Par Amar Naït Messaoud
Sur fond de lourdes interrogations politiques, de malaise social persistant et de révélations de scandales de corruption, la rentrée sociale approche et montre déjà moult incertitudes. Une rentrée qui ne couronne aucune vraie détente où les citoyens se seraient livrés à une récréation méritée. Après un mois de ramadhan qui aura épuisé les bourses des ménages, l’Aïd achèvera la ‘’besogne’‘ par ses dépenses incompressibles et ses prix hors d’atteinte. Même si l’été 2013 est, sur le plan des températures, est plus clément que celui de l’année dernière, il n’en demeure pas moins que près de 15 000 hectares de forêts, maquis et production agricole se sont transformés en cendres. Sur le plan politique, hormis le retour, à la mi-juillet, de Bouteflika en Algérie, après une hospitalisation qui aura duré presque trois mois à Paris, la scène est faite de fade expectative, où les acteurs ne se meuvent que pour se diluer dans une effarante vacuité. L’on sait que la mouture de la nouvelle Constitution, telle qu’elle ressort du travail du groupe des Cinq, n’est pas encore lancée sur une orbite qui lui fixerait une échéance précise pour son passage devant l’Assemblée populaire nationale ou par sa présentation devant le peuple par voie référendaire. C’est que le temps est compté pour tout le monde: présidence, gouvernement, partis politique et administration. Il ne reste que huit mois pour le rendez-vous déterminant de la présidentielle d’avril 2014. Le front social, même s’il a subi une légère inflexion, est loin de s’apaiser ou de se satisfaire de l’action gouvernementale. La jeunesse estime sans doute que la période de grâce du gouvernement Sellal est épuisée. Dans une semaine, il aura bouclé douze mois d’exercice. Il est vrai que le terrain social est profondément miné et traîne un lourd passif fait de populisme et de navigation à vue. À cette situation complexe, s’est greffé un contexte politique pour le moins inattendu sur le plan de ses irradiations et de l’imbrication de plusieurs problématiques nationales et régionales. Quatre mois après sa nomination, le gouvernement Sellal sera confronté à une épreuve inédite dans les annales du terrorisme en Algérie. En effet, la prise d’otages de Tiguentourine, en janvier 2013, l’a mis sur les “charbons ardents”. Ce fut une étape qui l’a mis à rude épreuve, dans un cas complexe où, aussi bien dans les range des terroristes que dans l’effectif du personnel pris en otage, il y avait beaucoup d’étrangers. Ce qui n’a pas manqué de projeter de façon crue notre pays sur le devant de la scène internationale, dans une posture que le gouvernement et les forces de sécurité ont intelligemment dressée en faveur de notre pays. Le contexte de la guerre contre le terrorisme au Mali a fortement favorisé ce genre d’opération (prise d’otages sur une plate-forme gazière); opération qui n’a pas pu se produire en pleine ‘’effervescence’‘ terroriste en Algérie au milieu des années 1990. Plusieurs mois plus tard, le grave conflit intertribal qui vient d’affecter la localité de Bordj Badji Mokhtar, avec une vingtaine de morts entre Touaregs et Arabes, demeure difficilement dissociable du conflit malien lui-même, pays limitrophe de l’Algérie, avec laquelle il possède de fortes relations humaines sur une frontière dont les familles pauvres, transhumantes et parfois sans papiers, ne tiennent pas compte. Entre ces deux événement, et pendant plusieurs mois, Sellal et son staff gouvernemental n’eurent de travail que celui consistant à apaiser la fronde sociale sur cette partie de l’Algérie qui produit la seule matière première qui constituent 98 % des recettes extérieures du pays. En réalité la fronde s’est généralisée à tout le pays, marquant de faibles moments de répit, et s’enflammant de plus belle à chaque fois que les perspectives d’émancipation de la jeunesse reculent ou se font sombres.
