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8 milliards de DA et des carences !

Le secteur de l’urbanisme et de l’aménagement est considéré comme « le maillon faible » de la politique de développement dans la wilaya de Bouira.

Le chef de l’exécutif de la wilaya a déclaré récemment : « la wilaya de Bouira enregistre un retard important en la matière ». Le même constat a été fait par le P/APW qui a indiqué lors d’un Conseil de wilaya : « plusieurs communes de notre wilaya souffrent de retards énormes en matière d’aménagement urbain ». Ainsi, les autorités locales n’ont pas eu d’autres choix que de tenir un langage de vérité. Et cette dernière est implacable et irréfutable. A travers la quasi-majorité des régions de la wilaya, un seul constat saute aux yeux : L’aménagement urbain fait cruellement défaut.  En effet, les citoyens ne cessent de revendiquer, haut et fort, un semblant d’aménagement pour leur localité. D’ailleurs, les mouvements de protestation qui éclatent un peu partout à travers la wilaya ont tous comme principal catalyseur, l’amélioration du cadre de vie. Les habitants de plusieurs quartiers de la commune de Lakhdaria se sont d’ailleurs récemment insurgés contre cet état de fait. Ils revendiquent, entre autres, le bitumage des routes, l’embellissement de leurs quartiers et la création d’aires de jeu. Toujours dans le même registre, les citoyens des communes d’Aomar, El Hachimia, Kadiria et Aïn Türk, et bien d’autres, ont à plusieurs reprises manifestés afin d’interpeller les autorités publiques. Dernièrement, ce sont les habitants de localité d’Ouled Benayend, relevant de la commune de Dirah, qui ont fermé la RN8, pour réclamer l’aménagement de leur localité.

Un délabrement généralisé

A titre d’exemple, le quartier des 480 logements, dans la commune de Lakhdaria, ressemble à un véritable bidonville.  Cette cité se meurt à petit feu et ses habitants souffrent le martyr. Les habitations dans lesquelles survivent les citoyens de cette localité ne sont que des taudis en zinc. Ce qui complique davantage la vie à ces derniers qui ne savent plus à quel saint se vouer pour améliorer leur cadre de vie qui ne cesse de se dégrader. Le mot «survie» n’est guère galvaudé au vu de la misère qui y règne.  Dans la commune d’Aomar, plus précisément le quartier de l’ALN, les citoyens ne cessent de crier leur désarroi, face à une situation qu’ils jugent infamante. Ce quartier nécessite, il est vrai, plus qu’une simple opération d’aménagement, une véritable prise en charge. Il se trouve dans un état des plus lamentables.  Le même constat a été dressé du côté du chef-lieu de la commune de Guerrouma. Et le parfait exemple de cette détérioration est sans conteste le boulevard Krim Belkacem, l’une des principales avenues de cette municipalité. Cette artère est livrée aux immondices et autres déchets en tous genres, qui s’amoncellent sur tout son long. Les décharges d’ordures ménagères débordent et les bennes à ordures sont pleines à craquer. Au niveau du chef-lieu de la wilaya, les exemples de défaillance ne manquent malheureusement pas non plus. Les quartiers de Ras Bouira et celui d’Aïn Graoueche, en sont les parfaits exemples. Certains habitants du premier quartier déclarent ouvertement : « Nous sommes complètement marginalisés!  Notre quartier accuse un manque criant en matière d’aménagement urbain. Voyez par vous-même, rien n’est fait afin d’améliorer notre quotidien. Les autorités locales nous ignorent royalement », ont-ils fulminé. Du côté d’Ain Graoueche, la situation n’est guère meilleure. Effectivement, de bout en bout de ce quartier, les immondices jonchent le sol et la chaussée est complètement détériorée. Le pire dans ce tableau peu reluisant, c’est qu’à proximité de ce quartier il y a une polyclinique qui fait aussi office de pavillon des urgences. Les malades qui y affluent des quatre coins de la wilaya sont exposés à des odeurs nauséabondes qui se dégagent des canalisations d’eau usées, obstruées à longueur d’année.

