L’expression d’un grand malaise

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Selon les praticiens enseignant le français, même si rien n’est plus difficile que de jauger un niveau, celui-ci régresse à vue d’œil. Personne ne conteste que les premières classes aux concours, aux examens, dans cette matière comme dans d’autres, sont aussi bons que par le passé. Mais, commente-t-on amèrement, si la qualité demeure, la quantité s’effiloche. Le nombre des éléments maîtrisant le français fond rapidement. Et personne ne conteste aussi que les éléments en grandes difficultés dans cette langue sont de plus en faibles et leur nombre va crescendo. Le malaise est certain. Quelque chose ne va pas, mais quoi ? Le niveau baisse-t-il réellement ? Les méthodes pédagogiques ne sont-elles pas appropriées ? Le contenu des programmes est-il inadéquat ? Les réformes sont-elles adoptées et nécessaires ? Le corps enseignant est-il suffisamment formé ? Les questions ne manquent pas. Les réponses et les avis aussi.D. Mokrane, enseignant francophone à la retraite : Mythes et propagandes, causes de la baisse du niveaull « Avec le peu de moyens qu’on avait avant et l’absence d’un bain linguistique au sein de la famille pour l’enfant, nos élèves présentaient pourtant de grandes aptitudes pour l’apprentissage du français. Dès le primaire, ils parvenaient à s’exprimer correctement aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. Actuellement, c’est plutôt l’inverse. Avec tous les moyens disponibles (Internet, chaînes françaises, littératures, guides variés…), le niveau laisse à désirer. Le fait est aussi que la société même si cela donne plutôt à penser le contraire, est refermée, repliée (pas dans sa totalité) vis-à-vis de cette langue. Elle est rejetée par soi-disant des raisons de patriotisme, de nationalisme, de langue maternelle à protéger, de son identité à sauvegarder. D’autres, faisant montre d’un barbarisme linguistique, inculquent avec zèle et application, la haine, qu’ils renforcent par un cyclone de préjugés pour le français. A tel point qu’enseigner le français devient une tare et une atteinte à la religion. Ce qui est faux évidemment. Moi, j’ai toujours été, je suis et serai pour le plurilinguisme et l’ouverture sur d’autres cultures. »Chekri Rachid, instituteur écrivain (en langue française) :ll “Je suis pour le plurilinguisme. Le français est une langue comprise par de nombreuses personnes. Si le français est considéré comme langue étrangère, pour des raisons historiques, même amères, elle fait partie de notre environnement, de notre quotidien, de nous tout simplement. C’est une langue de portée universelle qui assume un grand rôle, une grande diversité de fonctions et qui séduit, une langue de grande culture, de grande civilisation, de tradition d’écriture. Il est vrai qu’écrire dans la langue de son pays aide à sa réhabilitation, mais je considère que continuer à travailler sur sa langue permet son développement (ce qui est à louer), il ne faut pas aussi perdre de vue qu’il faut aussi produire dans d’autres langues. Ecrire dans deux langues différentes, de portée universelle, c’est produire deux types d’écriture complémentaires constituant l’équilibre nécessaire. »I. Djamel, PES de français :ll « Nous rencontrons des cas d’apprenants très forts en français, mais ils se comptent sur les doigts d’une main. Mais plus nombreux sont ceux dont le profil d’entrée au secondaire, tel que dit par les concepteurs de programmes est purement théorique. La réalité est tout autre est purement théorique. La réalité est tout autre. Et ça ne cesse de se vérifier par le nombre alarmant d’éléments ne pouvant même pas produire une phrase correcte. Remarquons cependant que l’expérience de la vie de nos enfants s’est beaucoup enrichie, qu’ils possèdent une quantité d’informations inimaginable par rapport à leurs aînés d’il y a une décennie seulement, mais c’est à se demander à quoi sert ce savoir sans faculté de raisonnement, sans esprit critique, sans capacité de synthèse, sans surtout le pouvoir, la compétence d’expression ».B. Nour, élève de 2e AM : « En difficulté dans cette langue »ll « Je n’ai pas fait le français durant toute la 4e année. Et en 5e, on nous a changé de professeurs à trois reprises. J’aimerais bien me débrouiller en français mais, je ne comprends rien ». (Ils sont nombreux à vivre le problème de Nour).

Propos receuillis par Taos Yettou

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