Les limites des boniments démagogiques

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Le programme de l’élargissement de la base productive du pays et de la relance industrielle, tel qu’il a été initié par le gouvernement Abdelmalek Sellal à partir de 2012, rencontre ces derniers jours des échos plutôt populistes de la part de certains candidats à la présidence de la République. Pourtant, c’est pour sortir d’un lourd héritage, fait de démagogie et de navigation à vue, que le ministère de l’Industrie a, dès décembre 2012, planché sur un Doing bussiness algérien, tendant à conférer plus de performance aux entreprises algériennes, et surtout tenter de revigorer le tissu d’entreprises publiques frappées par la léthargie et la banqueroute au cours des années 1990. La preuve est nettement établie sur le déficit de compétitivité des entreprises algériennes, voire sur leur non-préparation à soutenir la concurrence avec les entreprises étrangères. Les trois plans d’investissements publics -qui ont fait intervenir un grand nombre de partenaires étrangers- et l’accord d’association avec l’Union Européenne, ont mis à rude épreuve l’entreprise algérienne en général et conduit, en particulier, les entreprises publiques à un patent essoufflement. La harangue électorale paraît permettre toutes les hérésies, y compris celle de pouvoir revivifier les entreprises publiques par un soutien inconsidéré du Trésor public. C’est ce que l’on retient, en tout cas, des choix explicites du Parti des travailleurs par lesquels il compte créer de l’emploi et faire régner la justice sociale. Le problème est que, en dehors de la phase de l’ajustement structurel imposé par le Fonds monétaire international au milieu des années 1990, qui a valu aux entreprises publiques économiques (EPE) des dégraissages massifs de travailleurs, les leçons ne sont pas exhaustivement tirées de la gestion de ces entreprises pour savoir les raisons de leurs contre-performances ; une situation qui a déjà commencé à se manifester au grand jour avant l’ouverture de l’économie algérienne sur le privé. Si, aujourd’hui encore, on maintient la langue de bois au sujet des réformes économiques dictées par le contexte national et international, on ne fait visiblement que prolonger l’aveuglement qui coûtera cher au pays, d’autant plus que des implications politiques de haute importance ne manqueront pas de s’ensuivre, surtout lorsqu’on s’attaque frontalement à l’accord d’association avec l’U.E. et que l’on envisage, comme le fait le PT, de l’annuler. Il est vrai que les privatisations menées au milieu des années 2000 n’ont pas toutes abouti à des résultats florissants. Il y en a même eu qui ont été détournées de leur vocation et qui n’ont pas respecté les cahiers de charges relatifs au maintien de l’emploi. Certains nouveaux acquéreurs, par le truchement de ces transactions, ont plutôt convoité les assiettes de terrain que les autres actifs des EPE. Un rapport exhaustif a été établi en 2010 par l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, à ce sujet  et adressé au président de la République. De même, dans les transactions opérées, l’art et la manière n’étaient pas toujours au rendez-vous. Et puis, comme les entreprises naissantes, qu’elles soient publiques et privées, ces nouvelles entités acquises ont aussi fait face au climat morose des affaires et au comportement rentier et bureaucratique de l’administration.  Les opérations de privatisation étant suspendues depuis 2009, et le ministre qui les a menées, Abdelhamid Temmar, ayant été éloigné de son poste, une autre vision commençait à émerger au sein de la haute administration et des Sociétés de gestion des participations de l’État (SGP) pour une autre configuration de l’outil public de production et de réalisation, censée l’impulser dans le sens d’une mise à niveau technique, technologique et managériale afin de pouvoir soutenir une « cohabitation » avec le moins de dégâts possible avec les entités privées, et surtout avec les partenaires étrangers de l’Algérie. Devant les SGP, les représentants du patronat et des syndicats, le ministre du Développement industriel et de la Promotion de l’investissement, Amara Benyounès, a tenu à souligner  la nécessité d’adapter les procédures des ces holdings à « l’impératif de la promotion de la production nationale ». Le ministre dira à l’occasion de cette réunion: « si des mécanismes ne sont pas mis en place pour la canalisation de la demande vers l’entreprise nationale, nous risquons de nous retrouver avec un parc industriel aux capacités économiques importantes, mais oisives et inutilisées ». L’option de l’encouragement de la production nationale est aussi soutenue par la perspective du crédit à la consommation, dédié spécifiquement vers des segments de la production nationale. Ce dispositif, arrêté à la dernière tripartite du 23 février 2014, entrera en vigueur probablement au début de l’année 2015. Les efforts de l’État pour récupérer les entreprises en difficulté ont coûté au Trésor public quelque 10 milliards de dollars, a rappelé le ministre. Aujourd’hui, il n’est plus question d’injecter de nouvelles aides financières aux entreprises publiques. Il s’agit de miser sur les petites entreprises pour qu’elles deviennent de plus en plus attractives. L’Algérie compte actuellement 650 000 petites et moyennes entreprises (PME). Le ministère du Développement industriel et de la Promotion de l’investissement ambitionne d’en créer un million, à l’horizon 2015, avec une pointe de 2 millions d’unités d’ici 2025. Cependant, comme facteurs déterminants devant libérer cette dynamique, l’unanimité est acquise auprès de tous les acteurs que l’importation débridée et le commerce informel doivent être jugulés. Quant aux nostalgiques d’une économie administrée, servant juste de relais à la distribution de la rente, ils n’apportent aucune solution au fond du problème. La campagne électorale, quand elle s’appuie sur un populisme désuet, est décidément ouverte sur toutes sortes de boniments.                  

       

Amar Naït Messaoud

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