L’image du service et de la fonction publics, a été sérieusement écornée par des années de laxisme et de laisser-aller.
Pour les citoyens, le service public, du moins sa notion, est quasiment inexistante. Les administrations publiques sont souvent synonymes de tracas et de bureaucratie. Ce constat a été fait par le ministre auprès du Premier ministre, chargé de la Réforme du service public, Mohamed El Ghazi, qui a déclaré lors de sa visite dans la wilaya de Chlef, que » la fonction publique doit soigner davantage l’image que se font les citoyens de leurs administrations et de leurs institutions ». Et d’ajouter que l’amélioration du service » ne concerne pas seulement l’état civil ou les services de la daïra, mais toutes les directions et les services de l’administration, comme celles de la santé du transport et de l’éducation (…). Le ramassage des ordures, l’entretien des routes font partie également du service public », a-t-il indiqué. Au niveau de la wilaya de Bouira, et si on prend en considération les paramètres énoncés par le ministre, on peut aisément dire qu’on est encore loin du compte. Comment? Et bien si on prend certains secteurs et administrations, dites névralgies, on se rend très vite compte que la notion de service public et les prestations de services inhérentes font cruellement défaut. Afin d’illustrer ces défaillances, on prendra, à titre d’exemple, l’APC de Bouira, le secteur de la santé et celui des Travaux publics.
On « sermonne » les citoyens à l’APC de Bouira!
Quoi de plus sensible et névralgique que l’APC? Cette assemblée et son président sont l’incarnation et l’essence même du service public. En principe, elle doit être à l’écoute des citoyens, leur offrir une qualité de prestations irréprochable et veiller à leur bien-être. Mais entre le principe et la réalité il y a tout un univers. Car dans les faits, l’APC et ses divers services ne remplissent toujours pas leur rôle. Ainsi, et si l’on se réfère toujours aux déclarations de M. El Ghazi, le ramassage des ordures ménagères et l’hygiène publique de manière générale, font partie du service public. Eh bien, les services communaux de la ville de Bouira n’ont visiblement pas intégré cette donne dans leurs prérogatives. Et pour cause, la ville de Bouira reste irrémédiablement sale. Partout, les déchets s’accumulent, les citoyens sont agressés de toutes parts, encerclés par les immondices, dans tous les coins de rue, dans chaque cité même les espaces de détente sont assaillis par ce fléau. Les exemples de cette dégradation alarmante de l’hygiène sont malheureusement innombrables. Au niveau des quartiers, par exemple, tout n’est que déchets, saletés et impuretés. Des quartiers populaires, comme l’« Ecotec », aux quartiers les plus huppés, comme « La Cadat », aucun espace n’échappe à cette gangrène. Au niveau des grandes artères de la ville, le même schéma se reproduit, les mêmes scènes se dupliquent. Mégots de cigarettes, gobelets en plastique et autres emballages alimentaires, forment un tableau des plus noirs. De la grande avenue de Draâ El Bordj à celle de la wilaya, censée être la vitrine de Bouira, on est confronté à la même vision d’insalubrité. Ces avenues sont inondées de détritus en tous genres. «C’est vraiment dommage, on vit dans l’insalubrité la plus totale, il faut dire que les éboueurs ne font pas leur travail», déclarent bon nombre de citoyens. Du côté de l’état civil, on constate, toutefois, une certaine amélioration, notamment avec la mise en application des nouvelles dispositions visant à améliorer le service public. Cependant, les vieux réflexes des agents d’accueil ont encore la vie dure! La scène qui suit donne malheureusement une piètre image de cette institution. Un citoyen voulant légaliser un document administratif s’approcha d’un agent d’accueil, afin de lui demander son ticket. Cet agent « pas très accueillant », l’informera que les tickets ont été supprimés et qu’il pouvait aller légaliser son document en le déposant simplement au guichet. Jusque-là rien de bien anormal. C’est lorsque le citoyen a « osé » demander une explication quant à la suppression du ticket que les choses se sont compliquées pour ce monsieur. » Wech dekhlek (en quoi cela vous regarde?) si vous voulez légaliser un document allez-y! Sinon, ne me cassez pas la tête par vos questions! », lancera cet agent, sous le regard stupéfait du citoyen. Ces excès de zèle de la part des travailleurs de l’APC, on les retrouve également au niveau du siège de l’APC, notamment le mardi, jour de réception. Certains agents, à l’allure négligée et débrayée, n’hésitent pas à » sermonner » les citoyens.
« Madame, le maire n’est pas là uniquement pour vous! Si vous êtes lasse d’attendre, revenez la semaine prochaine et cessez de vous lamenter », lâchera un agent de réception, à la face d’une vieille dame qui voulait s’entretenir avec le P/APC à propos du logement.
