Par Amar Naït Messaoud
À chaque occasion que le dossier du développement industriel et de l’élargissement de la base productive du pays est remis sur la table, la logique immédiate veut que la question de la recherche-développement surgisse pour imposer ses canons et sa nécessité. Comment en serait-il autrement lorsqu’on sait que les entreprises européennes et américaines avaient, dès les années cinquante et bien avant les Tigres asiatiques d’aujourd’hui, bien intégré cette notion de recherche-développement qui a fini par entrer dans le devis des charges ordinaires de ces entreprises sous les initiales “R&D», devenu un logo bien connu aussi bien auprès des comptables desdites entreprises que des médias et des autres bailleurs de fonds qui participent au montage financier de cette recherche. La cérémonie de la remise des Prix de la meilleure innovation et de l’invention, organisée mardi dernier, a été l’occasion pour Amara Benyounès, ministre du Développement industriel et de la Promotion de l’investissement, de rebondir sur ce volet stratégique de la recherche et de l’innovation et son rôle dans le projet de la relance industrielle de l’Algérie. Le désinvestissement graduel de l’industrie algérienne a valu à notre pays des fermetures d’usines pendant les années 1990 et le début des années 2000, le licenciement de quelques 500 000 travailleurs suites aux compressions induites par le plan d’ajustement structurel du FMI, et une terrible dépendance en équipements industriels et en semi-produits. Cette descente aux enfers de l’appareil de production national peut être illustrée par la tendance négative de la croissance de ce secteur, enregistrant en 2012 une décroissance de -3,1 %. Avec la nouvelle politique industrielle, basée sur la volonté affichée d’améliorer le climat des affaires dans notre pays (sujet de la tripartite tenue le 10 octobre dernier), et sur la formation de nouveaux partenariats basés sur l’intérêt mutuel, l’Algérie se trouvera dans un double défi : la valorisation de la ressource humaine par une formation adaptée, y compris par le recyclage, et l’investissement dans la recherche-développement et l’innovation. « L’Algérie a les moyens d’innover et de créer pour rejoindre, très rapidement, le peloton de tête des pays émergents », soutient le ministre du Développement industriel. Dans un contexte d’embellie financière qui ne s’est pas démentie depuis une décennie, l’Algérie a les moyens de créer une révolution dans le monde de la formation, de façon à ce qu’elle soit en adéquation parfaite avec les besoins économiques du pays. Université centres de formation, lycées, collèges et écoles, sont le centre nerveux de la formation des élites par lesquelles les entreprises algériennes peuvent espérer réaliser des projets innovants. Le docteur en management, Abdelhak Amiri, en s’exprimant avant-hier sur le sujet, avait avancé le chiffre de 150 milliards de dollars pour la “mise à niveau” du cerveau des Algériens. Même si elle comporte une part d’humour, cette assertion a aussi sa part de vérité sachant que le même spécialiste en management avait averti, dès le début de la mise en œuvre des plans quinquennaux consacrés aux infrastructures et équipements publics, contre les faiblesses des entreprises algériennes de réalisation et des bureaux d’études. Moins de dix ans après, tous les officiels firent le constat amer que les projets ont surtout profité aux entreprises étrangères sans possibilité réelle de transfert de technologie. À lui seul, le budget consacré à l’importation des études et expertises, et qui sont parfois d’une qualité discutable, a atteint ces dernières années une moyenne de 12 milliards de dollars par an. Le président de la République a été tellement offusqué par une telle hémorragie qu’il a adressé au gouvernement et aux walis une directive tendant à limiter au strict minimum le recours à l’expertise étrangère dans les projets de développements qui ne relèvent pas de la technologie de pointe. En tout cas, travailler à l’émergence d’une élite technique nationale, pouvant relever les défis de la relance du secteur industriel est une nécessité absolue, sans laquelle toute ambition de diversification de l’économie nationale en dehors de la sphère des hydrocarbures serait pure chimère. « L’Algérie a décidé d’entreprendre la relance de ses industries retenant une politique fondée sur l’émergence de la connaissance, de l’innovation, de la maîtrise de la technologie et de l’intelligence économique », a affirmé avant-hier le ministre du Développement industriel et de la promotion de l’investissement. Il s’agit surtout de créer une fertile synergie entre les structures de la formation, sous toutes leurs déclinaisons, et les besoins en ressources humaines tels qu’ils commencent à être crucialement ressentis par les investisseurs.
A. N. M.