La labellisation en question

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L’olivier est sans conteste l’arbre qui représente le mieux la Kabylie. On ne peut parler de cette région sans aborder, au cœur de la discussion, l’huile qui est extraite de son fruit. Elle est bonne pour tout. C’est un produit qui possède toutes les vertus gustatives, curatives et  thérapeutiques. C’est le symbole  emblématique des montagnes de Kabylie et l’imagerie locale est truffée d’oliveraies et d’oléastres luxuriants. Mouloud Mammeri, répondant à Jean Pelligri qui lui demandait : « quel est ton arbre préféré ? », dira spontanément :  «L’arbre de mon climat à moi c’est l’olivier ; il est fraternel et à notre exacte image. Il ne fuse pas d’un élan vers le ciel comme vos arbres gavés d’eau. Il est noueux, rugueux, il est rude. Il oppose une écorce fissurée mais dense, aux caprices d’un ciel qui passe, en quelques jours, des gelées d’un hiver furieux, aux canicules sans tendresse. A ce prix, il a traversé les siècles. Certains vieux troncs, comme les pierres des chemins, comme les galets de la rivière dont ils ont la dureté sont immémoriaux et impavides face aux épisodes de l’histoire ; ils ont vu naître, vivre et mourir nos pères et les pères de nos pères. A certains, on donne des noms comme à des amis familiers ou à la femme aimée (tous les arbres chez nous sont au féminin) parce qu’ils sont tissés à nos jours, à nos joies, comme la trame des burnous qui couvrent nos corps. Quand l’ennemi veut nous atteindre, c’est à eux, tu le sais Jean, qu’il s’en prend d’abord. Parce qu’il pressent qu’en eux une part de notre coeur gît et…saigne sous les coups.  L’olivier, comme nous, aime les joies profondes, celles qui vont par delà la surface des faux-semblants et des bonheurs d’apparat. Comme nous, il répugne à la facilité. Contre toute logique, c’est en hiver qu’il porte ses fruits quand la froidure condamne à la mort tous les autres arbres. C’est alors que les hommes s’arment et les femmes se parent pour aller célébrer avec lui les noces rudes de la cueillette. Il pleut souvent, il neige, quelquefois il gèle. Pour aller jusqu’à lui, il faut traverser la rivière et la rivière en hiver se gonfle. Elle emporte les pierres, les arbres et quelquefois les traverseurs. Mais qu’importe ! Cela ne nous a jamais arrêtés ; c’est le prix qu’il faut payer pour être de la fête. Le souvenir que je garde de ces noces avec les oliviers de l’autre côté de la rivière – mère ou marâtre selon les heures – ne s’effacera de ma mémoire qu’avec les jours de ma vie… » (In Culture savante culture vécue éd Tala 1991.)  L’huile d’olive trône comme un emblème dans l’agora de nos sens et de notre alimentation. Elle est omniprésente dans nos mets qu’ils soient pauvres ou riches, opulents ou austères. Mais, il n’en demeure pas moins qu’elle est (l’huile d’olive de Kabylie) difficilement exportable. Cependant, depuis peu, elle arrive à se frayer, tant bien que mal, un chemin dans les dédales du marché international, en dépit de la désorganisation de la filière, pour cause de manque de rigueur et d’adaptation aux exigences du commerce international, tant en terme de conditionnement que de réduction du taux d’acidité. Les huileries traditionnelles ne répondent en effet pas aux critères de production mondialement admises aussi bien dans le conditionnement du produit qui est écoulé en vrac que dans sa qualité. Certes, pour les consommateurs locaux, l’huile de Kabylie est la meilleure avec son goût fruité et sa teneure en acide. Il reste cependant que « l’entreprise Ifri est pionnière en Algérie, neuvième producteur mondial d’huile d’olive. Elle fut exportatrice d’huile conditionnée lorsque le gouvernement avait décidé de réorganiser la filière au milieu des années 2000. Le ministère de l’Agriculture avait lancé deux programmes de renouveau agricole, en 2OO6-2008 et en 2009-2014, qui ont permis aux producteurs de moderniser leurs outils de production ». (In Commerce international. L’actualité des chambres de commerce et de l’industrie dans le monde du 07 /12/ 2012). Il va sans dire que sans modernisation ni savoir-faire, au diapason des exigences du marché il serait vain d’escompter une place parmi les grands exportateurs d’huile d’olive. Et pourtant, il n’en faut pas grand-chose, dès lors qu’il y a des producteurs qui ont réussi à s’imposer à l’international.

Sadek A.H

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