Aït Ighil Mohand est connu dans la ville de Béjaïa et sa région pour être un grand dramaturge, un correspondant de presse et un écrivain traducteur en Tamazight. Il a beaucoup contribué à la promotion de la langue berbère qu’il continuera à défendre jusqu'à son dernier souffle, selon ses dires. Ce trésorier communal des impôts, à la retraite, nous a accordé cet entretien.
La Dépêche de Kabylie : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Aït Ighil Mohand : Je suis né le 11 novembre 1960, dans la ville de Béjaïa, où la culture et l’histoire rayonnent depuis des millénaires. Mes origines sont à Seddouk Oufella, bastion de la révolution de 1871 que nous célébrerons dans quelques jours. Ma culture a pris ses racines dans ces deux villes.
Parlez-nous de vos débuts artistiques ?
C’est à l’âge de 22 ans que j’ai mis le premier pas dans le monde artistique, après une formation que j’avais suivie, en 1981, à Batna sous l’égide de l’UNJA. Juste à mon retour, j’ai constitué une troupe de théâtre composée de quinze personnes ‘’Imouzar’’ (les condamnés). Nous avons mis en scène une pièce de théâtre intitulée ‘’Inegoura’’ (les derniers). Nous avons sillonné plusieurs villages de la wilaya de Béjaïa, et partout, le public a apprécié notre travail et le succès que nous avons rencontré m’a encouragé à aller de l’avant. La troupe fut ensuite divisée en trois petits groupes. Pour ma part, j’ai changé de cap en travaillant avec la maison de jeunes Fatima Ramtani de la ville de Béjaïa. J’ai écrit une pièce intitulée ‘’Agroudj Igoudjilan’’ (le trésor des orphelins). Nous l’avons jouée une cinquante de fois, mais dans la clandestinité.
Et quand avez-vous pu sortir de cette clandestinité ?
Les événements de 1988, qui ont permis l’ouverture du champ politique, m’ont permis de créer légalement avec mes amis qui luttaient auparavant dans la clandestinité l’association Tamazight n’Vgayeth qui active toujours. Elle a son actif une multitude d’activité et le mérite d’avoir organisé le premier concours de la chanson amazighe au niveau national, en 1990, et la première semaine sur la langue amazighe, en 1991. Je dirigeais aussi en parallèle la troupe théâtrale ‘’Tighri’’ (l’appel) créée en 1989. C’est une troupe composée de comédiens amateurs qui a interprété deux pièces dont j’ai écrit les textes et que j’ai mises en scène, jusqu’en 1999. L’une des deux pièces, intitulée ‘’Thazelmat Thakhsar, thayafoust ourtharvihara’’ a été jouée environ 200 fois.
Quelles sont les prix que vous avez eus ?
J’ai eu, en 1988, le premier prix Mouloud Mammeri. J’ai été honoré en 2010 au festival national du théâtre amazigh qui a eu lieu à Batna. J’ai été honoré aussi en 2010 par l’association des artistes de Béjaïa, à l’occasion de la journée de l’artiste.
Parlez-nous de votre parcours d’auteur en Tamazight…
J’ai entamé l’écriture en Tamazight à l’ouverture de la radio Soummam de Béjaïa, au début des années 1990. Un animateur m’a sollicité pour lui écrire des contes et des nouvelles. Je lui en ai écrit une vingtaine qu’il a passé dans son émission. Quand cet animateur a quitté la radio Soummam, j’ai continué à travaillé avec Rachid Allouache, un animateur de la chaîne II. En rencontrant la première fois le professeur Salem Chaker, je lui ai demandé quel était le bon moyen de lutter pour la reconnaissance de la langue amazighe, il me répondit simplement : écrire et produire ! C’est pour suivre ce conseil que j’ai pu rassembler tout ce que j’ai écrit pour la radio pour en faire un livre que j’ai édité en 1999 et intitulé ‘’Alen n’Tayri (les yeux de l’amour). J’ai également sorti en livre la pièce de théâtre ‘’Thazelmat Thakhsar, thayafoust ourtharvihara’’.
Et concernant les traductions ?
En 2000, j’ai traduit ‘’Atlanta’’ du français au kabyle. En 2002, c’est ‘’Tchekov’’, une pièce de théâtre russe que j’ai adapté en kabyle.
Et combien de romans avez-vous écrits en Tamazight ?
C’est en 2008 que j’ai édité ‘’Thighersi’’ (la rupture), mon premier roman en Tamazight, sorti chez les éditions AFRAMED. Les gens avaient une telle soif de lire en Tamazight à cette époque. 8 000 exemplaires ont été vendus en 8 mois. J’ai écrit également les textes de la pièce de Théâtre ‘’Cheikh Aheddad’’, en collaboration avec Fatmouche, le directeur du théâtre régional Bouguermouh. Lui, a fait la mise en scène. Une pièce en Kabyle qui a fait tout l’Est du pays.
Parlez-nous de votre parcours journalistique…
Durant la décennie 1990, j’ai travaillé comme correspondant, pour une multitude de quotidiens nationaux (Le Matin, L’Opinion, Le pays). J’étais l’un des initiateurs des pages en Tamazight à la Dépêche de Kabylie. Et je continue toujours à écrire des articles en Tamazight pour votre quotidien.
Vos projets actuels ou futurs ?
Je suis en train d’écrire un roman qui est la suite de ‘’Tighersi’’. Je suis aussi en train de traduire du français le dernier roman de Tahar Djaout ‘’Le dernier été de la raison’’.
Entretien réalisé par L Beddar

