Le chanteur Djamal Allam, désormais réalisateur de films, a présenté dans la matinée de samedi dernier, à la cinémathèque du 1er Novembre de la ville de Béjaïa, son film «Le banc public», devant un parterre de journalistes et de nombreux autres invités.
L’œuvre, un court-métrage, a obtenu l’Olivier d’or, la plus haute distinction de sa sélection, à la 13ème édition du Festival national du film amazigh qui s’est déroulée du 23 au 28 mars derniers à Tizi-Ouzou. Dans une succession de séquences muettes, le film met en scène une superbe jeune fille, toute de rouge et blanc vêtue, assise sur un banc public peint en vert. Elle tourne le dos à la mer et un bon nombre de prétendants essaient, chacun à sa manière et selon ses moyens, de la séduire ou du moins d’attirer son attention. Un pêcheur lui présente sa meilleures prise de la journée, un footballeur lui succède et tente de l’amuser en faisant rebondir son ballon avec beaucoup d’adresse, puis c’est au tour d’un jeune et beau musicien de lui jouer une merveilleuse mélodie. Vient ensuite un intellectuel, avec son cartable suranné duquel il sort de grosses encyclopédies où il puise des mots savants pour l’épater, suivi d’un archimillionnaire qui demande à son chauffeur d’arrêter sa grosse limousine tout près de la jeune fille et se met à exhiber des liasses de billets de banque devant elle. Mais la jeune femme reste de marbre, murée dans son silence, le regard caché derrière ses grosses lunettes noires. Avec la même placidité elle assiste à la querelle de deux femmes. L’une d’elles, le visage couvert d’un niqab noir, chasse la seconde, vêtue elle d’un haïk tout blanc. C’est là toute la substance du film que nous propose Djamal Allam. Son oeuvre, il l’a accomplie avec des images dépouillées à l’extrême, mais d’une extraordinaire beauté. Au cours des débats qui ont suivi la projection, diverses lectures ont été faites de l’histoire. Pour certains, l’auteur aurait tenté d’attirer l’attention sur le fait que les femmes sont sans défense à l’extérieur et peuvent donc devenir la cible de n’importe quel énergumène en mal de reconnaissance. Pour d’autres, la fille habillée en rouge et blanc et assise sur le banc vert représenterait la société algérienne, ingrate, qui ne reconnaît pas le mérite de ses enfants. Ces derniers ont beau s’échiner, se démener ou se surpasser, elle demeure insensible, imperméable à leur appel de détresse, même quand une étrangère vient déloger la maitresse de maison. Une troisième catégorie de spectateurs, en revanche, n’y ont vu que de belles images filmées pour le seul plaisir des yeux.
B. Mouhoub

