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Lounès Matoub, 15 ans déjà…

Lounès Matoub, ou le patriote de toutes les patries opprimées, né le 24 janvier 1956 à Taourit-Moussa, un petit village de Béni-Douala, à une trentaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, a été assassiné le 25 juin 1998 dans un guet-apens.  Lui qui avait dit un jour qu’« il faut savoir distinguer entre la vie et la mort, les deux sont belles. Moi je préfère mourir pour mes idées, que de mourir de lassitude ou de vieillesse dans mon lit », est mort comme il l’avait souhaité. En si peu de temps, Lounès est devenu une icône et un grand symbole pour la jeunesse kabyle. Il était l’homme qui disait tout haut ce que les autres pensaient tout bas. Il avait chanté la misère, la faim, l’injustice, l’amitié la fraternité la femme aimée, puis l’amertume de la séparation et de l’amour impossible, ainsi que l’exil et Tamazight. Il a bercé durant plusieurs années, des millions de gens avec sa voix rauque, qui continue de raisonner partout aux quatre coins du pays, comme sur les autres continents. Alors un poète peut-il mourir ? Certainement pas. Car les gens de sa trempe demeurent éternels.

Tentative d’assassinat en 1988, enlevé en 1994 et assassiné en 1998…

Le 9 octobre 1988, tandis que l’Algérie était en ébullition, Lounès avait accompagné deux jeunes étudiants de l’université de Tizi-Ouzou en voiture vers la région d’Ain El-Hammam  afin de distribuer des tracts appelant la population à une grève générale de deux journées, puis au calme à la suite des manifestations d’Alger. Il fut malheureusement intercepté par des gendarmes qui l’avaient filé. Lounès fut atteint de cinq balles, dont l’une lui traversa l’intestin et fait éclater le fémur droit, s’effondra. En mars 1989, il a été transféré à l’hôpital Beaujon, en France, pour des soins intensifs. En dix mois, il aura subi près de 14 opérations chirurgicales. Les groupes islamistes, qui ne lui ont jamais pardonné son combat acharné contre l’intégrisme et ses positions formelles face aux hordes du GIA, ont toujours voulu l’éliminer. A cet effet, le 25 septembre 1994, il fut enlevé par un groupe armé composé d’une vingtaine de terroristes, qui s’était introduit aux environs de 21h dans un bar-café où il se trouvait en compagnie de quelques amis. Son kidnapping secoua la Kabylie entière. C’est d’ailleurs grâce à la solidarité de la population qu’il a été relâché après seize jours de détention au maquis, soit le 10 octobre aux environs de 20h dans un café à Ath-Yenni. Condamné à mort par un tribunal islamique. Lounès tombe le 25 juin 1998, et contrairement à octobre 1988, cette fois il ne se relèvera pas. Ce jour là aux environs de 13h, son véhicule de marque Mercedes tombe dans une embuscade. C’est ainsi que Matoub est abattu près de son village, au lieudit Tiberquqin relevant du village Tala-Bounan dans la commune d’Ait Aïssi. 78 impacts de balles ont été relevés sur sa voiture. Quant à lui, il aurait été atteint par cinq balles. Cette nouvelle, qui a instantanément fait le tour de la Kabylie, a débouché sur des manifestations et au déferlement de la population de toute la Kabylie dans la ville de Tizi-Ouzou. Les jeunes s’étaient, ce jour-là attaqués à tous les symboles de l’Etat. Le 30 juin 1998, le GIA revendique son assassinat. Les funérailles, qui ont eu lieu trois jours après son assassinat, ont drainé plusieurs centaines de milliers de personnes. Quand à la Kabylie, elle aura connu plusieurs semaines d’émeutes. Lounès a été enterré dans la demeure familiale.  Aujourd’hui, sa tombe reçoit quotidiennement de nombreuses visites des fans de Lounès.

Retour sur un procès pas comme les autres

Le procès de l’assassinat du chanteur avait été maintes fois annoncé. Mais il été à chaque fois reporté. Le premier procès a été programmé le 20 décembre 2000. Mais il a été reporté suite à la demande de la partie civile, notamment la famille Matoub et la fondation qui porte son nom pour complément d’enquête. Par la suite, le procès a été renvoyé au 5 mai 2001. Cette fois encore, il a été reporté à cause des événements qui avaient touché la Kabylie durant cette année. Suite à la déclaration de la procédure comme close, aucune date n’avait été fixée depuis 2001. En 2008, le tribunal criminel près la cour de Tizi-Ouzou avait ordonné un complément d’enquête. Donc, une fois de plus, l’affaire fut reportée. Trois années plus tard, plus précisément en juillet 2011, le procès de l’assassinat de Matoub Lounes s’est transformé en procès de Malik Medjnoun et Hakim Chenoui, les deux personnes présentées comme les présumés assassins de Matoub et qui ont été condamnées chacun à 12 ans de prison. Exactement la même période purgée en détention provisoire. Pour rappel, les deux présumés assassins de Matoub ont été arrêtés, quelques mois après le meurtre. Selon les médias, l’une des soeurs de Nadia Matoub aurait reconnu l’un des agresseurs. Mais il n’a jamais figuré sur la liste des dix présumés assassins qui a été rendue publique en décembre 2000 et sur laquelle Chenoui et Medjnoun ne figuraient pas. C’est en 2000 que Medjnoun apprend qu’il est inculpé du meurtre de Matoub. Lors du procès qui s’est tenu en juillet 2011, la famille Matoub et les membres de la fondation qui porte son nom n’avaient pas arrêtés de scander « libérez Medjnoun et Chenoui. Jugez les vrais assassins et les commanditaires ». Quand à Malika Matoub, elle dira, le jour de la tenue du procès : « Dans l’affaire de l’assassinat de mon frère, ces deux là n’ont rien avoir … trouvez leur donc d’autres chefs d’inculpation, mais ne les citez pas en tant qu’assassins de mon frère ».

Samira Bouabdellah

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