Quel mode d’emploi ?

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Par Amar Naït Messaoud 

Face au Premier ministre, qui a pris, depuis sa nomination en septembre 2012, son bâton de pèlerin pour bien investir le terrain, face aux ministres de la République que le hasard d’une «escale» technique fait rencontrer avec la population, et à tous ceux qui postulent aux hautes responsabilités dans ce pays (partis, personnalités indépendantes, hauts cadres), la jeunesse algérienne n’a qu’un mot, qu’un message à faire passer: créer de l’emploi. L’emploi suppose, dans le schéma idéal du cercle vertueux de la croissance, un revenu, une évolution dans la carrière, la consommation, la formation d’un foyer et l’incitation à la production. Un cycle qui, même s’il n’est pas conceptualisé tel quel par ceux qui souffrent du chômage, ne manque pas d’avoir sa part d’universalité dans toutes les économies du monde.  Dans les milieux dits ‘’politiques’’, qui prétendent représenter cette jeunesse et mettre un terme à la gérontocratie sénile qui prend en otage le pays, l’on trouve mille difficultés et beaucoup d’embarras à s’engager sur le terrain concret de la bataille pour l’emploi. Cela suppose des efforts de réflexion, que les partis ne sont pas toujours en mesure de faire, vue la facilité de la seule voie de ‘’prise de pouvoir’’ qu’on leur fait miroiter. Cette mission réclame aussi des engagements concrets, un programme précis, sur la base d’un diagnostic réel. Ne pouvant que très rarement se rencontrer sur ce terrain-là la jeunesse algérienne et la ‘’classe politique’’ (presque une soixantaine de partis agréés) se regardent en chiens de faïence. La jeunesse n’est souvent convoitée que comme corps électoral, aussi bien par les partis que par l’administration; cette dernière se sent dans l’obligation de hausser les chiffres de la participation dans les différents scrutins électoraux.  Après une période jugée comme «sur-politisée», agitée par un bouillonnement stérile, le temps semble s’ouvrir aux revendications concrètes d’un mieux être social, dont la clef de voûte se trouve être l’emploi.  Voici une demande, un besoin pressant des jeunes, qui peut donner lieu à vrai cours d’économie ou de gestion sans que le sujet puisse être épuisé dans l’immédiat, et pour cause. Si, en toute apparence, les vérités sur l’emploi en Algérie sont déclinées et interprétée dans les chiffres du chômage (30 % de la population active en 1999, 15% en 2005 et 10 % en 2012), la réalité est beaucoup plus complexe. Elle fait intervenir la santé de l’appareil économique, le rythme des investissements, la compétitivité des entreprises, l’innovation technologique et, enfin la formation sous tous ses aspects (enseignement général, professionnel, universitaire, et formation continue). Donc, au sein même de ces données, qui fondent la politique de développement du pays et les l‘armature de sa bonne gouvernance, la notion d’emploi doit être située dans véritable place, celle régulée par le marché du travail, à savoir la rencontre entre l’offre et la demande en matière de postes de travail. Voici une notion, le marché du travail, qui peine à s’imposer définitivement, non seulement à l’esprit des jeunes chômeurs, ayant trouvé à l’âge d’entrer dans le monde du travail, une situation de rente qui a faussé tous les calculs, mais également à l’esprit des structures administratives et techniques du pays. Ces dernières, censées anticiper sur les grands changements sociaux et économiques, sont souvent prises en flagrant délit d’impréparation et de myopie.  Or, depuis la fameuse «gestion socialiste des entreprises» des années 70, le statut général des travailleurs de la même période, et l’ambition frénétique du plein emploi dans des unités et ateliers étouffés par les effectifs pléthoriques où seul coulait l’argent du pétrole, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.   L’impasse du modèle de développement algérien, si tant est qu’il en fût un, s’est concrètement manifesté par la menace imminente de cessation de payement au début des années 1990; tout en sachant que cette chute aux enfers a commencé en 1986, avec le recul des prix des hydrocarbures sur le marché mondial, et qu’elle a pris le visage de la confrontation finale entre le peuple et le pouvoir politique un certain 5 octobre 1988.  Vingt-cinq ans plus tard, ô comble d’hérésie, presque le même schéma (ou ‘’modèle’’) est suivi par l’économie algérienne, à l’ombre d’une embellie financière inédite dans l’histoire du pays. Au lieu d’investissements offensifs dans tous les domaines, y compris dans les énergies renouvelables et l’économie verte (industrie du recyclage, par exemple), l’on reconduit les mêmes proportions de la mono-exportation en hydrocarbures (soit entre 97 et 98 %), telles qu’elles étaient déjà en…1988.  Les articulations figées de l’industrie, de l’agroalimentaire, du textile, des cuirs, de l’artisanat, et même de la pétrochimie pour laquelle nous disposons pourtant de la matière première, ont remis en cause les chances de la relance de l’emploi. Le gouvernement s’est contenté depuis une quinzaine d’années, de puiser dans les fonds publics pour asseoir de précaires dispositifs sociaux d’emploi (pré-emploi, filet social, DAIP, CFI,…).   Aujourd’hui, le constat est là: ces dispositifs ont atteint leurs limites en puisant, dans les transferts sociaux, des sommes qui auraient bien pu être destinées à l’investissement créateur d’emplois.  De même, les exigences et ambitions des jeunes prennent une autre dimension, celle que, logiquement, les potentialités du pays doivent permettre aisément. Les solutions de bricolage sont de moins en moins admises dans un monde qui s’ouvre continuellement sur de nouvelles opportunités de travail, liées à deux facteurs importants qui ont toujours fait mouvoir la dynamique des économies: la croissance exponentielle de la productivité (nombre d’unités produites en un temps donné) et les innovations technologiques. Dans le contexte d’une l’embellie financière qui risque de continuer à servir de rente distributive, l’Algérie est sommée de développer une autre politique de l’emploi, basée sur les valeurs de l’effort et de la création de richesses. 

A .N. M.

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