Par Abdennour Abdesselam
Dans le domaine de poésie, c’est plus la recherche de la rime qui semble être la principale contrainte plutôt que l’inspiration et la composition des vers. Des poètes se mettent souvent à composer en ligne directe afin de demeurer concentrés sur le sujet et reviennent ensuite pour traiter la rime. Mais l’exercice reste difficile, d’autant plus que disposer du vocabulaire le plus riche n’est pas chose aisée. On peut également remarquer une certaine paresse chez les poètes à faire l’effort nécessaire pour améliorer leur vocabulaire. Certains de nos poètes, anciens et nouveaux, font dans la compensation exagérée de leur vocabulaire, pas seulement pour les besoins de la rime d’ailleurs, en empruntant excessivement à la langue arabe. Cette méthode du recourt à l’emprunt n’est pourtant valable que dans le cas de la non existence avérée du mot recherché dans la langue berbère. Sur ce sujet précis, nous notons que nous sommes en effet davantage dans une ambiance universelle très dynamique et où les paysages linguistiques se trouvent fortement bouleversés. Les hommes se rencontrent, les langues et les cultures aussi. Les mots voyagent, et en grand nombre, entre deux langues. Il est évident que cette ouverture sur d’autres langues est indispensable. Toute langue qui se renferme sur elle-même est vouée à sa propre disparition. Mais si cette interconnexion linguistique est utile, il n’en demeure pas moins qu’elle peut donner objet à critique. Elle pose la question de l’emprunt justifié et de l’emprunt injustifié. En effet, un usage excessif d’emprunts injustifiés peut menacer la langue emprunteuse. Il est démontré scientifiquement que lorsque, dans une langue, le taux d’emprunt dépasse 10% on n’est plus en face d’une seule langue mais de deux langues distinctes. De plus il est établi qu’une langue est un système qui ne connaît que son ordre propre. Ainsi, lorsqu’un discours (ici le poème) est chargé d’emprunts injustifiés, le sujet parlant reste persuadé qu’il n’a pas été au fond de sa pensée surtout celle poétique. Il est empêché d’être en situation de libre expression. On peut donc largement mesurer les risques d’asphyxie que produisent les mots d’emprunt injustifiés sur une langue. Il ne faudrait donc pas hésiter à s’écarter de certains emprunts injustifiés, sous prétexte qu’ils permettent une ouverture sur l’universalisme. L’ouverture sur l’universalisme suppose d’abord assurance et consolidation dans la connaissance la plus parfaite que possible de la langue naturelle. L’emprunt injustifié ne doit donc pas envahir la langue emprunteuse. L’ouvrage de Brahim Bentayeb, en cours d’édition à l’ENAG, présenté sous une classification élaborée et particulièrement adaptée, offre justement aux versificateurs une solution à cet embarras. Il propose plus de 15.000 terminaisons à syllabes rimées. Dans sa présentation, Brahim Bentayeb accompagne son dictionnaire des rimes d’un explicatif d’utilisation qui ne manquera pas d’orienter les utilisateurs à bien exploiter ce qui leur est proposé.
A. A.
