Par Abdennour Abdesselam
Le désir chez Ssi Mohand d’utiliser un objet comme symbole est assez courant et précis. Il emploie le vocabulaire des objets pour humaniser son poème. Cet usage aboutit souvent à la femme. Un objet parfois insignifiant est vite oublié en tant que tel, une fois lancé dans l’écheveau du poème, et provoque les frissons les plus étendus. Les images qui s’en dégagent deviennent fascinantes. Elles mettent le regard face aux fantasmes et face à l’épreuve d’une imagination. Ces choses évoquées sont voulues comme si elles sont vivantes, comme si elles parlent. C’est peut-être même le sens de la trame poétique qui les réclame, car bien des objets sont suggestifs. De ceux-là Lamartine disait : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? » De sa part Paul Eluard proclame que: « Pour le poète, tout est objet à sensation, donc à sentiment ». Quant à Ssi Mohand Oumhend l’évocation des d’objets lui fournit le sentiment de vivre ardemment une fiction qui lui permet même pour un court instant d’exorciser l’ivresse amoureuse qui l’habite. Décidément nous nous devons de répéter que la poésie est un langage pour l’universalité. La composition du texte Mohendien dégage des images qui baignent dans un monde de création idéal où tout se démêle loin d’un quotidien habituellement morose où tout s’enchevêtre et s’entremêle. L’effet de la fantaisie que fait le poète des objets procure une impression d’évasion utile et nécessaire. D’évidence, le domaine des objets et des choses merveilleuses a toujours été au centre de l’univers poétique. Mais le monde de l’imagination, celui de l’invraisemblable, est un monde magique mais tout aussi éphémère. Le recours à la comparaison est alors d’ordre métaphorique. Pour sujet d’exemple, la métaphore « jardin », est très fréquente chez Ssi Mohand. Baudelaire s’en est saisi également dans « Les fleurs du mal » pour jouer de l’ombre projetée. Il est remarquable de constater qu’ils ont tous les deux usé d’images allégoriques des objets pour laquer une scène d’amour exceptionnelle ou pour décrire l’anatomie féminine. L’équivalence s’explique dans ce que ces objets et ces choses versifiés leur permettent de tout exprimer. Quand le poète évoque le rêve de se substituer au bord de la fontaine (a wi qwlen d amnar n tala) c’est pour ce que cet objet suggère, ce qu’il exacerbe et permet comme rêve d’être en intimité avec ces jeunes filles qui viennent s’y asseoir, s’étancher, s’y étendre et se prélasser sous tous les soleils des poètes. Voilà pourquoi il importe de considérer le vocabulaire des objets dans l’œuvre poétique de Ssi Mohand et des poètes tout court. Bien après lui, l’évocation métaphorique des objets a été reconduite par des artistes plus près de nous à l’image de Lhesnawi qui, dans : « ay abrid yarwan tullas », envie cette pierre sur le chemin au regard tourné vers le ciel lorsque les jolies filles l’enjambent ou encore Cherif Kheddam dans « A lemri » louant le miroir devant lequel la belle vient s’offrir pour faire devant lui ses mille et une danses sans timidité sans gêne, sans embarras ni malaise. C’est cette chance que tous les poètes cherchent à disputer aux objets avec du verbe.
A. A.