Inoubliable buteur d’Omdurman, Antar Yahia restera à jamais dans les annales du football algérien. Un an après avoir pris sa retraite internationale, le défenseur central, en observateur avisé de l’EN, a bien voulu revenir sur les raisons de son départ. Avec franchise, et un brin de diplomatie, il s’exprime sans détour sur différents sujets.
Antar, après la France, l’Italie, l’Arabie Saoudite et l’Allemagne, comment avez-vous atterri en Tunisie ?
Après mon intermède en Arabie Saoudite, je suis revenu en Bundesliga à Kaiserslautern. Au début, tout s’est bien passé. Je jouais et j’avais une excellente relation avec mes entraîneurs successifs, Marco Kurz et Krasimir Balakov. Quand nous sommes descendus, j’ai joué tous les matchs de préparation avec le nouvel entraîneur, Franco Foda. Mais au niveau humain, il y avait des manques. J’ai besoin d’une relation humaine correcte, et là je ne la ressentais pas. A partir de là c’est devenu difficile.
En huitièmes de finale de la Ligue des Champions africaine, votre club se déplacera le 20 avril prochain en Algérie pour affronter la JSM Béjaïa. On imagine que c’est un rendez-vous un peu particulier pour vous…
Oui, en effet. D’autant que j’ai des liens forts avec cette ville, puisque ma femme est originaire de la région, et que ce sont aussi pour le coup les origines de mes enfants.
Eliminée au premier tour de la CAN, l’Algérie a déçu.
Qu’avez-vous pensé de la prestation de la sélection emmenée par Vahid Halilohdzic ?
C’est une nouvelle génération. Lors de cette compétition, ils ont vu les difficultés de l’Afrique. Ce n’est pas à moi de leur donner des leçons, et ils le savent, il leur faudra muscler leur jeu.
Estimez-vous que l’Algérie a manqué de caractère ?
L’Afrique, ça passe par un jeu plus musclé dans l’engagement. Ils sont talentueux et tendres. Ce n’est pas un reproche, ils vont connaître l’Afrique et se faire leur propre expérience.
A l’image de Ghoulam, Taïder, Brahimi ou Feghouli, l’Algérie est une équipe jeune et talentueuse. Cela est-il suffisant pour réussir en Afrique ?
Le talent ne suffit pas. Il y a d’autres paramètres qui entrent en ligne de compte en Afrique. On l’a vu aussi avec d’autres équipes comme la Côte d’Ivoire. Enormément de talents, et de l’expérience, et ils n’ont pas gagné un seul titre. Je pense que l’unité d’un groupe, le côté humain compte énormément et encore plus qu’en Europe. En sélection, il y a un dénominateur commun : « Quel est ton objectif quand tu viens en sélection ? Est-ce que tu as ce truc bien précis en toi ». Quand tous ces éléments sont réunis, il est possible de soulever des montagnes.
Le 1er mai 2012, vous avez décidé de prendre votre retraite internationale.
Regrettez-vous ce choix ?
Non, je ne le regrette pas. Il faut choisir son moment. Et c’est mieux de le choisir soi-même. J’aime bien prendre mes décisions. Je vis avec mes principes, et avoir la tête haute est essentiel.
Avec l’arrivée d’un nouveau sélectionneur, et un air de
changement de cycle, avez-vous eu l’impression d’avoir été poussé vers la sortie ?
Non, pas du tout. J’ai voulu passer du temps avec Vahid Halilhodzic pour me faire mon idée, et me déterminer sur mon choix. J’ai passé huit mois avec ce sélectionneur. Et, je le répète, mon arrêt n’avait rien avoir avec sa venue.
La mise à l’écart de Karim Ziani, ou le retrait des historiques comme Nadir Belhadj ou Karim Matmour, avec qui vous avez partagé des choses fortes, ont-ils compté dans votre choix ?
Je suis le premier à être parti. Ensuite, il y a eu Nadir Belhadj, Karim Matmour. Je vous rappelle que Karim Ziani n’était plus sélectionné depuis un moment. Donc, ce n’est pas cela qui m’a fait partir.
Compétitif face à la Tunisie
et la Gambie, vous portiez le brassard de capitaine, et votre aura auprès de vos coéquipiers ne semblait pas remise en cause, alors pourquoi ?
En tant que capitaine et cadre dans une équipe, je suis habitué à beaucoup de communication, et dans les deux sens. Sans y voir une critique, et je ne veux absolument que cela soit mal interprété au moment où cette jeune sélection a besoin de sérénité il y a certaines choses qui m’ont usé. J’ai donc préféré choisir mon départ. J’ai vu aussi qu’il y avait eu d’autres joueurs qui ont eu des départs difficiles. (Rafik Saïfi et Yazid Mansouri ont eu un départ pas à la hauteur d’un long investissement en sélection algérienne NDLR).
A 30 ans, vous sembliez
pourtant encore largement
dans le coup…
Qu’est-ce qui vous a usé ?
Les premiers qui m’ont fait la gueule, ce sont mes parents. Mon père m’a fait la tête. Je suis venu jeune en équipe nationale, j’ai connu pas mal d’aventures humaines et de nombreux changements de groupe… Au fur et à mesure, il est difficile de récréer quelque chose…
Fort de 53 sélections et de
6 buts avec l’Algérie depuis 2004, l’idée d’une remise en cause de votre statut, a-t-il influencé cette décision ?
Si on avait considéré que je n’étais plus compétitif, je l’aurais accepté car la concurrence fait partie de notre métier, et sans chauvinisme, je n’ai jamais posé de conditions pour évoluer dans mon pays. Je voulais choisir ma sortie. Je me sentais plus à l’aise. C’est tout. Quand on est un cadre de l’équipe, on a un poids qu’on souhaite garder. Et puis, Vahid Halilhodzic est arrivé avec ses idées…
Zidane, Thuram ou Makelele sont revenus en août 2005 pour aider la France à se qualifier au Mondial. Et si on vous demandait de revenir pour apportez votre expérience…
Je ne suis pas parti pour qu’on me redemande de revenir. Je ne reviendrai pas. La page est tournée.
Et pour participer à un Mondial, en cas de qualification ?
Encore moins, car si tu ne participes aux éliminatoires, ce n’est pas pour aller manger le gâteau…
Pourtant c’est déjà arrivé en Algérie…
C’est leur problème. Chacun avec sa conscience. Mais moi, je ne le ferai pas.
In Footafrica365