L’épouvantail d’une légalisation nouvelle de l’ancien parti dissous est brandi par certains politicards depuis que la scène politique nationale entre dans une nouvelle reconfiguration. Cette dernière est dictée aussi bien par des facteurs internes que par des facteurs externes, militant pour des réformes profondes aussi bien sur le plan politique que sur le front de l’économie. En réalité ce sont deux impératifs intimement liés, signifiant que la fin de l’économie de rente, devant évoluer en économie de production, devrait aussi signifier la libéralisation du champ politique et la démocratisation graduelle des institutions et de la société. C’est là une culture et un esprit inaugurant une nouvelle ère dans laquelle les résidus des errements des années 1990, dont l’extrémisme religieux structuré politiquement, n’auront pas leur place. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et avant lui le Secrétaire général du MPA, Amara Benyounès, ont été clairs sur ce sujet. A. Sellal a profité de son passage devant le Conseil de la nation, où il a exposé son plan d’action, pour démentir les rumeurs faisant état d’une probable reconstitution légale de l’ex-FIS. « La question du retour du parti dissous du Front islamique du salut (FIS) sur la scène politique est tranchée depuis des années », assure le Premier ministre, ajoutant que « le FIS en tant que parti ne figure pas sur notre agenda ». Sans doute, ce parti figure-t-il dans un autre agenda, celui porté par la coalition de l’opposition qui a intégré des éléments de cet ancien parti dans ses rangs. Et pour quelles fins, sachant l’énorme fossé existant entre les partis en présence? Juste pour parader face au pouvoir politique et présenter une crypto-cohésion supposée peser dans la balance? C’est là un jeu malsain, d’autant plus qu’au sein de la coalition en question, il existe des hommes de bonne foi qui n’ont de préoccupation que les intérêts du pays. Ce qui fut dénommé « tragédie nationale » dans la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, votée par référendum par les Algériens, inscrit malheureusement ses effets dans la durée. Cette aventure antinationale marquera le corps social algérien pendant des années encore. Les blessures sont béantes et les cœurs meurtris par une démence terroriste qui n’a pas eu son pareil ailleurs ou dans une autre époque. La Charte n’était pas un signe d’abdication de l’État. Loin s’en faut. Des pays voisins ou lointains s’en inspirent aujourd’hui, dès que le phénomène commence à prendre chez eux des proportions inquiétantes. Une lecture attentive du texte de la Charte nous amène à relever que, au moins sur un point, le pouvoir politique qui en fut l’initiateur a montré une certaine cohérence dans la manière de découpler les théoriciens et les idéologues de l’extrémisme religieux, d’avec les « simples exécutants », soumis à un matraquage de discours de haine, à un lavage de cerveau et à des marchandages rendus possibles par la précarité sociale induite par les bouleversements économiques que subissait le pays, et le faible niveau d’instruction des concernés. Les clauses de la Charte confirment cet isolement des éléments de l’ex-FIS, les frappant d’interdiction d’exercer des activités politiques depuis qu’ils ont été libérés de prison.Les chemins de la subversion sur lesquels ces idéologues ont engagé de jeunes Algériens âgés d’à peine 20 ans au nom de l’Islam ont abouti à des drames inouïs. Outre les assassinats et les destructions, ces drames ont aussi pour nom disparitions de personnes suite à leur enlèvement, mariages forcés et temporaires dans les maquis, viols de femmes, naissances d’enfants sans inscription à l’état civil et ayant aujourd’hui l’âge de lycéens ou d’universitaires. Après un incontestable retour à la paix, dû à la résistance populaire et à la bravoure des forces de sécurité la société en tant que collectivité nationale solidaire, se doit nécessairement de se regarder dans le miroir et s’armer de l’audace indispensable pour prendre en charge les séquelles et les conséquences tragiques de l’aventure terroriste. La Charte avait réglé une partie de ces séquelles. Certains traumatismes, qui étaient sans doute mal évalués, peuvent faire l’objet d’un nouveau regard qui puisse réparer des retards ou des omissions dans la prise en charge. Cependant, sur le plan politique, le peuple algérien s’est prononcé définitivement contre le retour à la case départ. Le faux Printemps arabe l’a conforté dans ses choix six ans plus tard.
Amar Naït Messaoud
