Entre le prioritaire et l'urgent

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Amar Naït Messaoud

Le train des nouvelles réformes semble se mettre en branle. Aux propositions faites par Bouteflika, en avril 2011, relatives à la révision de la Constitution, du code électoral, de la loi sur les associations.., est aujourd’hui greffé le projet d’un nouveau découpage territorial, appliqué dans un premier temps, au Sud du pays et aux Hauts Plateaux. Bien avant que ce vaste chantier ne prenne une forme quelconque, l’idée d’élections législatives anticipées fait son chemin. Réclamé à hue et à dia par la porte-parole du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, au lendemain des élections présidentielles du 17 avril dernier, ce projet, hautement politique, ne semble pas rencontrer de véritable opposition, si ce n’est les réticences feutrées de Amar Saïdani, actuel patron du FLN. Ce dernier, qui ne s’attendait pas à la formation d’un gouvernement « technocratique », tente de faire valoir la majorité numérique du FLN au sein des assemblées élues pour destiner ce parti à avoir la majorité des portefeuilles du gouvernement et, partant, à présider aux destinées du nouveau cabinet ministériel.  Les députés élus au titre des dernières législatives bouclent exactement deux années, ce samedi 10 mai. Entre-temps, les Algériens ont été appelés à des élections locales (APC-APW) le 29 novembre 2012, et à des élections présidentielles, le 17 avril 2014. Les codes de la commune et de la wilaya, adoptés dans leur version révisée en 2012, n’ont, semble-t-il, pas créé de véritable « révolution » dans les deux assemblées. En tout cas, les problèmes sont demeurés presque les mêmes. Les mairies et les sièges de daïra ont continué à être investis par les populations en furie, et parfois, ils sont carrément fermés et scellés. Indubitablement, la représentation politique dans notre pays peine à se soustraire aux pesanteurs sociologiques et culturelles de la société. Le reste est la faute d’un certain excès de centralisation et de textes donnant la préséance à l’administration au détriment des élus.  C’est que le fond du problème est ailleurs. Il est d’abord dans la Constitution, que le président Bouteflika entend soumettre à révision, avec de « larges consultations », après un premier travail de « défrichement » mené par la commission des Cinq. Mais le problème est loin de relever exclusivement de la Constitution. L’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs sont censées être des pratiques et des réflexes quotidiens. Le premier signe de séparation des pouvoirs est, sans doute, la marge de manœuvre laissée au Parlement pour élaborer les lois, que le pouvoir exécutif est appelé à appliquer. L’augmentation du nombre de députés (il a atteint le chiffre de 462 en 2012), l’introduction en masse de la gent féminine (147) par le système de quotas, ne prémunit nullement l’Assemblée populaire nationale contre la cession d’une part de sa souveraineté au profit de l’exécutif. La nouvelle Constitution, après les consultations que mènera en juin prochain Ahmed Ouyahia, chef de cabinet à la présidence de la République, est censée se pencher sur la nature du régime politique qu’entend se donner notre pays. Présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire. Imparablement, si la première typologie comporte ses excès, en conférant des droits régaliens au président dans toutes les questions nationales, la dernière n’est pas sans risque, pour un pays qui est en train de faire un dur apprentissage de la démocratie. Un pouvoir parlementaire trop fort, s’il est détenu par des forces que des circonstances particulières ont propulsées sur le devant de la scène, ne travaillerait pas nécessairement pour le développement de la démocratie et le respect des libertés. En Algérie, dans les circonstances sociales, culturelles et économiques qui sont les nôtres, tout milite pour le juste milieu, par quoi un équilibre des pouvoirs sera rendu possible. Il n’en demeure pas moins que le débat sur le rôle et les missions des députés de l’APN est loin d’être épuisé. Les assemblées qui sont passées n’ont jamais donné le bilan de leur mandat. Les questions orales font souvent l’objet d’obstructions. L’excès d’ordonnances, votées sans débat, risque de discréditer l’Assemblée.  Deux ans, jour pour jour, après les élections législatives du 10 mai 2012, avec moins de 43 % de participation, le débat revient, avec plus de force et moins de complexe, sur le rôle et les missions de l’Assemblée nationale.  Si le « martelage » du projet des législatives anticipées n’a été ressenti qu’après les élections présidentielles, l’idée a été quand même dans l’air depuis plusieurs mois. La crédibilité et l’efficacité des institutions politiques algériennes commandent de faire d’elles un tout solidaire, insécable, revêtu du sceau de la démocratie participative.

A.N.M

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