Mission et attentes

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Les radios locales, à travers l’ensemble des régions du pays, ont une mission de service public. Elles sont le trait d’union entre le citoyen et l’administration. 

Cette dernière, quand elle veut passer un message, passe irrémédiablement par les ondes de la radio régionale. C’est d’ailleurs ce qu’a indiqué le ministre de la Communication, Abdelkader Messahel, en déclarant : « Les radios locales contribuent à la promotion de la culture nationale dans toute sa diversité et à la consécration de l’information de proximité dans le cadre de sa mission de service public, et cela à travers la diffusion de la bonne information au public ». En effet, les auditeurs ont besoin d’être informés de ce qu’il passe près de chez eux. Et les radios locales remplissent très bien ce rôle. Mais au delà de l’aspect informatif, une radio est aussi un espace de détente, de culture et d’expression. Mais ce rôle est-il convenablement rempli ? La programmation est-elle au diapason des attentes des auditeurs? Ces questions, peuvent se résumer en une seule : La radio locale connaît-elle assez bien ses auditeurs pour mieux les servir? Visiblement, la réponse et non! Pourquoi?

Une radio  » vieillotte » 

Et bien, si on prend l’exemple de la radio locale de Bouira, les auditeurs, du moins ceux que nous avons interrogés, estiment qu’elle est complètement « déphasée »  de la société et de ceux qui l’écoutent. Pour Nabila, 24 ans, étudiante en Droit, les programmes proposés par la radio sont  » insipides et ennuyeux ». « Je me demande comment ils choisissent leur programme. Celui-ci est d’un ennui mortel! », a-t-elle dit. Elle continuera en expliquant : « La musique est d’un autre âge! Les émissions sont trop carrées, millimétrées, elles manquent de fraîcheur. Les animateurs n’osent pas, ils manquent de naturel, Ils oublient parfois qu’ils s’adresse à nous Algériens avec tout ce qui nous caractérise ». Beaucoup d’autres jeunes interrogés avouent également qu’ils ne se reconnaissent pas du tout dans cette radio et les programmes qu’elle propose. Selon eux, elle est  » vieillotte » et aurait bien besoin d’être  » dépoussiérée ». C’est ce que nous dira Hichem, un jeune commerçant installé au niveau du quartier des 120 logements : « Franchement, hormis les flashs info et la rubrique sportive, je ne l’écoute pratiquement pas. D’ailleurs, je me demande qui l’écoute. Il faudrait qu’ils se renouvellent, nous ne sommes plus dans les années 70! », s’est-il exclamé.  

La langue, cette barrière… 

Pour Smail, quadragénaire et chauffeur de taxi, le jugement est beaucoup moins sévère. « Écoutez, moi je suis branché dessus à longueur de journée et j’estime qu’elle est bien », a-t-il affirmé. Il ajoutera : « Les programmes que je préfère sont les quiz, les conseils aux automobilistes et l’émission dédiée à la santé ». Interrogé sur d’éventuelles carences qu’il aurait constatées, cet auditeur « assidu », comme il se qualifie, notera le problème de la langue : « Je trouve dommage qu’une radio qui se veut proche de ses auditeurs, se serve autant de l’arabe littéraire. Notre langue algérienne est tellement riche et variée qu’il me paraît grotesque d’aller piocher dans la langue d’El Moutanabi pour s’adresser à nous », a-t-il estimé. Plusieurs autres auditeurs abonderont dans le même sens, en déplorant le fait que la radio de Bouira met des « barrières linguistiques » entre elle et le citoyen. « C’est une pale copie de la chaîne Une! Les animateurs parlent un arabe incompréhensible, idem pour le kabyle, qui n’est pas celui de la rue. On veut une radio qui nous ressemble, une radio pour les citoyens de base et non pour les lettrés », dira Rachid, un trentenaire issu de la commune de Haizer. Par ailleurs, un autre grief est retenu contre cette radio. C’est celui relatif au traitement de l’information. Certains citoyens reprochent à leur radio un traitement trop  » officiel » de l’information au niveau de leur wilaya : « Pourquoi ne parlent-ils pas des défaillances des secteurs de la santé et des travaux publics par exemple ? Pourquoi ne font-ils des reportages sur le marché de voitures de Sour El Ghozlane, sur la situation déplorable de l’hygiène public à Bouira ? Ils se contentent de couvrir les activités du wali et celles des P/APC et autres commis de l’Etat », notera Karima, professeur de français.  

En l’absence d’outil de mesure… 

Tous ces avis démontrent que la radio régionale de Bouira, à l’instar des autres radios locales du pays, doivent encore fournir des efforts pour satisfaire leurs auditeurs et cerner leurs attentes pour mieux les conquérir. 

Pour ce faire, sous d’autres cieux, des organismes sont mis en place et ont pour mission d’étudier les goûts d’un large panel d’auditeurs, afin de dégager une grille de programme adéquate. C’est d’ailleurs le cas, chez nos voisins tunisiens et marocains. Autre solution qui est préconisée par bon nombre d’experts dans le domaine de la communication, c’est celle qui consiste en la mise en place d’un baromètre d’audimat. Ce dernier s’appuie sur le simple principe du comptage d’auditeurs branché sur une fréquence donnée. Si l’audimat  est en hausse, cela veut dire que la station concernée a su répondre favorablement l’attente de ses auditeurs. Et vice versa. 

Toutefois, et comme nous l’a indiqué une animatrice de la radio de Bouira, cet outil n’existe toujours pas dans notre pays. « Si nous avions cet outil de mesure, nous saurions où nous en sommes et ferions tout pour nous améliorer. Mais dans l’état actuel des choses, je peux dire que nous naviguons à vue! », s’est-elle désolée.                            

Ramdane Bourahla 

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