Les malades abandonnés!
Le secteur de la santé de Bouira est malade! Non pas par le manque de structures, ni par la qualité des soins, mais plutôt par l’accueil réservé aux patients. Ces derniers sont, dans la majeure partie des cas, livrés à eux même, désappointés et pas très bien reçus. En effet, au niveau du service des urgences d’Oued Dhous, tout comme à l’EPH de Lakhdaria ou à celui de Sour El Ghozlane et dans les différents EPSP de la wilaya, les malades se plaignent du mauvais accueil et des conditions de prise en charge qui leur sont réservées. Bon nombre de patients rencontrés au niveau du service des urgences d’Oued Dhous dénoncent » les défaillances » des agents chargés de l’orientation et même des médecins. » Quand on arrive ici, c’est qu’on est déjà dans un sale état. On est déboussolé et inquiet. On s’attend à un minimum d’accompagnement et de compréhension. Mais ce qu’on retrouve, ce sont des agents de sécurité qui nous brusquent, des médecins qui nous délaissent… », dira Achène, un citoyen qui accompagnait son fils atteint d’une bronchite aiguë. Notre interlocuteur soulignera que lui et son rejeton ont été » interpelés » par un agent de sécurité qui ne les a pas vus rentrer. » Il m’a pris par la main la plus brutale des manières et m’a soumis à un véritable interrogatoire! », racontera-t-il avec une certaine rage. Et poursuivre : » Par la suite, j’ai désespérément cherché un médecin, mais en vain. On m’a baladée d’un service à un autre pendant plus d’une heure. Ce n’est pas un hôpital que nous avons, mais un mouroir! Celui qui vous dira le contraire, ne s’est jamais fait soigné à Bouira ». D’autres malades » pris en charge » dans d’autres structures ont établi le même constat. » J’ai été victime d’une intoxication alimentaire et je me suis dirigée vers l’EPH de Lakhdaria. Et figurez-vous que l’agent d’accueil n’a pas trouvé mieux à faire que m’indiquer que j’aurais du prendre un Smecta! Au lieu de m’orienter et me porter assistance, ce monsieur s’est improvisé docteur », témoignera une citoyenne originaire de la commune d’Aomar. Pis encore, lors de notre passage à l’EPSP Aboubakr Belkaid, nous avons croisé une septuagénaire seule et abandonnée au fond de la salle d’attente. Cette vieille dame nous dira qu’aucun médecin n’est venu s’enquérir de son état de santé. » On m’a dit d’attendre, alors j’attends patiemment ». Interrogée sur la durée de son attente et la raison de sa présence dans cet établissement, notre interlocutrice, d’une voix fragile, répondra : » Cela fait presque une heure et demie que je suis là. Je me suis foulée la cheville et ma belle-fille m’a déposée ici. Elle ne devrait pas tarder en principe ». Ces cas ne sont qu’un petit exemple parmi tant d’autres. Ils démontrent à quel point le service public est négligé et les patients abandonnés à leur triste sort.
Danger public, à défaut de service…
Pour ce qui est de l’entretien des routes, chose qui est du ressort de la direction des Travaux publics, là on ne parle plus de service public, mais plutôt de danger public. Les routes de Bouira sont chaotiques! Tout n’est que délabrement et vétusté. Comme il en a été fait état dans ces mêmes colonnes, les différents chemins de wilaya, chemins communaux et autres sont dans un piteux état, sans que cela ne fasse réagir les autorités concernées. Pourtant, ces dernières rendraient un grand service aux automobilistes, en entretenant un tant soi peu les routes et surtout en surveillant un peu mieux les travaux de réalisation. Dans ce secteur, le service public et la qualité des prestations, sont, n’ayant pas peur des mots, inexistants. Quel service peut-on offrir quand plus 60% du réseau routier de la wilaya n’a pas été encore bitumé? Comment peut-on améliorer l’image du service public quand une entreprise réalise une portion de route, que cette dernière ne tient pas une année et que les services chargés du contrôle des travaux laissent faire? Irrémédiablement, ce n’est pas une question d’argent, car ce secteur a bénéficié des largesses de l’Etat qui a débloqué plus de 33 milliards de dinars en l’espace de dix ans. Les citoyens, dans leur quasi-majorité sont exaspérés par l’état de leurs routes. Ces dernières, dans certains cas, continuent d’être la cause principale d’accidents de la circulation, parfois motels. En janvier dernier, 7 personnes ont trouvé la mort sur le tronçon reliant Lakhdaria à Bouira, plus exactement au niveau du tunnel d’Ain Chriki, où la route est dans un état des plus lamentables.
Ramdane Bourahla

