Dix sept artistes en compétition

Partager

Dans une compétition endiablée qui va les mener, du 3 mai au 7 juin, aux quatre coins de la wilaya de Bouira, dix-sept jeunes, venant chacun d’un point différent du pays, confrontent chaque semaine leur talent et se disputent la première place en Rap et en break dance.

Un jury composé de jeunes connaisseurs, comme ce danseur de Bousmaïl, suit le groupe dans ses déplacements pour évaluer les qualités artistiques de chaque jeune artiste. Le but, comme nous l’a expliqué Kamel Aït Kara, vice-président de l’association culturelle Ibtissama de Bouira, est de permettre aux jeunes de se découvrir et se faire découvrir, et de s’affirmer en tant qu’artistes, à travers les épreuves imposées pendant toute la durée de ce festival. Samedi, c’était au théâtre communal Salah Sadaoui que se tenait la deuxième compétition. La première avait eu lieu, le 3 mai, à la Maison de la culture. Le 7 juin, c’est encore dans ce temple dédié à la culture qu’aura lieu la clôture de ce festival du Rap. Mais auparavant, la tournée aura vu nos dix-sept compétiteurs se promener de Bouira à Lakhdaria, et de Lakhdaria à M’Chedallah, en passant par à Aïn Bessam.  Alors que la compétition n’allait pas tarder à être lancée, nous avons mis à profit un petit contretemps pour esquisser, au pied levé de mini portraits de quelques artistes concourant à ce festival, pour avoir une idée plus précise sur ce que sont le Break-dance et le Rap, et ce qu’ils apportent à la jeunesse, souvent angoissée et désemparée face à des lendemains incertains. Pour meubler le silence, l’orchestre attaquait une chanson avec la voix de Sami, un jeune participant bouiri. Comme s’ils n’attendaient que ce signe, des danseurs s’étaient jetés à corps perdu dans une sorte de mêlée chorégraphique où les figures exécutées semblaient décousues au départ, mais avaient fini, peu à peu, par se rejoindre en un ensemble plus cohérent où les mouvements s’enchaînaient, s’harmonisaient, le tout dans le plus pur style Rap. La compétition avant la lettre ! C’est que le Rap est d’une telle contagion. C’est un courant musical fait pour les jeunes. C’est la musique, les paroles qui traduisent le mieux leur vie, leurs aspirations, leurs déboires, leurs angoisses, leur hantise, leur lutte, leurs échecs ou leurs victoires. Le Rap crée une communauté d’esprit. C’est une manière d’être et de vivre ensemble, entre jeunes, et de se parler à travers la musique et le break dance. D’ailleurs, les deux vont de pair. Et souvent, pour leurs clips, les rappeurs font appel aux jeunes danseurs. Une manière de se compléter, de se soutenir les uns les autres. Naturellement, devant un tel engouement qui amène sur le marché des quantités impressionnantes d’albums, les éditeurs semblent inquiets, voire affolés. Trop d’art ne tuerait-il pas l’art ? D’où leur méfiance à l’égard des nouveaux rappeurs. Or, sans éditeurs, comment atteindre un large public ? C’est là toute la problématique.  Comment s’en sortir ? Ne plus chanter ? Impossible ! Continuer ? Pour quels résultats ? Heureusement, il y a le net. Et cette solution imprévue résoudra une partie du problème. Les produits sont placés sur Youtube. Et le public s’en sert sans réserve. Evidemment, les rappeurs anciens, comme Double Kanon échappent à ces contraintes matérielles, puisque, selon nos interlocuteurs qui confessaient ainsi leurs difficultés, ils ont leurs propres boîtes et leurs propres publics. Mais les jeunes rappeurs ont foi en eux-mêmes et en leurs talents. Eux aussi, avec le temps, ils pensent résoudre cette question d’édition et de public. En attendant, vive Youtube. Quel enseignement tirer, quant à nous, de ce bref entretien ?  Si la fonction primitive de la musique est d’adoucir les mœurs, celle du Rap et du Break dance s’avère indiscutablement une thérapie contre, d’abord, le vice vers lequel l’oisiveté pousse inéluctablement les jeunes, et, puis, surtout, contre la mélancolie dans laquelle sombre une grande partie de la jeunesse, du fait de l’absence de perspectives et de loisirs. En effet, tous les jeunes rappeurs que nous avons interviewés, qu’ils soient fonctionnaires ou étudiants, ou simplement chômeurs, semblaient heureux et épanouis. Tous avouent ne chanter que pour leur propre plaisir. Y faire carrière ? Même les plus passionnés, comme Naoufel, étudiant constantinois, n’y songent pas ou pas vraiment. Il est seulement dommage que cette association culturelle ne puisse disposer de plus de moyens financiers pour donner la pleine mesure de ses compétences, comme ce festival de Rap qu’elle organise du 3 mai au 7 juin le montre de façon éclatante. Elle est animée d’une infatigable volonté celle de faire vivre les arts en conjuguant traditions et modernité le tout dans un esprit de convivialité et de liberté. Les mini-portraits feront l’objet d’un article à part.

Aziz Bey

Partager