Du désinvestissement au doing business

Partager

 Par Amar Naït Messaoud

«Améliorer le climat des affaires et promouvoir la base industrielle du pays», telle était la mission majeure dont était chargé le ministère de l’Industrie, de la PME et de la promotion des Investissements depuis la nomination de Abdelmalek Sellal à la tête du gouvernement en septembre 2012. L’ex-responsable de ce ministère stratégique, Chérif Rahmani, avait placé en décembre de la même année un comité spécial-une sorte de ‘’brain trust’’- pour réviser le code des investissements et réexaminer certaines législations afin d’asseoir la meilleure démarche qui puisse attirer les investissements nationaux et étrangers, de façon à rendre concrète cette ambition, tant de fois affichée par les pouvoirs  publics, à savoir la diversification l’économie nationale pour l‘extraire de la dépendance étouffante vis-à-vis des hydrocarbures. Cette stratégie a été dénommée ‘’doing business’’ algérien, basée sur la réhabilitation de l’entreprise algérienne et sur les capacités dont il faudra doter notre pays afin qu’il puisse drainer pour le partenariat productif étranger.  Jeudi dernier, lors de la cérémonie de passation de consignes entre l’ancien ministre du secteur, Cherif Rahmani, et le nouveau ministre, Amara Benyounès, l’accent a justement été mis sur la politique que le gouvernement compte mener en direction de l’entreprise. Benyounès, dira qu’il (son département ministériel) mettra l’entreprise algérienne «au cœur du projet économique«. C’est là explique-t-il, ‘’un des grands défis à relever pour une véritable relance industrielle«. Les nouvelles orientations contenues dans le ‘’doing businesse’’ algérien sont censées être déclinée lors de la prochaine réunion de la Tripartite (gouvernement, patronat, syndicat), sachant que, cette fois-ci, la Tripartite sera presque exclusivement économique, c’est-à-dire réservée à la discussion et à la négociation sur la manière de relancer l’investissement et de promouvoir l’entreprise. Il s’agit d’aller vers un pacte de croissance. Car, du pacte économique et social, conclu en 2006, il reste très peu du mot ‘’économique’’. Les revalorisations salariales successives, particulièrement à partir de janvier 2008, ont plus favorisé l’inflation et fait peser sur le budget de l’État de lourdes hypothèques, qu’entraîné un cercle vertueux basé sur le renforcement de la demande. Ce dernier schéma, dit keynésien, n’a de valeur et de sens que dans une économie déjà bien organisée, où l’entreprise est au centre de la création de richesses, d’emplois et de fiscalité. Deux millions de fonctionnaires et des dépenses budgétaires inconsidérées, issues de la seule rente pétrolière, sont visiblement loin de pouvoir constituer une économie qui se plierait aux règles d’une économie d’entreprise. C’est pourquoi, le nouveau ministre du Développement industriel avance affiche cette ambition: «nous devons absolument mettre toutes les facilitations en place pour placer l’entreprise algérienne, publique ou privée, au cœur du projet économique et promouvoir également la politique de l’investissement«.  Depuis les textes législatifs des années 1990 et du début des années 2000, relatifs aux investissements et au partenariat avec l’étranger, jusqu’à la loi de finances complémentaire de 2009- laquelle avait quelque peu ‘’chamboulé’’ la relation avec les partenaires étrangers, via ce qui fut appelé le ‘’patriotisme’’ économique-, les investissements productifs étaient plus ‘’chantés’’ sur tous les toits que réellement installés dans la réalité. En raison d’une certaine bureaucratie et d’une frange corrompue de fonctionnaires, les investissements ont connu des moments difficiles; de plus, ils sont souvent orientés vers les créneaux commerciaux, cherchant un gain facile et rapide, au détriment de la reconstruction et de l’extension de la base industrielle du pays. 

Grandes attentes de la société

En se rendant dans un grand nombre de wilayas du pays au cours de ses douze mois de présence à la chefferie du gouvernement, Abdelmalek Sellal a été plusieurs fois ‘’rudoyé’’ par les jeunes chômeurs à la recherche du travail. En déclarant légitimes leurs revendications, le Premier ministre a essayé de ‘’piocher’’ dans quelques secteurs de la Fonction publique pour libérer quelques postes budgétaires pour ces jeunes. Même la Police et la Gendarmerie sont mises à contribution pour y dénicher des postes. Une instruction de Sellal, datant du début de l’été dernier, a obligé tous les fonctionnaires âgés de 60 ans à sortir en retraite, de façon à libérer le maximum de postes budgétaires. C’est une opération qui présente malheureusement un revers de la médaille: le départ d’un personnel arrivé à la maturité de son expérience professionnelle, censé former les nouvelles générations sortant des universités avec un niveau fort modeste, et, on l’oublie souvent, une surcharge financière qui pèse sur la trésorerie de la caisse de retraite, d’autant que les nouveaux cotisants peinent à se ‘’manifester’’ du fait d’une crise de l’emploi.   Se rendant compte de la saturation de la Fonction publique et de la dangereuse saignée du budget de l’État, les pouvoirs publics n’ont plus de choix que d’aller vers une véritable économie de production pourvoyeuse d’emplois et créatrice de richesses.  Le contexte des grands agrégats de l’économie nationale, lui aussi, commande d’aller dans ce sens: les importations dépassent largement la moyenne de 50 milliards de dollars par an, dont plus de 12 milliards comme facture alimentaire et 12 milliards à titre d’expertises (bureaux d’études et de consulting). La facture alimentaire est, entre autres travers, aggravée par la faiblesse criarde de l’industrie agroalimentaire. C’est dire toute l’importance que revêt la politique industrielle en Algérie et les grandes attentes de la société d’un secteur que la rente pétrolière avait contraint à un processus de désinvestissement.                          

A. N. M.

Partager