Chirac piégé par Sarkozy

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Le Président Chirac est contrarié par sa majorité parlementaire, conduite par le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Alors que Jacques Chirac a déclaré, avant-hier à Barcelone, qu’il souhaitait voir le traité d’amitié avec l’Algérie « signé le plus tôt possible », la majorité de l’UMP (Union pour le Mouvement populaire) que préside Sarkozy, a rejeté, hier par 183 voix contre 96, une proposition du groupe socialiste pour la suppression de la loi de 23 fevrier 2005 qui fait référence au « rôle positif » de « la présence française » en Algérie. Autrement dit, une loi qui fait l’apologie de la colonisation française. Le président du groupe socialiste, opposition de gauche, a demandé, en effet, à la majorité de le soutenir dans sa proposition qui vise à supprimer « une dérive dangereuse ». Pour Jean-Marc Ayrault, il ne faut pas « occulter les méfaits de la colonisation », ce qui va à l’encontre de cette loi qui veut, entre autres, imposer une vision colonialiste à l’école française à qui on veut imposer de « distinguer le rôle positif » de la colonisation. Chose que les historiens et les enseignants rejettent en arguant que « l’école républicaine ne doit pas être influencée » par une décision politique.Malgré la « révolte » des socialistes donc, les députés de droite ne veulent rien entendre et continuent à faire la sourde oreille aux critiques formulées des deux rives de la méditerranée, par les autorités algériennes et une bonne partie de l’opinion française, à commencer par les historiens.Le Président Abdelaziz Bouteflika avait, la veille du 5 juillet dernier, qualifié cette loi de « cécité mentale » et de « révisionniste ». Cette déclaration et d’autres qui ont suivi ont suscité un étonnement en France. Plus offensif, le président de la République avait fini, le mois d’août dernier lors d’un meeting à Béchar, par conditionner la signature du traité d’amitié par une repentance de la France. « Nous sommes prêts à aller le plus loin possible avec les autorités françaises, pour peu que ces dernières reconnaissent le mal infligé aux Algériens », avait-il déclaré à Tizi-Ouzou. Rien du côté français. Sauf cette déclaration de Nicolas Sarkozy qui avait rajouté de l’huile sur le feu. Le ministre français de l’Intérieur avait laissé entendre, au mois d’octobre dernier, qu’en « se baladant dans Alger, il n’y avait pas que des choses négatives » faites par le colonialisme. Une allusion claire pour son soutien à la loi proposée en février dernier par l’actuel ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, alors député. Il faut dire qu’à 18 mois de la présidentielle française, Nicolas Sarkozy joue sur tous les fronts pour gagner les électeurs français et surtout mettre en difficulté Jacques Chirac et se placer en alternative.Tous ces évènements ont créé ces derniers mois un refroidissement des relations entre les deux pays. Thierry Breton, ministre français de l’Economie et des Finances, en visite à Alger au début de ce mois, avait affirmé, sans plus de détails, que Bouteflika et Chirac allaient se rencontrer. Chose confirmée le 26 de ce mois par l’Elysée qui avait indiqué qu’un aparté était prévu entre les deux présidents à Barcelone pour le lendemain, en marge du sommet Euromed. L’hospitalisation à Paris du Président Bouteflika a, cependant, rendu impossible cette réunion. La question de savoir que fera Jacques Chirac, maintenant que le maintien de cette loi est confirmé, reste posée, d’autant plus que beaucoup d’observateurs ont misé sur le vote d’hier pour « décongeler » les relations entre les deux pays.

Ali Boukhlef

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