Quels standards pour la qualité et la sécurité?

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 Par Amar Naït Messaoud

Reportés à plusieurs reprises, les travaux de réfection du tronçon de l’autoroute allant de Lakhdaria à Bouira, soit sur une quarantaine de kilomètres, sont confiés à deux entreprises: ETRHB-Haddad et Altro. Prévus une première fois pour octobre 2012, ils ont été ajournés pour avril 2013. Dans l’édition du 5 mars de notre journal, il a été rapporté les propos du directeur des Travaux Publics de la wilaya de Bouira, Bouchekouk Younès, où il affirmait:  »Nous préférons attendre l’arrivée des beaux jours pour commencer les travaux, car, avec les intempéries, on sera confrontés inévitablement à des arrêts. Pour éviter cela, nous avons volontairement temporisé ce projet ». Hormis les signalisations invitant à réduire la vitesse et à prendre garde au rétrécissement de la chaussée par endroits, rien de nouveau n’est à signaler sur le futur chantier. L’Assemblée populaire de wilaya s’est déjà saisie du sujet et la presse ne cesse de revenir sur ce qui constitue la hantise de milliers d’automobilistes, sachant que ce tronçon fait partie de l’autoroute Est-Ouest. Depuis l’ouverture à la circulation de ce tronçon du Centre du pays, les Algérien ont acquis plus de deux millions de voitures, outre une indescriptible flotte de poids lourds se rendant quotidiennement dans la région sud-est de Bouira (Oued El Berdi, Ahl Regueb) pour approvisionner plusieurs wilayas en produits de carrière (sable, gravier, tout-venant). C’est que le nombre de véhicules et le rythme de leur passage se sont mis au diapason du nouvel ouvrage censé contribuer au développement général du pays. L’inventaire des malfaçons et des dégradations qui ont affecté le tronçon Bouira-Lakhdaria a été fait aussi bien par les automobilistes que par l’administration des Travaux publics et la presse. Cependant, l’on ignore si un diagnostic technique suffisamment argumenté a été fait par un quelconque bureau d’études. En tout cas, les grands affaissements qui grèvent l’itinéraire du tronçon en question, les multiples crevasses qui le jalonnent sur plusieurs kilomètres et les multiples dénivellations sont les signes extérieurs irréfragables d’un travail profond du corps de la chaussée et du substratum géologique qui la soutient. Comment les études n’ont pas pu prévoir ce genre de contraintes du site, et comment les entreprises de réalisation n’en ont pas tenu compte, c’est là un autre débat qu’aucune instance technique ou administrative n’a osé aborder jusqu’à présent, même si l’on parle d’une étude géotechnique supposée à même de poser le vrai diagnostic de la situation. L’on s’est contenté jusqu’ici d’annoncer à intervalles réguliers le  »prochain » démarrage des travaux; cela dure depuis une année. Vendredi passé Radio Bouira a, dans une annonce, invité les automobilistes à respecter la signalisation portant sur les limitations de vitesses au niveau des points où seront installés les chantiers. 48 heures auparavant, c’étaient les automobilistes bloqués sur l’autoroute suite à un violent orage qui avaient appelé à la radio pour espérer alerter la protection civile et la gendarmerie. En effet, l’on imagine bien la calamité d’une situation où se combinent les dénivellations et les affaissements de la chaussée, les clôtures métalliques qui réduisent les trois couloirs de l’autoroute en un seul et les effets d’un orage exceptionnel qui avait charrié tout sur son passage. Pendant plusieurs heures, la circulation était restée bloquée. Les familles coincées dans les véhicules ne savaient à quel se vouer.

À ces désagréments quasi quotidiens, s’ajoute un bilan catastrophique des victimes d’accidents. Depuis l’ouverture du tronçon de Djebahia, des dizaines de vies humaines sont fauchées. Cela, bien avant l’apparition des grandes dégradations de la chaussée. Car, à ce point de l’ouvrage, entre la sortie du tunnel de Aïn Cheriki, dans la direction d’Alger, jusqu’à la commune de Kadiria, soit presque une dizaine de kilomètres, la pente de la route est trop forte. Des carambolages, des pertes de frein par les poids lourds, des dérapages spectaculaires, ont été enregistrés depuis 2008. La solution d’urgence imaginée depuis l’année passée consiste à interdire aux poids lourds ce tronçon routier. Les camionneurs, se rendant dans la direction d’Alger, sont invités à quitter l’autoroute à partir de l’échangeur qui la relie à la RN 5 au niveau de l’agglomération de Kalous. Les poids lourds suivent l’ancienne route nationale, créent d’immenses encombrement dans la localité d’Aomar, et rejoignent une nouvelle fois l’autoroute à 3 kilomètres avant la ville de Kadiria.

Le poids des pénétrantes de Tizi et Béjaïa

Indubitablement, avec de telles solutions provisoires, personne ne trouve son compte. Les petites villes et les villages qui avaient lancé un « ouf » de soulagement lors de l’ouverture de l’autoroute, sont aujourd’hui « invités » à renouer avec les semi-remorques, les bouchons au centre des agglomérations, les nuisances sonores, la fumée et les risques sur les écoliers. Le moins avisé des citoyens se pose la question de savoir comment une autoroute, réalisée au début du 21e siècle, n’arrive pas à supporter le poids des camions. Il est vrai que le chargement des camions dépasse souvent leur capacité. Voici un autre problème qui, partout dans le monde, est traité par le moyen d’une solution radicale. Il s’agit des ponts-bascules, destinés à peser la charge des camions et à vérifier sa conformité par rapport à la charge maximale prescrite sur la carte  grise. Ces outils sont censés délivrer le « ok » ou le  »niet » aux camionneurs pour poursuivre leur chemin. Il y a lieu de rappeler que le tronçon d’autoroute traversant la wilaya de Bouira, sur une longueur de 101 kilomètres, est appelé à recevoir deux pénétrantes, l’une venant de Tizi Ouzou, via Drâa Ben Khedda et Draâ El Mizane, et faisant jonction avec l’autoroute au niveau de Djebahia; l’autre venant de Béjaïa, via la vallée de la Soummam (El Kseur, Sidi Aïch, Akbou, Tazmalt), et faisant jonction avec l’autoroute au niveau d’Ahnif. Cette ouverture de l’autoroute Est-Ouest sur deux grandes wilayas de la Kabylie porte en elle de nouvelles exigences en matière de qualité des ouvrages. C’est pourquoi, les réfections dont doit bénéficier le tronçon endommagé doivent hisser cette infrastructure au diapason des services qui en sont attendus. Ceci, sur le plan de la qualité et de la sécurité. S’agissant de l’envergure de l’ouvrage (3X3 voies), elle ne tardera pas, au vu de l’augmentation effrénée du parc national automobile et du déséquilibre qui caractérise l’aménagement du territoire de notre pays (trop forte concentration humaine et économique dans la partie nord du pays),  à montrer ses limites.    

A. N. M.

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