Huit milliards de dinars en 10 ans

Avec ce constat peu relisant, on serait tenté de croire que l’Etat n’a pas déboursé le moindre centime pour palier à cette situation catastrophique. Eh bien, si l’on se réfère au rapport de la DUC de Bouira, qui a été présenté lors de la dernière session l’APW, c’est loin d’être le cas. En effet, ce sont pas moins de 8 milliards de dinars qui ont été alloués à ce secteur depuis 2005. Pour le plan quinquennal 2005-2009, une enveloppe budgétaire estimée à 5.484.000.000 DA a été consacrée au secteur, avec l’inscription de neuf (09) opérations à travers 37 communes sur les 45 que compte la wilaya. Pour ce qui est du plan quinquennal centralisé 2010-2014, un budget de 2.800.000.000 DA a été dégagé pour prendre en charge le cadre de vie des citoyens dans 20 communes. Autant dire que les pouvoirs publics n’ont pas lésiné sur les moyens afin d’offrir aux citoyens un cadre de vie plus agréable. Dans le détail, et toujours selon le même rapport, on apprendra que la seule daïra de Bouira a bénéficié de 2.417.701.000 de dinars, répartis sur ses trois communes. Le chef-lieu de la wilaya s’est, pour ainsi dire, taillé la part du lion, avec 2.229.029.000 DA. Les communes d’Aïn Türk et Aït Laâziz se sont contentées, respectivement, de 97 millions et de 21 millions de dinars. Pour sa part, la daïra de Sour El Ghozlane s’est vue octroyer 995. 454.000 DA, dont plus de 900 millions de dinars pour le chef-lieu, le reste est partagé sur les trois autres communes. Ridane avec plus de deux millions, El Maâmoura 17 millions et Dirah avec 69 millions de dinars. Il est à préciser que pour les VRD, une enveloppe dépassant les 180 millions de dinars a été accordée à cette daïra, toujours sur la période 2005-2013. Pour la daïra de Lakhdaria, plus de 830 millions de dinars ont été dégagés, tout au long de ladite période, et répartis entre le chef-lieu de daïra (796 millions), la commune de Maala (18 millions), Guerrouma (8 millions) et Bouderbala (8 millions). La daïra de M’Chedallah n’est pas en reste, puisqu’elle s’est vue attribuer plus de 923 millions de dinars pour l’aménagement et l’amélioration urbaine, avec plus 348 millions de dinars pour la commune du chef-lieu, 235 millions pour Chorfa, 194 millions pour Ath Mansour, 27 millions de dinars pour Saharidj, 47 millions pour Ahnif et, enfin, 68 millions de dinars pour Aghbalou. Dans le même ordre d’idée, la daïra d’Aïn Bessam a tiré parti des différents plans d’aménagements depuis 2005, avec plus de 521 millions de dinars distribués de la manière suivante : 497 millions pour la commune d’Aïn Bessam, 17 pour Aïn Lahdjar et 5 millions pour Aïn Laaloui. Bordj Okhris a, pour sa part, récolté 529 millions de dinars d’aides à l’aménagement, dont 311 millions pour le chef-lieu de daïra, 119 pour la commune de Lahdjra Zargua, 54 millions pour El Mesdour et 43 millions de dinars pour Taguedit. Idem pour les daïra de Kadiria, Bechloul, El Hachimia et Haïzer, lesquelles ont bénéficié de plus de 2 milliards de dinars depuis 2005. Au total, c’est plus de huit milliards de dinars qui ont été consacrés à l’aménagement. De plus, récemment encore et plus précisément lors de la visite du Premier ministre à Bouira, une autre enveloppe complémentaire, estimée à 7,9 milliards de dinars, a été réservée aux secteurs de l’urbanisme et l’habitat.

Les raisons d’un échec

Avec autant d’argent, comment en est-on arrivé là ? Autrement dit, il y a quelque chose qui cloche dans ce secteur. Mais quoi ? Deux éléments de réponses ont été fournis par les rapporteurs de la commission de l’APW chargée d’évaluer le secteur, d’une part, et par le P/ APW, d’une autre. Pour les premiers, les entreprises réalisatrices, « ont une grande responsabilité » dans cet échec, car c’en est un. En effet, les membres de ladite commission ont clairement pointé du doigt, « l’incompétence » des entreprises chargées de la réalisation des projets d’aménagement urbain. Il faut dire que les élus n’y sont pas allés de main morte, en qualifiant le secteur de « honte » pour la wilaya, en soulignant le fait que « le prétexte du raccordement en eau et en gaz ne tenait plus, puisque des communes, qui en sont déjà alimentées, ne bénéficient toujours pas d’un plan d’aménagement adéquat ». De plus, les rapporteurs ont souligné également « le manque de coordination entre les différentes directions, à l’instar de la SDC, l’ADE, la DEM et la DRH, chargées d’accompagner les travaux.  Par la suite, cette commission a émis certaines recommandations visant à remédier aux carences enregistrées. Parmi elles : ne pas réceptionner des projets, sans l’aval de l’APC, procéder à des études géotechniques afin de se prémunir contre les affaissements de terrain,  donner la priorité aux quartiers les plus délabrés, renforcer le réseau d’éclairage public et mieux choisir des bureaux d’études et les entreprises. Pour le P/APW de Bouira, le Dr Slimane Ziane, « la wilaya a énormément souffert des années noires, ce qui a freiné son développement ». Et d’enchaîner en déclarant : «  L’aménagement urbain est l’une de nos plus grandes préoccupations. Il est dans cette situation, parce que les réseaux d’assainissement n’ont pas été installés et nos villes n’étaient pas pourvues de réseau souterrain. Ce qui engendre des répercutions négatives sur les travaux d’aménagement ». 

Ramdane Bourahla

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