Panorama sur la littérature et le théâtre d'expression amazighe

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Par Abdennour Abdesselam

La littérature d’expression amazighe a réellement vu le jour à l’indépendance. Auparavant, la seule production typiquement littéraire, au sens roman du terme, a été celle écrite par Belaid Aït Ali sous le titre ‘’Lwali n Wedrar’’ (Le saint homme de la montagne). On peut également ajouter les compilations de poèmes plus ou moins fournies considérant que la poésie est aussi un genre littéraire. Le Ficher de documentation berbère, entretenu de 1945 à 1967, nous présente plutôt des chroniques d’observation étalées sur plusieurs thématiques se rapportant à la vie des montagnards. Il est utile de signaler également que les ouvrages écrits par les auteurs berbérophones (Mammeri, Feraoun) avant l’indépendance ont été rédigés en langue française, mais en faisant dire à celle-ci un langage algérien tout en restant hors champ proprement dit de la littérature exprimée en berbère. Cela étant, c’est après l’indépendance que cette littérature s’est réellement manifestée à travers les romans initiatiques dans une expression plutôt modernisée. Un même trait de caractère rassemble ces productions dans la sphère de la revendication de l’identité amazighe où sont également dénoncées l’école obscurantiste et la confiscation de l’indépendance. A partir de 1990, sont apparus de nouveaux genres plutôt axés sur le descriptif, le dramatique, le sentimental, l’amoureux et le passionné… Mais le foisonnement des recueils de poésie de compositions nouvelles ou de reprises nous laisse à penser que la langue amazighe est surtout une langue de poésie, une langue pour la poésie.  Pour ce qui est du théâtre, une brève rétrospective sur le sujet semble nécessaire pour la compréhension de son évolution. Le lieu privilégié de l’animation sociale, culturelle et commerciale en Kabylie, c’étaient les souks (marchés). Ils sont au centre de chaque région. Il existe aussi des souks plus importants regroupant deux ou trois Aârchs à la fois. C’est dans ces lieux que prendra naissance le théâtre d’expression amazighe. Des personnages itinérants porteurs d’une parole ciselée jouent généralement seuls des pièces sous forme de monologue. Les thèmes varient entre le social, la fiction, l’humoristique, le comique, le dramatique etc. Ce n’est qu’avec l’apparition du scoutisme vers 1940 que naîtra le théâtre amazigh au sens moderne du terme. Auparavant, à partir de 1938, et avec la création d’émissions en langue kabyle à la radio, est né le théâtre radiophonique. Au même moment, la chanson kabyle a créé un genre de duo par la parole appelé « Joutes oratoires » formé d’un hybride de textes et de musiques. Ces joutes étaient le contexte de répliques de hautes factures qui provoquent le rire, véhiculent une morale ou encore des sentiments divers. Ces productions étaient de tendance théâtrale que l’on peut verser dans le parcours de l’évolution du théâtre d’expression amazighe. A l’indépendance, le théâtre s’installe dans sa forme moderne. Il a été inauguré par la traduction de la pièce de Kateb Yacine ‘’Mohamed prend ta valise’’. La pièce fut jouée en Tunisie dans les années 70 et rafla le premier prix. Officiellement, le théâtre d’expression amazighe restera pendant longtemps ignoré. C’est auprès de Kateb Yacine, à Sidi Bel Abbès, que vont se former davantage de comédiens. Mais c’est le dramaturge Mohya qui charpentera indubitablement le théâtre amazigh, avec ses célèbres pièces traduites d’auteurs mondialement connus. A partir de 1980, l’université de Tizi-Ouzou sera alors le lieu de prédilection pour le développement du théâtre. Tous les lycées et collèges, ainsi que le monde associatif, emboîteront le pas et laisseront de jeunes auteurs émerger dans le domaine. Il est vrai que le théâtre c’est avant tout la parole. Nous comprenons alors que le domaine de l’oralité l’emporte encore (du moins pour le moment) sur celui de l’écrit.

A. A.

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