Les parfums de la brise de mer

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Et un peu plus bas, des rochers superposés “s’interposent” entre le sable et la mer. Ce jour-là, la grande bleue était mate, très calme. On dirait un miroir où la voûte céleste inversée. Première image saisissante : des pêcheurs à la ligne. Assis ou debout, les cannes à pêche intercalées dans les rocs pour les uns et carrément dans les mains pour les autres. “J’ai péché presque 1 kilo de soupe !”, nous a dit tout béat aâmi Rabîe, un pêcheur à la ligne. Il affirme pratiquer ce “passe-temps” depuis 45 ans. “Je suis retraité de la Sempac. J’ai rien d’autre à faire que de pêcher au lieu d’aller au café ou ailleurs”, a-t-il ajouté. Nous avons laissé ce brave vieil homme tout en lui souhaitant une bonne pêche pour continuer notre chemin. Quelques instants après et à de petites longueurs de nous, une déferlante humaine toute émoustillée montait sur les blocs de rocs en scrutant le large. Ce sont des étudiantes du centre universitaire Larbi-Ben M’hidi d’Oum El Bouaghi. Elles étaient toutes coiffées de tchador. “Nous sommes des étudiantes affiliées à l’UGEL (union générale des étudiants libres, pro-Hamas), nous sommes venues d’Oum El Bouaghi pour une excursion afin de visiter la ville de Béjaïa”, nous a dit une étudiante. “Vous êtes combien ?”, avons-nous interrogé. “Nous sommes 50 étudiantes…. Nous trouvons la ville de Béjaïa très belle. C’est notre première station (la brise de mer, Ndlr). La nature nous a beaucoup plue !”, a-t-elle conclue.La brise de mer est un endroit charmeur et en plus de cela, un lieu romantique, où les tourtereaux se “glissent” dans les entrailles des rochers, loin des regards indiscrets pour faire des câlins et s’échanger des mots doux chargés d’émotions. Chut ! Nous avancions à pas feutrés, pour ne pas déranger l’instinct tant diabolisé. Passée la zone “sensible”, nous apercevions en arrière-plan Cap Bouak, “accoutré” de pingrerie et d’oliviers. En bas, sur une plaine, des bacs de pétrole. Nous avons réalisé que c’était la Sonatrach. Un pétrolier “mouillé” dans la mer, charge du pétrole brut dans un bruit assourdissant. Dans la même région, il y a la douane, la PAF, la sécurité maritime et terrestre et l’école technique de formation et d’instruction maritimes qui forme, entre autres, des marins, des pêcheurs et des matelots. Pour être pêcheur, il faut suivre une formation de 3, 9 au 24 mois. C’est selon la catégorie.Nous pénétrâmes dans le port de pêche, pour nous retrouver en fin de parcours sur le quai où sont amarrées des barques vétustes pour la plupart. Deux pêcheurs s’affairaient à recoudre, au seuil de la porte de leur local, des filets. Un troisième assis à leur côté, ils causaient; Après les avoir salués, ces pêcheurs nous raconterons un peu leur vie de tous les jours. “Ce métier ne me plaît pas en réalité. Si c’était à refaire, je ne remettrai pas les pieds ici”, nous dira aâmi Mustapha, un retraité de 58 ans et qui travaille encore comme chalutier, étant donné qu’il ne peut subvenir aux besoins de sa famille avec sa pension de retraite. Ce chevronné de la pêche dit avoir jeté les premiers rets en 1962. “A l’époque, soutenait-il, il n’y avait pas de boulot. Je n’avais pas choisi ce métier, mais ça a été une contrainte”.La journée des pêcheurs n’est pas du tout repos soutiennent nos interlocuteurs. A 5 heures du matin, le réveil. Une heure après, c’est l’arrivée à la zone de pêche, soit à 3 km au maximum des côtés. Là, ces pêcheurs jettent les filets d’un kilomètre de longueur et attendent jusqu’à 15 heures d’affilée, voire même un peu plus. Ils affirment pêcher journellement entre 1 kg et 3 kg toutes espèces confondues. Nous citons quelques-unes : Dorade, raie, saourel, seiche, langouste, rouget, merlan, etc. “Aujourd’hui, s’esclaffe-âammi Mustapha, nous avons pêché une pièce de Dorade qui pèse 200gr.” Justement combien ça coûte la dorade le kg ? “Elle fait 200 DA le kg chez nous, les pêcheurs, et 500 DA le kg chez les revendeurs.” Autres ? “les crevettes coûtent 2000 DA la caisse de 17 kg.” Ayant eu maille de notre présence, le président de l’association des pêcheurs de ce port de pêche, M. B. Nacer, s’est présenté devant nous pour dresser un tableau peu reluisant de la pêche à Bgayet et admonester, par la suite, dans un long réquisitoire, les pouvoirs publics et leur incurie. Les revendeurs ne seront pas épargnés, puisqu’ils seront accusés de faire dans la concurrence déloyale. “Il y a une mauvaise gestion du port de pêche. Nous avons soulevé nos problèmes auprès des autorités compétentes, sans toutefois qu’elles nous réservent de suite.” a expliqué B. Nacer qui affirme que des revendeurs viennent écouler du poisson, à quelques encablures d’eux. Ces gens viennent, avec des camions frigos, d’El Kala, Ghzaouet, Zemouri… etc. et “tuent de ce fait leur “commerce”.“Nous avons avisé les autorités à plusieurs reprises mais sans résultats. Ces gens travaillent sans registres de commerce. Il y a une année, nos pêcheurs excédés allaient leur tordre le cou. Heureusement que j’ai calmé les esprits. Autrement…” a affirmé le même interlocuteur.Autre problème passé en revue par les pêcheurs : La pollution. Ces gens attestent que des espèces se sont éteintes ici à Bgayet. Ils énumérent : le requin marteau, l’ange de mer, et la guitare. D’autres espèces en voie de disparition ou d’extinction : Le chien de mer, le cochon de mer et l’ambril.Les pêcheurs montrent du doigt les entreprises et sociétés qui déversent leurs déchets dans la mer au lieu de les recycler ou de chercher à trouver une solution idoine à ce problème. Contrairement à ce qu’on affirmait dans la presse que le poisson algérien meurt de vieillesse, “nos” pêcheurs attestent entièrement le contraire. “Le poisson se raréfie de plus en plus, corrobore B. Nacer, il y a eu une surexploitation de cette richesse dans les zones interdites. La pêche ne doit pas être effectuée en dehors de la ligne de base qui est de 42 mètres de cap en cap.”Pour ce qui est de la sardine, nous avons tenté d’avoir des explications quant à son prix demeurant élevé, même si des fois il fluctue ; les pêcheurs expliquent que la sardine (très prisée par la population) n’a pas de prix fixe. Cela dépend des jours. Cependant, les prix en général oscillent dans la plage qui va de 200 à 2200 DA la caisse de 25 kg. Ce qui fera, mathématiquement, entre 80 et 88 DA le kg. Ceci pour le prix fixé par les pêcheurs aux restaurants et aux revendeurs. Ces derniers le cédant généralement à pas moins de 100 DA le kg, et dans les meilleurs des cas à un peu moins.

Micipsa Y.

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