La route nationale N°5 et la voie du chemin de fer, qui relient tout l’Est du pays à la capitale, ont été fermées à la circulation depuis près d’une semaine par les villageois de Metchik Tala El Bir, dans la commune d’Ath Mansour, à une cinquantaine de kilomètres à l’Est de Bouira.
C’est au moyen de pierres, de troncs d’arbres et de pneus enflammés que ces citoyens ont exprimé leur colère, protestant contre « la sourde oreille et le silence dans lesquels se confinent les pouvoirs publics » face à leurs revendications, ils réclament une amélioration des conditions de vie dans ce village enclavé perdu au fin fond de la Kabylie. Parmi leurs doléances, on citera notamment l’aménagement d’un pont au niveau d’Assif Oumarigh pour rejoindre la RN5, il revêt a leurs yeux une urgence absolue. Le malheur de ce village composé de plusieurs agglomérations éparses réside dans le fait qu’il soit situé à cheval sur trois wilayas, celle de BBA, au sud, celle de Béjaïa à l’est et enfin la wilaya de Bouira au nord-ouest ; on nous apprend sur place un chevauchement de compétences territoriales, tout ce qui fait que cette région soit délaissée sur le volet du développement régional.
Un pont nommé désir…
Ce village qui compte à l’heure actuelle 1500 habitants, après qu’une bonne moitié l’ait déserté à cause des contraintes, est situé a 600 m à peine de la RN5 qu’ils doivent rejoindre en traversant à gué le cour d’eau d’Assif Oumarigh, en empruntant l’unique voie d’accès, une piste en piteux état. Ce ruisseau qui prend naissance à El-Mehir traverse le territoire de la commune Ath Mansour pour se jeter dans Assif N’Sahel, à proximité d’Ath Bouali, un ruisseau qui draine sur son passage trois importants cours d’eaux qui sont Assif Bouktene, Assif Lemkil et Assif Lahlou, cela à quelque 02 Km en aval du village, d’où les violentes crues d’Assif Oumarigh qui retiennent prisonniers les villageois durant plusieurs jours, faisant chaque année des victimes, dont la dernière en date est un gendarme en permission, natif de ce village, qui a été emporté par les eaux en furie, alors qu’il tentait de rejoindre le domicile familial. C’est à la suite de ce cas que les villageois sont montés au créneau. Ils s’étaient déjà insurgés, une première fois, en 2003, pour réclamer l’aménagement de ce pont afin de préserver les vies humaines et mettre un terme à leur isolement qui s’étalait dans la durée. Les protestataires nous apprennent qu’une délégation de sages a été reçue au cabinet du ministère des travaux publics, après ce premier débrayage où il leur a été promis que ce pont serait réalisé dans les plus brefs délais, avançant même la date de 2004 pour le lancement des travaux. Voilà bientôt 11 ans que la population attend de voir se concrétiser cet engagement. En vain.
L’eau potable, l’autre souffrance
La série d’orages assez forts qui a émaillé ce mois de mars a été à l’origine de longues et violentes crues qui ont fait déborder Assif Oumarigh et bloqué les villageois. Les protestataires nous apprennent égalerment que plusieurs commissions techniques se sont rendues sur les lieux, par le passé et que rien n’a été entrepris à ce jour. Après une semaine de fermeture de ces deux voies des plus stratégiques, desservant Alger et l’est du pays, aucune réaction n’est venue à propos, hormis un faxe des services des travaux publics qui les informe que le projet de réalisation d’un pont a été retenu et que les travaux allaient être lancés incessamment. Aucune autorité ne s’est manifestée sur les lieux pour s’enquérir de leur situation, du moins jusqu’au jeudi écoulé. En découvrant l’endroit, nous avons été frappés par une scène surprenante, celle d’un groupe d’écoliers qui traversaient la rivière à gué de l’eau glacée et jaunâtre jusqu’à la taille, tenant leurs cartables, leurs pantalons et leurs chaussures sur la tête, sous la surveillance de quelques adultes, prêts à intervenir dans le cas où l’un de ces malheureux serait renversé par le courant assez fort qui pourrait facilement l’emporter. Que dire alors des personnes âgées ou des malades qui se voient contraints de traverser à gué ce cours d’eau glacial, large de quelques 50 mètres. Sur un autre volet, nous apprenons qu’hormis l’électricité aucun des autres moyens d’accompagnement n’est fonctionnel. Le réseau d’assainissement a souffert d’un défaut de réalisation et a été réformé selon nos interlocuteurs, l’eau potable provenant d’un forage arrive aux robinets à raison de 02 heures tous les dix jours ! Ils ne sont pas non plus raccordés au réseau de gaz naturel, en dépit du fait que celui-ci se situe à 300 m de leur agglomération. Le chômage enfin brandit le pavillon rouge, frôlant les 90% au grand dam des habitants.
Oulaid Soualah

