La ville de Tizi-Ouzou a retrouvé hier, son calme après deux jours de tensions et d’escarmouches sporadiques. De leur côté les étudiants de l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou étaient unanimes à condamner «l’empêchement brutal» de la marche du 20 avril. Rejetant toutes formes de violence, ils se sont démarqués des actes de saccage et de destruction de biens survenus, avant-hier, au boulevard Krim Belkacem, près de la «Tour». «Notre marche à nous, nous allons la faire, et personne ne pourra nous l’interdire», ont annoncé les étudiants que nous avons rencontrés, hier, dans le campus universitaire de Hasnaoua. Ici, dans ce lieu historique qu’est l’université Mouloud Mammeri, le climat était pesant, hier. Bien que les étudiants qui s’y trouvent aient la tête dans la continuité des programmes de célébration du Printemps berbère, tracé depuis plusieurs jours, il n’en demeure pas moins que les actes de dimanche et de lundi les ont fortement marqués. Des signes de dépit se lisent sur leurs visages, eux qui ne comprennent toujours pas pourquoi on leur a interdit de célébrer leur Printemps, le Printemps de leurs prédécesseurs à l’université d’Oued-Aissi. Les stigmates sont là elles sont vivaces. Les marques d’impacts des pierres et projectiles échangés au cours de l’empêchement de la marche du 20 avril 2014, et puis après, avant-hier soir. Ces marques par contre sont moins apparentes sur la chaussée et les trottoirs. Seuls les creux des pilonnes arrachés témoignent encore des violences ayant caractérisé les escarmouches de ces deux derniers jours. Hier, une vingtaine d’agents s’afféraient à nettoyer les rues, ruelles et trottoirs, à partir du stade du 1er novembre vers le carrefour du 20 avril, en contrebas du campus Hasnaoua. Portant des gilets orange avec le logos de la direction des travaux publics, ces jeunes ont été mobilisés dès 7h de la matinée d’hier pour tout nettoyer. Il faut absolument effacer toutes les stigmates des violences de la veille et de l’avant-veille. Un tracteur, servant au ramassage des ordures, propriété de la mairie, a aussi été mobilisé avec cinq ouvriers de la voirie, pour enlever les grosses pierres et autres objets encombrants la chaussée. Il faut dire que les autorités locales se sont bien affairées pour disparaître toute trace de violence. L’on veut recouvrer rapidement, et vite, le calme et la sérénité que la ville de Tizi-Ouzou et les agglomérations alentours ont perdus en l’espace de quelques heures, ce qui rappelle péniblement les douloureux événements du Printemps noir. «Personne n’est prêt à revivre le cauchemar de la désolation qu’ont créé les tragiques événements de 2001. On veut retrouver la tranquillité et vivre en paix, bien que nous ne puissions pas oublier les jeunes victimes et ce que nos villes ont subi comme destruction», nous dira un commerçant nouvellement installé près du campus Hasnaoua.
L’université renoue avec les conférences
L’accès à ce campus est soumis au contrôle rigoureux des gardiens chargés de filtrer les personnes. Ces agent de sécurité semblent avoir reçu un renfort du coté de l’accès principal. « Nous avons reçu des instructions strictes pour filtrer les accès, l’on ne peut pas se permettre d’être noyés par des extras-universitaires qui feraient s’enflammer les esprits de nos étudiants, la casse qui a eu lieu, hier soir, près de chez nous, nous fait craindre des intrusions indues.», nous dira un agent de sécurité avec lequel nous avons eu maille à partir avant qu’il n’accepte de nous laisser accéder au campus.
A l’intérieur de celui-ci, des groupes d’étudiants se sont formés ici et là. Mais rien ne laisse présager un quelconque mouvement de contestation. Tout compte fait, les étudiants se sont scindés selon leurs tendances et penchants politiques. «Nous sommes les représentants du comité des sciences économiques, nous attendons l’arrivée de Karim Tabou pour la conférence qu’il a promis de donner à l’amphithéâtre, c’est une activité qui rentre dans le cadre d’un programme tracé d’avance pour commémorer le 34e anniversaire du printemps berbère», nous explique Salem, étudiant en science économique. Ce dernier que nous avons rencontré sur le parvis de l’amphithéâtre, en compagnie de ses copains, ne décolère pas pour autant sur ce qui s’est produit dimanche : «C’est intolérable, impardonnable ce que l’Etat a fait contre nous ce 20 avril dernier. Nous avons rejoint l’appel des anciens animateurs du MCB qui ont appelé à une marche pacifique pour commémorer le printemps qu’ils ont fait naître, rien, absolument rien ne peut justifier l’acharnement des policiers contre nous», regrette Ahmed. Rejoint par Djamel, étudiant à la faculté de lettres françaises, celui-ci regrette, pour sa part, la réaction des autorités qui ont déployé des centaines de policiers pour empêcher la marche. Djamel est venu pour accueillir Tabou. Celui-ci se contentera de nous livrer un bref commentaire sur les incidents de dimanche : «C’est un acte de violence d’Etat commis à l’encontre d’un peuple qui veut célébrer le Printemps de ses libertés, un printemps qui ne date pas de ces dernières années, mais qui date d’une époque où la démocratie et les libertés étaient réellement muselées, mais ce comportement autoritariste n’a pas a avoir lieu en 2014 !», dira Karim Tabou. Nous avons, par ailleurs, rencontrés ceux qui appellent à une marche pour dimanche prochain «pour répliquer à la bastonnade de dimanche passé», selon les dire d’Idir, alors qu’un autre groupe d’étudiants s’affaire à entraîner la décision pour «marcher le 19 mai, à l’occasion de la journée national de l’étudiant», en réponse aussi à l’interdiction de la marche du 20 avril. A la «Tour», près du carrefour du 20 avril, le climat reste pesant même si le calme semble s’installer durablement. La circulation automobile et des personnes a repris ses habitudes. Les lieux ne laissent apparaître aucun signe des violences de la veille ayant conduit, entre autre, au saccage de l’agence de téléphonie mobile «Mobilis». Les rideaux de celle-ci sont intactes, les assaillants y ont accédé par la fenêtre, a-t-on appris sur place. Cet acte a néanmoins fait naître une crainte certaine parmi les commerçants de la place, à l’instar des vendeurs de téléphones et des appareils d’électroménagers. Les commerçants, la peur au ventre, font semblant d’être rassurés par la présence policière discrète sur les lieux, des lieux animés par les vas et viens des étudiants, des fonctionnaires et clients des différentes échoppes.
M.A.T