A l’initiative de l’association Amgud, des détenus du 20 avril ont été invités à animer une conférence pour relater les événements.
Quinze interventions étaient prévues, néanmoins, tout le monde n’a pu faire le déplacement jusqu’à Draâ El-Mizan, avant-hier samedi. La rencontre a eu lieu dans la salle de délibérations de la mairie de Draâ El-Mizan, en présence de représentants du mouvement associatif et de citoyens. « Nous avions prévu une liste de quinze personnes, mais certaines se sont excusées à la dernière minute. Mais cette rencontre se doit d’avoir lieu, afin d’entendre les différents avis sur ce qui a été fait, ce qui se fait et ce qui doit se faire à l’avenir », a déclaré Karim Larbi, président de l’association, avant qu’il ne céde la parole aux conférenciers. Ces derniers se sont tous accordés à dire que tout a commençé le 10 mars 1980. Ce jour-là Dda L’Mulud allait donner sa conférence sur la poésie berbère, à l’université de Tizi-Ouzou, et ce fut la goutte qui allait faire déborder le vase. M. Tari Aziz dira to de go que c’est très difficile de revenir rapidement sur des événements qui se sont déroulés, il y a de cela trente-quatre ans : « La situation et les enjeux politiques ne sont pas les mêmes. Aujourd’hui, chacun a choisi son chemin, son combat, son paysage politique. Mais le plus grand problème demeure l’absence de débat, mais cela ne veut pas dire que le combat est fini. Nous n’étions que des porte-parole. Il faut rendre hommage surtout à la population (lycéens, étudiants, travailleurs dans tous les secteurs, hommes et femmes) qui a pris le combat à bras-le corps. Aujourd’hui, tout a changé. Nous sommes dans une Kabylie divisée. Néanmoins, je pense personnellement qu’il ne faut pas baisser les bras et qu’il ne faut pas vivre dans la nostalgie, car nous ne sommes plus en 80 », estimera cet ex-détenu. « En 1980, nous avions tous le même idéal, celui de faire aboutir deux causes : le recouvrement de l’identité amazighe et les libertés démocratiques. C’était un socle pour tous les militants. Dans le mouvement, il y avait toutes les sensibilités. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une situation plus complexe. Pourtant é l’époque, nous étions dans la clandestinité mais aujourd’hui, il n’y a pas vraiment un cadre organisateur et rassembleur pour continuer le combat. L’union n’advient que si tout le monde laisse ses intérêts personnels de côté. Toutefois, il ne faut pas se décourager, car il y a eu des acquis. A chacun son idéologie, mais n’oublions pas le socle », dira Naït Abdellah Mohamed. De son côté Ali Brahimi voit que cette initiative est très importante car elle leur permet, au moins, de se rencontrer et d’échanger des idées sur le sujet : « C’est très bien ce que vous faites. Pour ma part, je vois qu’il est temps de rassembler le maximum de personnes autour de ce sujet et aller de l’avant. Nous sommes avec vous pour élargir ce mouvement », lancera-t-il en direction des organisateurs. Ali Brahimi, l’ex-député du RCD, reviendra quant à lui sur les dates qui ont jalonné la suite du soulèvement de 1980, en passant par 1988 avant d’arriver à aujourd’hui : « Nous constatons que le mouvement a perdu de sa superbe, et ce n’est sûrement pas la faute à la démocratie. Il faut dire, qu’aujourd’hui, les responsabilités ne sont pas les mêmes. Ceux qui sont aux commandes sont plus responsables », estimera-t-il. Et d’enchaîner : « l’occasion doit être donnée aux jeunes pour prendre la relève. La totalité des acteurs du mouvement sont maintenant vieux ». L’ex député de Bouira reviendra ensuite sur des événements qui sont à l’origine de la baisse de la lutte, causée surtout par l’affrontement identitaire : « Certes, il y a eu beaucoup d’acquis, notamment l’introduction de Tamazight dans le système scolaire. Grâce aux sacrifices des enfants et au boycott, elle est inscrite dans la constitution comme langue nationale. N’oublions pas le sacrifice des victimes du printemps noir. Ne tombons pour autant pas dans la béatitude car notre langue n’est pas sécurisée quand on voit qu’elle n’est plus enseignée que dans deux wilayas ( Tizi-Ouzou et Béjaia) et une partie de Bouira, alors qu’elle a été lancée dans seize wilayas en 1995 », martèlera-t-il devant l’assistance. « Je crois que le rempart reste le mouvement associatif », jugera-t-il tout en rendant un vibrant hommage aux militants de la cause, en commençant par ceux de 1926, puis ceux de 1949 notamment les rédacteurs du document » Idir El Watani » et aussi à tous ceux qui ne sont plus de ce monde. « Je garde un très bon souvenir de l’époque où nous étions à Alger. Nous travaillions ensemble sur le projet, avec feu Mustapha Bacha et un autre ami en la personne de Rachedi Mohamed de Miliana, un arabophone de l’extrême gauche. C’était fascinant », conclura-t-il. Ce n’est là que l’une des premières activités d’Amgud, dans le cadre de son programme concocté pour la célébration du trente-quatrième anniversaire du printemps berbère.
Amar Ouramdane