Le wali au cœur de la vie institutionnelle

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Par Amar Naït Messaoud

L’intérêt accordé au mouvement des walis en Algérie révèle, sans doute, à lui seul, la typologie institutionnelle de notre pays où la centralisation demeure un travers, que la société civile, les partis politiques et les experts ne cessent de stigmatiser. Aux yeux de l’opinion, le wali est doublement perçu comme un ‘’ogre’’ administratif pouvant faire la pluie et le beau temps, et, en même temps, un possible «bienfaiteur’’, dans le sens originel et spirituel du mot «wali’’, c’est-à-dire, patron tutélaire, du fait des larges prérogatives dont il dispose pour aller au devant des besoins des populations. L’article 110 du nouveau code de la wilaya, adopté en 2012, dispose que ‘’ Le wali est le représentant de l’État dans la wilaya. Il est le délégué du Gouvernement«. Autrement dit, il est l’autorité centrale incontestable dans la circonscription qu’il dirige. L’article suivant ajoute: «Le wali anime, coordonne et contrôle l’activité des services déconcentrés de l’État chargés des différents secteurs d’activité dans la wilaya«; sauf quelques rares exceptions expressément citées par le code de la wilaya. Le wali est le premier magistrat de sa wilaya, et est également l’agent de développement par qui sont gérés les programmes d’équipement. Il est ordonnateur principal du budget de l’État portant sur ces programmes; les directeurs d’exécutifs de la wilaya ne sont que des ordonnateurs secondaires, auxquels le wali accorde des délégations de signature. Si on accorde un intérêt, apparemment démesuré à la fonction des walis et aux mouvements de mutations ou de promotions qui les touchent, c’est que la réalité du terrain est ainsi faite, c’est-à-dire qu’elle est caractérisée par une centralisation étouffante de la vie locale, laissant aux autres structures intermédiaires ou subsidiaires, qu’elle soient désignées, comme les daïras, ou élues comme les APC, des marges de manœuvre très minces. Tout ce beau monde, dans la majorité de leurs actes de gestion, s’en remettent au wali pour un accord préalable ou pour une validation de délibérations. Le Président de la République avait, un certain moment, instauré un regroupement semestriel des walis sous son autorité. Ces regroupements ont commencé en 2006. Abdelaziz Bouteflika avait tenu à mettre en relief le rôle et les missions des walis- grands commis de l’État- dans l’architecture institutionnelle du pays et dans la gestion des territoires qui sont sous leur juridiction. Quelques années auparavant, la commission des réformes de l’État, instituée par le Président de la République, avait révélé les dysfonctionnements des institutions administratives et des structures élues du pays suite à la centralisation excessive des pouvoirs, à un découpage inadéquat du territoire national et à la faiblesse du niveau des prestations du fait du niveau médiocre de formation des agents de l’État. Les mêmes observations ont été faites par le Conseil national économique et social (CNES) lors des assises sur le développement local tenues en décembre 2011. Le Président Bouteflika avait annoncé dans son discours du 15 avril 2011, que les recommandations des ces assises allaient servir de «plate-forme de travail pour la conception des politiques publiques de développement local«. Il y est puissamment mis l’accent sur la nécessité d’intégrer le mouvement associatif et les collectivités locales à la mise en œuvre des politiques publiques en amont, pour pouvoir en exploiter les résultats en aval.  Dans la configuration institutionnelle actuelle, le wali est considéré comme le premier représentant de l’État dans sa circonscription, le premier magistrat de la wilaya, mais aussi le coordonnateur des programmes de développement. Les experts jugent que ce sont là des pouvoirs hypertrophiés qui encombrent le premier concerné et qui limitent grandement la marge de manœuvre des autres rouages institutionnels (daïras, assemblées élues, mouvement associatif,…). Le déséquilibre des pouvoirs se traduit imparablement par des dysfonctionnements auxquels on assiste, chaque jour, au niveau des wilayas, et qui portent préjudice à l’efficacité et à la crédibilité de l’action de l’État. Les citoyens en arrivent à déconsidérer les structures locales qui sont plus proches de lui, à en faire table rase, pour chercher à régler leurs problèmes quotidiens auprès du «détenteur de tous les pouvoirs», du moins considéré comme tel, à savoir le wali. Le Président, lui-même, s’en est pris plusieurs fois aux walis qui ont obtenu de faibles performances en matière de développement. Mais, l’on constate qu’avec les plans quinquennaux mis en œuvre depuis l’année 2000, les walis, en tant qu’ordonnateurs de la plupart des projets, ont été largement débordés. Leurs prérogatives, trop étendues, se sont retournées contre eux. Cependant, il demeure entendu que les changements dans les attributions et les missions des walis ne peuvent se réaliser concrètement et avoir un impact positif sur le terrain que dans le cadre des réformes globales de l’administration de l’État, comprenant une nouvelle vision de la pyramide institutionnelle du pays, de larges prérogatives aux collectivités territoriales et aux élus, une place de choix aux associations sociales et culturelles, et une division administratives plus équilibrée, tenant compte de la diversité naturelle et humaine des territoires et soucieuse de la gestion rationnelle des ressources.

A. N. M.

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