Valoriser les instances d’intermédiation et de dialogue

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Par Amar Naït Messaoud

Plus de cinq mois après les élections locales de novembre 2012, les assemblées communales et de wilaya tardent encore à se distinguer par des stratégies et des choix clairs, bien arrêtés. Hormis quelques rares communes où une nouvelle dynamique est insufflée à la gestion des affaires publiques, l’on sent, partout, comme une espèce d’atonie prolongeant  la léthargie héritée des anciennes assemblées. Les mêmes problèmes se répètent à grande échelle en Kabylie et dans d’autres points du territoire national, et les mêmes tergiversations prennent en otage la gestion locale, si bien que l’on continue à apprendre que des mairies sont fermées par des citoyens en colère. Dans un grand nombre de communes, la distribution de logements sociaux, qui a eu lieu juste après l’annonce des résultats des élections locales, n’est pas encore définitivement validée suite aux milliers de recours déposés au niveau des commissions de wilaya. Outre la question de la distribution de logements, dont la plus grande responsabilité relève réellement de la daïra, les exécutifs municipaux sont également «tétanisés» par les contraintes de la gestion quotidienne, allant du ramassage des ordures ménagères jusqu’à l’adjudication de marchés hebdomadaires, en passant par les projets communaux de développement (PCD) destinés à l’assainissement, l’adduction d’eau potable, les améliorations urbaines… etc. En tout cas, les espoirs fondés un certain moment sur la révision du code communal se sont très vite évaporés; la ‘’révolution’’ attendue n’a pas eu lieu malgré la révision du texte intervenue en 2011. La loi 11-10 du 22 juin 2011, relative à la commune, définit celle-ci comme étant «l’assise territoriale de la décentralisation et le lieu d’exercice de la citoyenneté. Elle constitue le cadre de participation du citoyen à la gestion des affaires publiques». Les ambitions politiques accordées aux APC sont pourtant louables, si leur mode de fonctionnement ne limitait pas leurs prérogatives au profit de l’administration. Car, la nouvelle législation considère que la commune constitue « le cadre institutionnel d’exercice de la démocratie au niveau local et de gestion de proximité » (article 11). L’Assemblée est censée pouvoir consulter, dans le cadre de l’aménagement et des programmes de développement qu’elle a à piloter, toute personne ou compétence extérieure (associations, experts…) qui pourrait l’assister ou l’éclairer dans ses prises de décision. Néanmoins, ces idéaux, faisant partie des schémas de démocratie participative tels qu’ils sont conduits dans des pays politiquement avancés, ne trouvent que rarement leur terrain d’expression dans la réalité algérienne pour diverses raisons. Le niveau culturel et la sociologie même des candidats aux élections conditionnent inévitablement ce genre d’initiatives, consistant à aller vers la société civile et créer des jonctions et des passerelles avec les populations. C’est pourquoi, l’idée émise la semaine passée par le président de l’Assemblée populaire de la wilaya de Béjaïa, tendant à réactiver le conseil consultatif  créé en 2006, relève d’une méthode de gestion qui a donné ses fruits sous d’autres cieux. Même si toutes les conditions ne sont peut-être pas réunies, l’initiative ne manquera pas d’être appréciée par la population et la société civile, comme elle pourra bénéficier d’autres apports qui la hisseraient au rang de modèle à suivre. Il semble que, par-delà les limites objectives dans lesquelles évoluent les assemblées communales et de wilaya, suprématie de l’administration, déficit de recettes fiscales et faible encadrement en ressources humaines, l’ouverture sur la société constitue assurément l’une des clefs du rayonnement attendu des structures de base et de l’atténuation de la légendaire défiance ayant caractérisé jusqu’ici, la relation entre gouvernants et gouvernés.

Un substitut à la ‘’diplomatie parallèle’’

 

Depuis qu’une espèce de ‘’rébellion’’ sociale est devenue la réalité la plus prégnante de l’Algérie de ces dernières années, de hauts responsables (ministres, walis, chefs de daïras…) ont, à différents points du territoire national, essayé de nouer une relation avec la société par l’entremise de notabilités et autres ‘’personnes sources’’ (selon le jargon du coaching des ressources humaines). Parfois, cette opération prend un caractère discret, via des émissaires et des relations (pour prévenir une situation d’émeute ou la résoudre après sa survenue); d’autres fois, l’opération devient publique, comme ce fut le cas à Ghardaïa, il y a quatre ans de cela, lorsque le ministre de l’Intérieur recourut à ce procédé pour mettre fin au conflit Mozabites/Chaâmbas et faire signer solennellement aux deux parties un ‘’pacte de paix’’ ou ce qui est aussi dénommé la «Charte de Berriane». Ainsi, le gouvernement a été contraint de dépasser ses propres structures- démembrements de l’État- ou d’en faire abstraction, pour chercher d’autres voies de règlement des conflits. La situation s’est répétée, à quelques détails près, au début de l’année en cours, à Ouargla et Illizi. L’on se souvient également que la Kabylie, au cours des différents mouvements de contestation et de révolte qu’elle a connu, n’a pas été épargnée par cette ‘’diplomatie parallèle’’ qui montre les véritables limites des institutions et structures officielles (APC, APW, daïra, wilaya) lorsqu’elles s’enferment dans leur tour d’ivoire. Offrant des espaces d’intermédiation et de dialogue capables de donner un nouveau souffle à la gestion de proximité à la conduite du cadre de vie et à l’exercice de la citoyenneté les instances de consultation, basées sur l’énergie de la société civile, sont, face aux impasses et tensions qui se multiplient, appelées à initier les bases de la démocratie locale participative à même de donner la leçon aux partis et aux autres institutions de l’État.

A.N.M.

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