », ajoutera ce témoin. Et de poursuivre : « Il fut l’un des volontaires avec d’autres envoyés à Blida pour attaquer des intérêts coloniaux ». Ce Moudjahid affirmera d’autre part que suite à son engagement pour la révolution, sa maison familiale fut, brûlée puis rasée et tous ses biens saisis le 24 mars 1955. Lors de la grande bataille du 6 janvier 1959, ce fut lui qui dirigea les opérations, car Oudni Mohamed, dit Si Mouh Nachid, fut chargé de faire sortir de la région le commandant Azzedine, Omar Oussedik et les autres, du côté de Bouira. Il activa aux côtés de Ali Bennour. Celui qui revisitera l’histoire du commandant, c’est Hacène Boualouche, le neveu du martyr, il remontera plus loin dans son enfance : « Au début, il étudia le Coran à la Zaouia de Gaoua du côté d’El Hammam, un village limitrophe du nôtre. Il le faisait alternativement avec mon père, un jour sur deux. Puis, il apprit tout le livre saint chez Cheikh Si Mouh N’Ali, un parent ». Pendant qu’il livrait à l’assistance son témoignage, il se rappela qu’il était en possession de quelque chose qui appartenait à son oncle : « Regardez cette herse. Il s’en servait quand il labourait ces champs que vous voyez ici. Il lui arrivait même de me faire monter dessus. Cela me revient brusquement à l’esprit, comme si cela datait d’hier », dira Cheikh Hacène. Ce dernier n’oubliera pas non plus de dire que son oncle paternel travaillait avec son cœur les terres avec son père, et était un grand commerçant dans le village. « Il m’aimait comme son fils. Je vous dirai même qu’il remplaçait mon père », avouera-t-il. En 1953, il fut arrêté par les Français car, disait-on, quelqu’un qui lui devait de l’argent l’avait dénoncé. Faute de preuves, il fut néanmoins relâché. Avant l’éclatement de la révolution, il vendit tous ses biens pour armer les jeunes qui étaient dans son groupe. « En compagnie de plusieurs jeunes, dont Boubeghla Saïd et Si Mouh Nachid, il fut chargé de se rendre à Blida avec entre autres Amar Ouamrane. Suite à une alerte, l’opération échoua. Ne connaissant pas bien la région, ils s’étaient repliés à Chréa. Huit jours après, alors que tout le monde croyait qu’il était mort, il revint et fut aperçu au lieudit Annar Oumaksène où il rencontra son groupe composé de Boubeghla Djemaâ, Salemkour Djemaâ, Belmahdi Moh Naâmar, Tahraoui, Mechai Mohamed ( premier martyr décédé le 28 novembre 1954 à Assif N’Chakour », se souviendra Cheikh Hacène. Il gravit des échelons. Il devint adjudant de secteur, puis lieutenant militaire à la fin de l’année 1956 après le congrès de la Soummam. Il s’occupa ensuite de la zone 4, d’ici jusqu’à M’Kira. En I959, il quitta la zone 4 de la wilaya 3 et rejoignit la wilaya 4. Selon les intervenants, il organisa de nombreuses attaques. Cheikh Hacène cita entre autres celle de Tamdikt du côté de Tizi-Gheniff en 1956 où décédèrent trois de ses amis : Bekhat Arezki, Adjab Abdellah et Hanou, celle d’Ichoukrène au lieu-dit Ali Bounab en 1958 et bien d’autres. Si Mouh Oulhadj devint chef de zone dans la wilaya 4 où il activa jusqu’au 23 octobre 1960. Il fut surpris dans un abri à Chendouh ( Nézlioua). Bien qu’il fût encerclé il riposta et combattit jusqu’à son dernier souffle l’arme à la main. Ses ossements et ceux de son compagnon furent acheminés au lieu dit Centre Moh Chérif à Tazrout Aouaoudha sur les hauteurs de Draâ El-Mizan. Il laissa derrière lui une veuve et une fille qui porte le nom de Houria (allusion à l’Indépendance). Ce ne fut là qu’un pan du parcours du commandant Si Mouh Oulhadj. Un documentaire dévoilera d’autres facettes de ce brave homme. Telle fut la stature de Si Mouh Oulhadj, mais cheikh Hacène regrettera toutefois que le nom de son prestigieux oncle ne figure par dans le livre des héros de la nation. Hocine Bennour s’est quant à lui dit décidé à aller plus loin dans ses recherches afin d’écrire la vraie histoire des oubliés.
Amar Ouramdane