Un passif fait de populisme et de démagogie
Après avoir, au cours de pas moins de cinq réunions de la Tripartite (gouvernement, syndicats, patrons privés), essayé depuis le milieu des années 2000, de trouver des solutions au recul du pouvoir d’achat, au chômage chronique et à l’accroissement de l’inflation, les autorités politiques du pays se redécouvrent, quelques mois après chaque réunion, presque au même point de départ, si ce n’est pire. Le salaire minimum garanti a été rehaussé trois fois (successivement: 12 000 dinars, 15 000 dinars et 18 000 dinars), sans que le pouvoir d’achat s’améliore. C’est que, dans l’équation, une inconnue, si n’est plusieurs, continue à parasiter le système économique et social algérien. Les inconnues, en réalité ne sont pas aussi étrangères aux experts algériens. Au sein même du Conseil national économique et social (Cnes), des diagnostics peu flatteurs ont été faits au sujet du monde du travail et des défis économiques qui se posent à notre pays. Des rapports de cette instance consultative en sont même arrivés à relativiser, voire à critiquer, certains points des Tripartites des années passées, réellement toutes employées à renforcer la distribution de la rente. Même la dernière, tenue en septembre 2011, officiellement chargée d’assister l’entreprise algérienne dans son essor de développement, n’a pas tenu toutes ses promesses. Les premiers à reconnaître et à déplorer cette situation sont les patrons privés, associés à ladite réunion. Une année après sa nomination à la tête du gouvernement, Abdelmalek Sellal, organisera, lui aussi, une Tripartite. Elle est programmée pour la mi-septembre. Sellal annonce dès maintenant la ‘’couleur’‘: cette réunion ne sera pas consacrée à l’augmentation des salaires. Voilà ce qui est clair et qui a le mérite de la franchise. Si les axes inscrits à l’ordre du jour de cette Tripartite arrivent à connaître une matérialisation sur le terrain, le gouvernement Sellal aurait alors un autre mérite, celui d’annoncer la rupture avec le populisme démagogique, qui a alimenté jusqu’ici d’illusions et de fausse richesse l’esprit et le corps de l’Algérien. En effet, devant quelques simples réalités chiffrées, il y a de quoi sérieusement s’inquiéter de l’avenir immédiat de l’Algérie sur le plan économique. Cela signifie que l’inquiétude sera donc sociale et politique, sachant que l’économique est déterminant en dernier ressort. Le montant des importations algériennes a littéralement explosé; on risque de terminer l’année 2013 avec 65 à 70 milliards de dollars d’importation. À Elle seule, la facture alimentaire dépassera 12 milliards de dollars; certains la situent déjà à 16 milliards de dollars d’ici à décembre prochain. On reteindra que, depuis janvier dernier, la seule facture des céréales importées est de l’ordre de 2,2 milliards de dollars. Le marché informel est toujours florissant; l’évasion fiscale dépasse tout entendement et n’arrive plus à être chiffrée. De même, la fuite de capitaux constitue actuellement un grand casse-tête pour le gouvernement, lequel, pour la première fois, reconnaît publiquement ce phénomène dont une grande partie a des atomes crochus avec la corruption. Devant une telle situation, où des agrégats importants de l’économie nationale sont au rouge, le pays continue à ne compter que sur l’exportation des hydrocarbures qui, elle aussi, enregistré un fléchissement de 7 % sur le plan des volumes, en plus des forts aléas de prix qui grèvent le marché mondial. En convoquant la Tripartite en septembre, le gouvernement Sellal compte activer le dossier de l’amélioration du climat des affaires, préparé par le ministre de l’Industrie, de la PME et des Investissements. En effet, Cherif Rahmani a installé en décembre 2012, une commission spéciale chargée de rédiger un nouveau code des investissements et de plancher sur les conditions d’un nouvel essor de l’industrie nationale afin de sortir du cercle vicieux du tout-importation. À quelques semaines de ce rendez-vous, Abdelmalek Sellal vient, à partir de M’Sila où il effectue une visite de travail, de désigner deux points d’articulation, à savoir l’industrie et l’agriculture, sur lesquels devra compter à l’avenir l’Algérie, en plus, bien entendu, des plus-values qui pourraient s’y greffer à partir d’autres secteurs, comme le tourisme par exemple.
A. N. M.