Les préalables de la nouvelle étape

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Par Amar Naït Messaoud

La révision du code du travail est en projet depuis 2008, et l’on vient d’apprendre que le nouveau code sera élaboré au cours de l’année 2014! C’est le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Mohamed Benmeradi, qui le déclare dans un entretien accordé à l’APS, mis en ligne mardi dernier.  Les tergiversations sur la nouvelle réglementation du travail révèlent, on ne peut mieux, la difficulté des pouvoirs publics à se défaire d’un texte qui remonte au début des années 1990, et l’embarras de faire de nouveaux choix dans un domaine aussi sensible de la vie sociale et économique du pays. Dans ce contexte, les polémiques, par médias interposés, qui ont jalonné le faux débat sur l’article 87-bis, sur la base duquel est calculé les salaires de base des travailleurs, constituent un signe de la nature des blocages qui se dressent au travers de la révision du nouveau code. Pourtant, l’Algérie est appelée impérativement à réviser et à mettre à niveau toute la législation relative au monde du travail (relations de travail, rémunération, ergonomie, santé activités syndicales, encadrement des nouvelles tâches et missions telles que le télétravail,…). Même coincée dans la rente pétrolière, l’économie algérienne est sommée de chercher, sous peu, d’autres créneaux d’activités, de diversifier ses ressources et de chercher d’autres gisements fiscaux pour constituer le budget de l’État. Le ministre du Travail, dans sa manière d’appréhender le monde du travail et, particulièrement, la donne de l’emploi, n’a pas manqué de faire référence à cette évolution attendue dans notre appareil économique. Il dira que le futur code du travail “prendra naturellement en considération l’évolution du contexte économique et social enregistré dans le pays et dans le monde, ces dernières années, à l’effet de donner davantage de fluidité à la relation de travail avec le double souci de répondre aux attentes des employeurs, d’une part, et d’assurer la protection des droits des travailleurs, d’autre part“. En d’autres termes, le monde du travail évoluera nécessairement dans le sens de la libéralisation de la relation de travail. Le ministre prend soin de ne pas prononcer ce mot; mais, il ne s’empêche pas d’expliquer autrement sa pensée: “Comme vous le savez, la tendance au niveau mondial s’oriente vers une flexibilisation de plus en plus accentuée des marchés du travail. Cette tendance est imposée par l’ouverture des marchés et l’obligation de compétitivité pour arracher et maintenir des parts de marché dans un contexte marqué par une rude concurrence, ce qui ne permet pas aux entreprises de s’engager sur le long terme en matière de relations de travail et qui les pousse à adapter continuellement leurs effectifs à la consistance de leurs plans de charge“. C’est la première fois que, dans la sphère officielle, un haut responsable s’avance sur un terrain aussi sensible. En réalité Mohamed Benmeradi avait fait part de ce genre de réflexion dans son département ministériel, en novembre dernier, lorsqu’il a été invité par le forum du journal Liberté (le 28 novembre 2013). Il a estimé alors, que le secteur privé est quelque peu ligoté par la démarche des pouvoirs publics; ce qui, à ses yeux, aurait rendu rigide le mouvement de recrutement dans ce secteur. Le ministre plaide pour le maximum de flexibilité; le marché de l’emploi devant, comme dans les pays libéraux, être régie par l’inexorable loi de l’offre et de la demande. Ce qui ouvrira la voie à une tendance lourde en matière de contrats à durée déterminée (CDD), au détriment des contrats à durée indéterminée (CDI) qui ont actuellement les faveurs des procédures de recrutement à hauteur de 60 %. Il donnera même l’exemple des pays comme la France où deux tiers des contrats de travail, soit environ 20 millions de travailleurs, sont à durée déterminée. Dans ce contexte, Benmeradi explique à l’APS que “le projet du code du travail prévoit d’offrir la possibilité aux deux parties de convenir de la durée du contrat de travail, avec toutefois, les garanties nécessaires en matière de protection contre les éventuels abus liés aux renouvellements successifs et non justifiés du contrat de travail“. Sachant qu’à l’étape actuelle de l’évolution de l’économie algérienne, du front social et du niveau de formation, une telle entreprise est loin d’être une sinécure, le ministre prendra la précaution d’ajouter que “ce genre de questions requiert un débat et une concertation avec les partenaires sociaux pour arriver à un consensus, à même de garantir l’adhésion des différentes parties concernées : travailleurs, employeurs et pouvoirs publics“. Pour franchir un tel pas, avec 500 000 demandes de travail par an, et un rythme de création d’emploi fort modeste, même s’il est gonflé par les dispositifs d’emploi d’attente (pré emploi), l’Algérie devra faire une “révolution” dans son économie, au moins sur deux grands volets. D’abord une diversification maximale de l’économie, de façon à brasser toutes les potentialités du pays, y compris l’artisanat et le tourisme; ensuite, un investissement colossal dans la formation sous toutes ses déclinaisons, universitaire, scolaire, professionnelle et continue. L’investissement dans ce domaine est plus une affaire de pédagogie et de mise à niveau aux standards internationaux, que d’investissements en infrastructures et équipements. Sans ce bond qualitatif, la libéralisation de la relation de travail signifiera une fragilisation encore plus poussée des travailleurs et des ménages et un déficit de stabilisation des entités économiques du pays.  

a.n.m.

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