Il y a des évènements qui nichent dans la mémoire des individus et les tarabustent tout le restant de leur vie. Ils y nichent tels des insectes hideux qui n’ont de cesse de triturer le souvenir en lui rappelant ce que, souvent, l’homme porte de sanglant, d’impitoyable, d’abject et d’horrible en son for intérieur, surtout lorsqu’il représente ce qu’il croit être le droit, donc la force. Le 17 octobre 1961 est de ces dates qui, un demi siècle après leur avènement, font douter des capacités de certains hommes à transcender leurs instincts les plus bas, les plus bestiaux… Ils nous ont appris, ces monstres, comment « la ville lumière » a pu un jour engendrer les ténèbres et plonger une communauté celle des Algériens de Paris et de sa périphérie, dans une insondable nuit rouge. Maurice Papon, lui l’ancien vichyste et plus récemment, en 1998, accusé par la justice française de « crime contre l’humanité pour son rôle dans l’arrestation et la déportation de 1 690 juifs vers le camp de Drancy», était l’artisan du massacre méthodique de ceux qui ont osé défier son couvre- feu discriminatoire. N’oublions pas, par ailleurs, que Papon était préfet de Constantine lors des massacres du 8 mai 1945. C’est dire qu’il faisait des tueries, notamment d’Algériens, son loisir de prédilection, ce qui lui valut, en récompense de son zèle, la Croix de commandeur de la légion d’honneur reçu des mains du Général De Gaulle en juillet 1961. C’est que Papon n’était pas seul dans l’incommensurable boucherie. Il avait ceux qui l’encourageaient et le soutenaient dans ses ratonnades, au niveau le plus élevé de l’Etat français. Cela écrit, l’Histoire finit toujours par rattraper les criminels de tout poil et par rendre, un tant soit peu, justice aux milliers de victimes de cette date funeste. Ce n’est au demeurant pas assez à nos yeux, eu égard à l’ignoble crime commis à l’encontre d’un peuple et de son droit à l’indépendance. Mais qu’à cela ne tienne, nous prenons tout de même acte des initiatives salutaires pour la mémoire, tant des Français que des Algériens, du maire de Paris, Bertrand Delanoë,; le 17 octobre 2001, par son geste inaugurant une plaque commémorative, au pont Saint-Michel, dédiée « à la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 ». Et celle du 17 octobre 2012, où François Hollande, président de la République française, à travers un communiqué exprimait « la reconnaissance officielle de ces événements tragiques ».
Sadek A.H
