Par Amar Naït Messaoud
La deuxième session de la formation professionnelle pour l’année 2013/2014, dont la rentrée a eu lieu dimanche dernier, a permis à 170 000 nouveaux stagiaires et apprentis d’intégrer les établissements de formation. Une belle surprise pour les stagiaires: l’augmentation de la bourse à partir de janvier 2014. Elle passera à 3000 DA/mois, pour les élèves apprentis, soit un relèvement de 300 DA, et à 1000 DA/mois pour les stagiaires, soit une augmentation de 500 DA. C’est là une incitation aux jeunes stagiaires, bien qu’elle demeure insuffisante. Car, la vraie incitation est celle qui consiste à améliorer l’employabilité des stagiaires et des apprentis par une revalorisation de la formation, en elle-même, et une diversification maximale des profils, de façon à épouser les grandes évolutions de l’économie nationale. Les changements économiques que connaît le pays, depuis une dizaine d’année, même s’ils sont loin d’amener dans l’immédiat le pays à se détacher définitivement de la rente pétrolière, ont pu, quand même, introduire un nouveau paysage économique par rapport au modèle bureaucratique et dirigiste des années 70 et 80 du siècle dernier. Il est évident que l’évolution de n’importe quel maillon de la chaîne économique, qu’il soit technique, technologique ou managérial, induit nécessairement une évolution des besoins en matière de ressources humaines. Ces dernières sont identifiées et caractérisées, avant tout, par le potentiel de formation qui leur confère habilitation et qualification. La formation professionnelle en Algérie, dans ses différentes déclinaisons (formation résidentielle, apprentissage et formation à distance) concerne quelque 270 000 stagiaires et apprentis, répartis sur 1 200 établissements (centres et instituts de formation). À l’occasion de la rentrée du 2 mars 2014, le ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels, Noureddine Bedoui, est revenu sur la “nécessité de développer un partenariat effectif entre le secteur de la formation professionnelle et les structures composant l’environnement dans lequel il évolue“. Cet environnement est celui qui est en train de s’installer, à la faveur des investissements économiques, particulièrement ceux initiés par des entreprises de production. Jamais, sans doute, le secteur de la formation professionnelle n’a été aussi interpellé qu’au cours de ces dernières années. Le tissu des PME/PMI, prévu par les deux derniers plans quinquennaux de développement, ne peut, en effet, se mettre en place et acquérir toutes ses fonctionnalités en l’absence de personnel d’exécution et d’ouvriers spécialisés, d’autant plus que la gamme des métiers manuels et intellectuels est en train de connaître une métamorphose historique, suite à la complexification des processus industriels et à l’intensification des échanges internationaux. Le premier responsable du département de la Formation professionnelle soutient, à l’occasion de la rentrée de cette semaine, qu’ “aucun secteur ne peut réussir sans une jeunesse professionnellement qualifiée et une main-d’œuvre compétente, apte à relever les défis de l’heure“. Les résultats des gros investissements opérés par l’État peinent, en revanche, à être perçus sur le terrain et sont, en tout cas, loin des espoirs et des ambitions des entreprises qui sont en train d’enrichir, chaque année, le tissu industriel national. Il est même loisible de constater que la formation en général (diplômante, qualifiante ou continue) demeure le talon d’Achille de ces unités, qu’elles relèvent du secteur public ou privé. C’est que, malgré les évolutions de l’orientation économique du pays, généralement dans le sens de plus de libéralisation et d’ouverture sur l’initiative privée, et malgré les ressources financières du pays, le monde de l’entreprise tarde à imposer ses lois, ses repères et sa logique en Algérie. Les exemples ne manquent pas d’entités de production, de biens ou de services, disposant d’un capital conséquent et de moyens matériels considérables, ne pouvant aller de l’avant, relever le défi de la technologie et de la productivité en raison principalement du manque de compétences nécessaires. Niveau et profils: encore du pain sur la planche Depuis la fin des années 1990, lorsque l’entreprise privée, balbutiante, commençait à faire parler timidement d’elle, le déficit de formation des ouvriers algériens et du personnel d’exécution apparut au grand jour. Les nouveaux patrons ont eu beau d’insérer des avis de recrutement dans la presse, lorsque, rarement, on met la main sur l’ “oiseau rare», les niveaux de qualification et d’adéquation entre sa formation et le profil proposé ne sont pas toujours au rendez-vous. Il faut avouer que, dans l’ancien système économique- administré hyper centralisé et soumis aux règles de la pensée unique-, l’exigence de niveau de qualification était le dernier souci des gestionnaires des unités économiques. À ces unités, il n’était demandé aucun compte. Pire, ou mieux, elles servaient de tremplin aux différents affairistes du parti et de l’État qui en épuisèrent la substance et les richesses. Dans ce contexte de relâchement rentier, la formation professionnelle était vue comme le “réceptacle des exclus», comme a eu à la qualifier un ancien Premier ministre. En effet, dans une espèce de réflexe pavlovien installé par l’idéologie et la démagogie de l’État, les centres de formation ne recevaient que les exclus de l’enseignement général, sachant, au passage, que 50 % des élèves de première année primaire n’arrivent pas au lycée. Il ne faut donc pas s’étonner de l’image peu flatteuse que se faisait toute la société de la formation professionnelle. Combien d’élèves ont été orientés vers ces centres de manière intelligente et volontaire? Car, il y a bien des personnes qui ne sont pas faites pour les études universitaires, dont la vocation est le travail manuel. En outre, pour des raisons particulières (familiales ou autres), des jeunes sont amenés à opter pour des formations de courte durée. Enfin, la société et l’économie du pays, selon la division naturel du travail, ont besoin de tous les bras et de toutes les “têtes”. C’est sur la base de ces constats et de ces tendances que dans les pays industrialisés la formation professionnelle occupe une place importante, voire stratégique, dans le schéma économique général. Les efforts de valorisation de la formation professionnelle en Algérie ont commencé par les grandes infrastructures (centres et instituts) et par les équipements (laboratoires). Le nombre de spécialités proposées aux jeunes a atteint le chiffre de 75 en 2013. Cependant, en matière d’employabilité critère majeur d’évaluation de la formation, de gros problèmes persistent. Le niveau de formation n’est pas encore parvenu aux exigences du marché du travail, et les profils de formation sont parfois en décalage par rapport aux besoins. C’est ce qui a fait dire, en février dernier, au ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels: “l’objectif est de transformer chaque poste de formation ou d’apprentissage en poste de travail“.
A.N.M.