Six janvier 1959 – 6 janvier 2014. Cela fait maintenant 55 ans que cette grande bataille, où le napalm avait été utilisé contre des civils après les essais nucléaires de Reggan, eut lieu
Pour revenir sur cette date, la Kasma des Moudjahidine d’Ait Yahia Moussa en collaboration avec l’APC de la même municipalité ont programmé un recueillement, avant-hier, d’abord au carré des martyrs qui porte le nom de cette bataille à Vougarfène Ensuite une séance témoignages était au programme au niveau de la maison de jeunes du chef-lieu. C’est vers 9h que s’est élancée la procession composée de Moudjahidine, rescapés de cette tuerie qui avait fait au total 385 martyrs en une journée de combat, sans compter les dégâts subis par la population civile qui avait tout perdu devant la colère des militaires de Bigeard. Après le rituel dépôt d’une gerbe de fleurs à la mémoire des 385 martyrs inhumés dans ce carré et la lecture de la Fatiha, c’est le retour au chef-lieu. Haut de ses 86 ans, Aâmi El Hadj Hocine Chettabi, président de la Kasma des Moudjahidine depuis 1987, dira qu’il ne partira pas de cette organisation que lorsque le monument et la stèle Krim Belkacem, accordés par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, le 05 juillet dernier à Tizi-Ouzou, seront achevés. « Après un long combat, les travaux du monument qui portera les noms de tous les martyrs de la commune et la stèle Krim Belkacem prévus juste à côté du nouveau siège de l’APC sur la route d’Ighil El-Vir, seront lancés incessamment », annoncera-t-il devant l’assistance. Le maire, de son côté dira que « ces deux projets débuteront au plus tard au mois d’avril de l’année en cours ». Et au président de la Kasma des Moudjahidine de reprendre la parole. « C’est Krim Belkacem qui a appelé au soulèvement du premier novembre et c’est lui qui a appelé au cessez-le-feu en 1962, en signant les accords d’Evian. Le 06 janvier 1959 a été un coup fatal pour l’armée française. En dépit de tous les moyens mis en place avec la participation de 32 000 soldats et de 32 avions de guerre, l’armée française a laissé des plumes à Vougarfène en perdant, notamment le lieutenant Chassin et le capitaine Grazziani, le sinistre tortionnaire de milliers de femmes algériennes dont la moudjahida Louisette Ighilahriz. Acculés par nos moudjahidine, les militaires avaient recouru au bombardement de la population civile avec du napalm. Ils étaient affolés devant la violence des combats que leur livraient nos vaillants héros. Aujourd’hui, nous ne sommes pas ici pour écrire cette page d’histoire, mais pour rappeler que les historiens doivent se pencher sur son écriture », martèlera-t-il avant de passer la parole à un autre moudjahid, M. El Hadj Rabah Bendif. Ce dernier suffira de dire qu’Ait Yahia Moussa était la « Base » de la wilaya 3.
«Les projets de la stèle Krim Belkacem et le grand monument des martyrs lancés au plus tard en avril»
« Quand un moudjahid arrivait à Ait Yahia Moussa, il ne se dépaysait pas, car il trouvait tout le monde à ses côtés. Lors de cette grande bataille, il y a eu des morts de partout. N’oublions pas le Chahid, Alliane Mohand Ouamar, d’Ihitoussène (Bouzguène), qui y laissa sa vie arme à la main. D’ailleurs, pour cette occasion, nous remettons ces cadeaux symboliques aux membres de sa famille ici présents. Ce sont deux emblèmes nationaux et c’est tout », témoignera cet intervenant. La parole fut donnée, par la suite, à Aâmi Rezki Krim, le frère du colonel Krim Belkacem. « Tout a été mis de côté dès l’indépendance. Les vrais moudjahidine ont été mis à l’écart. On leur a donné des postes de subalternes et on ne les a pas associés à l’écriture de l’histoire. D’autres ont pris les rênes à leur place et ce fut ensuite la falsification de l’histoire. Il est temps de donner la parole à cette poignée d’authentiques encore en vie, pour ne pas emporter leur témoignage dans leurs tombes. Nos enfants ont besoin de connaître l’histoire de leur pays. C’est le devoir de tout le monde de s’impliquer pour ne pas laisser des trous sombres dans notre glorieuse révolution », soulignera le frère du signataire des accords d’Evian. Quant à lui, le représentant de la Kasma des Moudjahidine de Bouzguène, Si El Hadj El Mahfoud, se contentera de remercier aussi bien l’ONM locale que le maire, pour avoir invité la famille du moudjahid Alliane Mohand Ouamar à cette commémoration afin de lui rappeler que leur frère et époux est tombé au champ d’honneur à Vougarfène. Fait sur lequel reviendra Si Mohand Saïd, l’un des rescapés de cette géhenne. « Je suis arrivé ici à Tachtiouine le 11 novembre 1956. Rapidement, je m’y suis adapté car j’étais au milieu de nos frères de la région qui faisaient tout pour nous accompagner dans notre mission. Pour la bataille du 06 janvier, j’y étais présent. Je vais juste témoigner devant cette honorable assistance et devant la famille Alliane que l’aspirant, Mohand Ouamar, était mort dans mes bras, arme à la main, juste à côté de cette nouvelle mairie. Nous avions essayé de lui sauver la vie avec la participation active d’une infirmière, appelée Houria, de Mascara, mais en vain. Dieu a voulu qu’il meure en héros dans cette bataille historique. L’aspirant Mohand Ouamar a lutté contre la mort jusqu’à son dernier souffle. C’était une journée qui restera gravée dans ma mémoire jusqu’à mon dernier souffle », terminera Dda Si Mohand Saïd. Tour à tour, d’autres sont intervenus soit pour interpeller les moudjahidine à faire vite pour écrire cette page d’histoire avant qu’il ne soit trop tard ou encore, les institutions de l’Etat à introduire dans les manuels scolaires ces grandes batailles, telle que celle du 6 janvier 1959. Le maire, M. Saïd Bougheda, reviendra lui aussi longtemps sur l’engagement de la population de la commune qu’il dirige. « Je suis très comblé d’avoir cette chance d’être à la tête de l’une des APC qui a donné des milliers de martyrs pour cette terre bénie et un colonel en la personne de Krim Belkacem et d’appartenir aussi à la daïra de Draa El-Mizan historique qui a enfanté d’autres colonels en l’occurrence Ali Mellah, Amar Ouamrane, Slimane Dhilès, Salah Zamoum et bien d’autres. Durant tout mon mandat, je serai là pour aider nos moudjahidine. D’ailleurs, je l’annonce ici devant vous que mon ancien bureau au niveau de la mairie est mis à la disposition de la Kasma des Moudjahidine. Je suis à votre écoute dès que je serai sollicité. On ne badine pas avec l‘histoire. Et l’argent n’a pas de prix quand il s’agit de l’histoire. Tous ensemble pour l’écriture de l’histoire de la région et de tout notre pays », conclura le maire avant d’inviter l’ensemble des invités à une collation en guise de Waâda à la mémoire de tous les martyrs et de ceux inhumés au carré du 6 Janvier 1959.
Amar Ouramdane