Des jalons pour un nouvel ordre politique et économique

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Par  Amar Naït Messaoud

Les ouvertures faites par le pouvoir politique en direction de la société et ce, quelques semaines après les élections présidentielles du 17 avril 2014, dénotent assurément le souci de ce même pouvoir de ne pas s’aliéner les forces qui travaillent la société dans toute sa diversité. Autrement dit, il s’agit d’inclure et d’impliquer le maximum d’acteurs politiques, culturels et associatifs dans la nouvelle construction institutionnelle. La préoccupation de la stabilité politique, mise en relief lors de la campagne pour les présidentielles par ceux qui ont soutenu le quatrième mandat de Bouteflika, est une donnée qui a son poids dans un environnement régional de plus en plus déstabilisé livré aux menées subversives des groupes armés, aux desideratas de groupes de pression téléguidés et à d’autres aléas dont notre pays tient à faire l’économie. Cependant, cette donnée, la stabilité ne peut acquérir tout son sens et toute sa portée que dans un front intérieur « pacifié », apaisé rendant aux Algériens l’espoir d’une possible revivification du champ politique. Cette ambition, à son tour, n’a de chances de se voir concrétisée sur le terrain et d’avoir le souffle long que dans un contexte économique « normalisé », c’est-à-dire soustrait aux tenailles et remugles de la rente pétrolière, et promu à la diversification et à la production. Les deux axes vont ensemble, comme deux béquilles solidaires. À cela, s’ajoute immanquablement les grands facteurs de la cohésion nationale et de l’équilibre de la société telle la reconnaissance officielle de l’amazighité dans toutes ses dimensions, de façon à lui donner les moyens de son épanouissement et de réconcilier les Algériens avec eux-mêmes. Les autres fondements de la République trouveront immanquablement, au cours des consultations qui s’ouvrent ce dimanche sur la nouvelle Constitution, toute leur consécration, à savoir le caractère républicain de l’État, le pluralisme politique, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, les libertés fondamentales (individuelles et collectives)…etc. La réconciliation nationale, que l’on compte introduire dans le nouveau texte, est déjà codifiée dans la Charte pour la réconciliation nationale. Les quelques appréhensions sur l’improbable retour du parti dissous sont plutôt colportées par des milieux qui tiennent à « justifier » leur éloignement du processus politique en cours, lequel requiert pourtant la contribution de tous. Réussir une Constitution consensuelle serait un beau challenge. Des pays, plongés dans le désordre d’un faux Printemps arabe, envient l’exemple tunisien, qui a pu donner un texte où chaque partie de la société (y compris les syndicats et les associations) ont sigillé leurs empreintes. Les Tunisiens sont allés plus loin. Une version en arabe dialectal, parlé en Tunisie, est en cours d’élaboration pour vulgariser et populariser davantage le texte de la nouvelle Constitution, expression de la volonté générale issue de trois années de luttes et d’exposition aux grands dangers de désintégration du pays et de l’État.  Chez nous, les grands rendez-vous politiques qui se dessinent pour les prochains mois sont donc la révision constitutionnelle et, probablement, des élections législatives anticipées. Selon l’orientation que prendra la nouvelle Constitution sur le plan du régime politique à adopter pour notre pays- le régime semi-présidentiel aura sans doute plus de chances d’être consacré en raison des garanties d’équilibre qu’il met en œuvre-, et la composition de la nouvelle Assemblée nationale, un nouvel exécutif sera probablement désigné.  Mais, pour l’heure, le gouvernement, nommé au lendemain des élections présidentielles, est déjà sur tous les fronts. Ce dimanche, il déclinera sa feuille de route devant l’Assemblée populaire nationale, particulièrement les grands axes du nouveau plan 2015-2019. Il est vrai que la formation du nouveau gouvernement Sellal a été fortement critiquée par l’opposition, pour son caractère « technocratique », le président n’ayant pas puisé dans les rangs des partis politiques. Or, il faut bien savoir ce que l’on veut; bien des partis ont refusé de siéger dans l’exécutif, avançant des préalables qui n’ont pas tous l’avantage de la faisabilité. Et puis, que peut-on reprocher à des ministres sans partis? Dans la conjoncture actuelle, pour peu que le critère de la compétence prévale – et c’est, en grande partie, le cas-, le poste de ministre peut, sans grand dommages, se passer d’accointances partisanes. On peut, par contre, concéder à des experts, à l’image de Abdelhak Lamiri, le fait que l’outil de planification soit réduit à sa simple expression. La coordination intersectorielle pour la réussite d’un programme intégré au profit de l’Algérie exige, d’après notre expert, un « cerveau », un moteur, qui planifie, coordonne, harmonise les politiques publiques. Les députés de l’APN ne manqueront certainement pas d’observer cette carence et de faire des propositions pour la combler, d’autant plus qu’ils sont appelés à adopter un plan quinquennal. Déjà depuis la formulation des premières esquisses afférentes à ce plan, des analystes de la scène économique nationale se sont interrogés sur l’absence du Commissariat général à la planification et à la prospective (CGPP), organe créé en 2006 pour coordonner la politique économique du pays et anticiper les grandes décisions en la matière. Indubitablement, l’Algérie fait face à plusieurs défis à la fois, engageant l’avenir du pays pour le moyen et le long terme. Politique, économie, questions de société (culture, jeunesse,…) s’imbriquent, s’enchevêtrent et mettent à l’épreuve la capacité des Algériens à dépasser les dissensions de circonstance, pour ne considérer que l’avenir commun et le destin collectif.

A. N. M.

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