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Salaire-pouvoir d’achat : une équation complèxe

Par Amar Naït Messaoud

L’échéance sociale prévue pour le mois de décembre courant, en prolongement  de la réunion de la tripartite du 10 octobre dernier, est en train d’être oubliée, au fur et à mesure que l’on s’achemine vers la fin de l’année 2013. Il s’agit de la deuxième tripartite spécialement dédiée au pouvoir d’achat et à l’examen de l’article 87-bis du code du travail censé libérer une nouvelle fois le salaire minimum garanti, donc, par effet domino, l’ensemble des salaires des travailleurs. Rappelons que la première tripartite, en octobre, était consacrée exclusivement à l’amélioration du climat des affaires et à la relance de l’industrie nationale. Les groupes dégagés par cette réunion, qui avait regroupé le gouvernement, le patronat et le syndicat, n’ont pas encore achevé leurs rapports d‘ateliers. Dans le souci de diversifier son économie au-delà de la sphère des hydrocarbures, l’Algérie ne pouvait pas faire l’économie de réformes dans son administration et dans les textes qui organisent et encadrent les investissements, aussi bien ceux réalisés par des nationaux que les investissements attendus des partenaires étrangers. Le travail, qui a commencé il y a exactement une année (en décembre 2012) au niveau du ministère de l’Industrie, via une commission technique, sorte de brain-trust qui a planché sur les nouveaux modèles d’investissements en Algérie, a été poursuivi et peaufiné jusqu’à son exposé devant la tripartite de septembre.   Ayant, au cours des dix dernières années, l’habitude de réunir la tripartite pour annoncer souvent des revalorisations salariales, le gouvernement s’est senti dans l’obligation d’annoncer une autre tripartite juste après celle d’octobre. À cette dernière, les travailleurs n’ont pas accordé un intérêt démesuré vu qu’elle était consacrée exclusivement au climat des affaires. Cependant, ils attendaient de pied ferme la promesse du Premier ministre d’aller vers une autre tripartite qui aborderait les problèmes des travailleurs et qui «oserait» remettre en cause l’ancien code du travail, principalement son article 87-bis. Madjid Sidi Saïd, secrétaire général de l’UGTA n’a pas raté une occasion, depuis septembre dernier, de rebondir sur ce fameux article dont l’amendement ou, mieux encore, la suppression, pourrait déboucher sur une nette revalorisation des salaires. Cependant, des experts (Abderrahmane Mebtoul, Mustapha Mekideche) nuancent l’optimisme que peut susciter une telle opération; ils avertissement même contre une éventuelle envolée des salaires sans contrepartie physique en production ou en gains de productivité. Ce serait, à leurs yeux, la voie ouverte vers un regain d’inflation non maîtrisable. En effet, n’est-ce pas un signe de l’embarras du gouvernement ce silence qui pèse sur la deuxième tripartite de l’année promise depuis plus deux mois? L’échéance semble s’éloigner, d’autant plus le gouvernement est pris par d’autres priorités, celles liées au calendrier politique: les élections présidentielles d’avril 2014 et le projet de la révision constitutionnelle. La difficulté réside surtout dans la manière de satisfaire les travailleurs sans lâcher la bride d’une inflation galopante. Néanmoins, même si les problèmes des salaires, des statuts particuliers, des intégrations des pré-emplois et des travailleurs des corps communs ne sont pas posés sur la table d’une quelconque tripartite, ils ne manquent pas de marquer leur présence, et de quelle manière, dans la rue, sur les places publiques, devant les sièges de wilayas…  Là comme interlocuteurs, il n’y a souvent que les forces de l’ordre, comme ce fut le cas il y a quelques semaines avec les contractuels du pré-emploi, les gardes communaux et les corps communs des APC. En tout cas, l’équation salaire-pouvoir d’achat ne cessera pas de se poser d’une manière biaisée et même instrumentalisée dans notre pays tant que l’appareil de production n’arrivera pas à acquérir toutes ses performances d’utilisation de la technologie, de gestion des ressources humaines, d’accès aux nouvelles méthodes de management, et tant que l’économie algérienne restera cantonnée dans une fausse vocation «extractive», limitée à l’exploitation des seules ressources en hydrocarbures. 

A. N. M. 

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