Le Haut commissariat à l’amazighité (HCA) est sans président depuis une année et un mois. M. Mohand Ou Idir Aït Amrane, qui a occupé le poste de Haut commissaire depuis sa création, en juin 1995, est décédé il y a treize mois après une longue maladie, et depuis, cette institution, la seule qui a pour mission d’œuvrer à la réhabilitation de la dimension amazighe de notre identité, est livrée à elle-même. Malgré les démarches qui auraient été entreprises par les autres responsables de cette institution afin de parer à ce problème sérieux, il semblerait que le HCA n’a trouvé aucun répondant. Toutefois, le fait que ce dernier, basé à Alger et rattaché directement à la Présidence de la République, reste sans tête et pose un sérieux problème de crédibilité. Du vivant de M. Aït Amrane, ce dernier en sa qualité de président du HCA, était convié officiellement à toutes les cérémonies protocolaires au plus haut niveau de l’Etat. Ce qui donnait un cachet important au HCA. Mais son état de santé ne lui permettait pas d’y assister.De nombreux universitaires spécialisés dans l’amazighité trouve anormal le fait de laisser un poste aussi important vacant. A la création du centre pédagogique et linguistique amazigh, présidé par l’universitaire Abderrezak Dourari, des rumeurs persistantes ont fait état de l’imminente dissolution du HCA, institution “qui n’a plus de raison d’être”, selon certains. Mais cette piste ne peut pas tenir la route vu que le HCA réalise un travail qui ne peut pas être considéré comme médiocre. Grâce à cette structure, des dizaines de livres en langue amazighe sont édités annuellement, avec le concours du département ministériel de Mme Khalida Toumi. Le ministère de la Culture finance également l’activité la plus importante du HCA, à savoir le Festival international du film amazigh, qui aura lieu cette année dans la capitale de la vallée du M’zab. Le HCA, grâce au dynamisme de ses cadres, édite régulièrement la revue “Timuzha” et organise plusieurs séminaires dans l’année, autour de thèmes différents inhérents à la littérature et du patrimoine amazigh. Le HCA tente aussi de superviser, même s’il n’est pas doté de pouvoirs exécutoires, l’enseignement de la langue amazighe, lequel enseignement, de l’avis même des responsables du HCA, patine sérieusement, même dans les trois wilayas kabyles. Il est tout aussi vrai que les prérogatives de cette institution doivent être redéfinies et adoptées à la situation actuelle de l’état d’avancement de l’amazighité. A sa création en 1995, la question amazighe était encore tabou, ce qui n’est plus le cas actuellement. On ne peut plus parler de réhabilitation de l’amazighité dès lors que la langue berbère est langue nationale, et constitutionnalisée en tant que telle. Ce qu’il faudrait en revanche, c’est la préparation des moyens à même de permettre à tamazight de devenir une langue académique. L’absence de contacts sérieux entre le HCA et l’INALCO, et très avancé en la matière, est à déplorer, voire à dénoncer. Alors qu’au Maroc, l’Institut royal de la culture et langue amazighe, travaille en étroite collaboration avec le même INALCO. Cet institut recèle en son sein les meilleurs chercheurs et les plus hauts diplômés dans le domaine, à l’image de Salem Chaker. Le HCA gagnerait à tisser des liens solides avec l’INALCO qui est indispensable dans toute démarche de reconstruction scientifique de l’édifice amazigh. Pour l’instant, le HCA travaille, timidement, il est vrai, avec les départements de langue et culture amazighe, de Tizi Ouzou et Bgayet.Mais des relations officielles entre ces derniers et le HCA n’existent pas. Des universitaires reconnus à l’image de : Ahmed Zaïd, Nora, Tigziri, Allaoua Rabhi et tant d’autres, refusent toujours de répondre aux invitations du HCA au motif que cette institution roulerait pour un parti politique qui n’est pas en odeur de sainteté en Kabylie. Chose que réfutent catégoriquement les membres du HCA qui semblent jaloux de leur autonomie. Quoi qu’il en soit, il faudrait saluer le grand mérite qu’a le HCA, en dépit des insuffisances, dans le travail qu’il fait en faveur de tamazight. Le HCA est une institution qui agit dans la solitude et qui est confronté constamment à des milieux hostiles qui obstruent souvent ses actions. Mais tamazight a besoin du HCA. Elle a besoin de plus que ça. Beaucoup plus.
Aomar Mohellebi