«La caméra, c’est ma vie !»

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Said Bellili est un cinéaste algérien qui a réalisé cinq films et pas des moindres. Il vient de sortir un documentaire sur la guerre de libération nationale dont l’avant-première a été projetée le 1er Novembre dernier à la salle de cinéma de la maison de jeunes de Seddouk. Nous l’avons rencontré et il nous a aimablement accordé cet entretien

La Dépêche de Kabylie : D’où vous est venue l’idée de faire un film sur la révolution ?

Said Bellili : Les Moudjahidine quittent ce monde un à un. Il n’en reste pas beaucoup pour témoigner du vécu de la guerre de libération nationale. Je me suis alors dit qu’il était temps de leur donner la parole. Une transmission de faits historiques qui vaut son pesant d’or pour les nouvelles générations. Celles-ci ont besoin de connaître les sacrifices des aînés qui leur ont permis de vivre libres et indépendants, d’où le titre du film : la révolution, pour que nul n’oublie.

Pourquoi avez-vous choisi Amagaz, un village perdu dans les confins de la Kabylie pour le tournage?

En effet, le tournage s’est déroulé à Amagaz, mon village natal, dans la commune de M’cisna dans la wilaya de Béjaïa. Dans mon esprit et c’est sans doute ce que pensent aussi tous les Algériens, tous les villages de Kabylie, et donc mon village Amagaz, ont vécu des affres du colonialisme, comme d’ailleurs partout en Algérie. Tous les coins et recoins du territoire national ont été arrosés du sang de nos glorieux martyrs. Et c’est en cela que le village Amagaz, le village où je suis né s’est imposé à moi. Beaucoup de femmes et d’hommes s’y sont soulevés pour que vive l’Algérie.

La salle de projection était pleine à craquer. Beaucoup de jeunes étaient présents…

Et j’en fus très heureux et doublement content. D’abord par l’affluence du public et puis, en effet, par le fait que l’assistance était constituée en grande partie de jeunes. Il est très agréable et réconfortant se constater que la jeunesse s’intéresse à l’histoire façonnée par ses aînés. Par ailleurs, et comme tout cinéaste, j’ai besoin que le public s’intéresse à mon travail.

Pouvez-vous nous parler de ce que recèle exactement ce film documentaire ?

D’abord je me suis intéressé aux témoignages des  hommes et femmes qui ont vécu le colonialisme, particulièrement pendant la guerre de libération. Certains parlaient avec les larmes aux yeux. Ils étaient émus et bouleversés de revenir sur des événements douloureux. Il y eut trois grandes opérations qui ont été menées par l’armée française pour étouffer la révolte des Algériens. La première, c’est l’opération jumelle en kabyle où toute la région fut passée au peigne fin, dans le but d’anéantir les Moudjahidine. Les villages furent cernés de clôtures électrifiées, pour couper tout lien entre les populations et les Djounoud. La deuxième opération fut l’installation de lignes électrifiées et minées sur tout le long des frontières de l’Algérie avec la Tunisie et le Maroc. L’ennemi cherchait à empêcher les passages des armes au maquis à partir de ces deux pays voisins et frères. La troisième opération fut création de l’OAS par Salan et les acharnés de l’Algérie française. Son objectif était de faire avorter le processus menant inexorablement à l’autodétermination du peuple algérien. De lâches attentats ont été perpétrés contre la population.

Parlez-nous de vos débuts dans le cinéma ?

Depuis tout petit, j’ai aimé le cinéma et j’ai très tôt rêvé de devenir cinéaste. Mon rêve se concrétisa en 2000. Un séisme a frappé la région de Béni Maouche dans la wilaya de Béjaïa. Là avec un vieil appareil, j’ai filmé le désarroi de la population. Ceux qui avaient échappé à la mort ont vu leurs maisons se fissurer puis s’effondrer. J’en ai fait un film que j’ai intitulé ‘’Les sinistrés’’. Suivront d’autres films qui traitent des maux sociaux et de la misère d’une certaine frange de la société. En 2002, je me suis intéressé au handicapés de la région de Seddouk à qui j’ai donné la parole dans un film intitulé ‘’A la recherche du bonheur’’. En 2005, dans un film que j’ai intitulé ‘’La rencontre mortelle’’, j’ai voulu montrer aux amoureux la nécessité de se protéger contre le SIDA, un fléau qui fait des ravages en Algérie, même s’il n’y a pas de chiffres exacts à cause des tabous. En 2008, j’ai réalisé un long-métrage intitulé ‘’Daâwassou’’ qui traite de la vie quotidienne des jeunes en Kabylie. Au début de cette année, j’ai monté un film intitulé ‘’Amagaz sur la voie des ancêtres’’, qui est encore en production. Et le dernier c’est celui que vous venez de voir.

Avez-vous participé à des festivals ?

J’ai en effet participé à plusieurs manifestations culturelles. En 2003, à l’année de l’Algérie en France, en 2004 au festival d’Annaba, en 2006, au festival de Tlemcen, en 2007 au festival de Taghit et en 2009 à celui de Sidi Bel Abbes. Cette année, j’ai été convié en tant que cinéaste algérien et comme invité au festival de Cannes.

Un mot pour conclure ?

Je remercie le journal La Dépêche de Kabylie qui nous donne à chaque fois l’occasion de garder le contact avec le public. Mon souhait est de réaliser une série télévisée sur la révolution. J’espère en avoir bientôt les moyens. Comme je le dis souvent, je suis un cinéaste 100% algérien. La caméra pour moi, c’est plus qu’une passion, c’est ma vie !

Interview réalisée par L.Beddar

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