Comment faire sauter les verrous?

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Par Amar Naït Messaoud

Par-delà la fièvre politique post-élections présidentielles, la situation socioéconomique de la Kabylie ne cesse d’interpeller les élus, les responsables de l’administration, les entreprises, mais aussi le monde associatif, tant sont imbriqués les problèmes et se sont accumulées les interrogations. Les jeunes de la région continuent à être happés par le désir d’aller loin, sous d’autres cieux, par la voie légale (comme les milliers de jeunes qui se sont installés au Canada, aux États-Unis et ailleurs en Europe) ou par la voie des grands flots de la harga. Un tel destin est-il une fatalité ou le point d’impasse d’un mode de gestion de l’économie et du territoire qui a montré ses limites? Au vu des potentialités naturelles et humaines du pays, et du contexte financier exceptionnellement favorable, tout milite pour l’explication par la deuxième hypothèse. Au mode gestion hyper-centralisateur qui ahane et peine à gagner en rationalité s’est greffé  un climat local peu propice à l’éclosion des grandes idées. Ne faudrait-il pas voir une espèce de paradoxe lorsqu’un wali en arrive à « supplier » les populations ou les comités de village de mettre fin aux oppositions qui grèvent un certain nombre de projets d’équipement publics? L’équation s’est absurdement inversée. Globalement, la Kabylie est bien servie par les différents plans de développement mobilisés par le gouvernement. Mais, force est de constater que des projets inscrits il y a plusieurs années n’arrivent pas à connaître un début de réalisation, faute d’assiettes foncières, à cause d’oppositions et autres entraves. Centres d’enfouissement technique, décharges contrôlées, routes, pénétrantes sur autoroute, chemins de fer, il n’y a pas un projet, jusqu’à l’usine de Sonatrach prévue à Béjaïa, qui ne connaisse de difficultés liées au foncier et à l’expropriation. La polémique alimentée ces dernières semaines au sujet de cette usine de Sonatrach, a eu pour origine une déclaration du ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, dans laquelle il fait état de l’indisponibilité de terrain pour la réaliser à Béjaïa. Le wali dément cette assertion et affirme que l’assiette de terrain est désignée à El Kseur. Si une telle unité industrielle arrive à s’installer sur ces lieux, ce sera une grande réalisation pour la wilaya sur le plan de la création d’emplois et du recouvrement de la fiscalité. Malheureusement, il n’en  est pas de même pour les autres projets qui souffrent de retards pénalisants. Même ayant reçu son ordre de service (ODS) de démarrage de travaux, un projet n’est pas pour autant à l’abri des arrêts et des contestations. La pénétrante de la Soummam vers l’autoroute Est-Ouest et la ligne modernisée de chemin de fer Beni Mansour-Béjaïa vivent cette situation depuis plusieurs mois, voire des années. La ligne du train électrifié Thenia-Bordj Bou Arréridj, a aussi trouvé des difficultés dans son tracé au piémont du Djurdjura, de Haïzer à M’Chedallah. Les oppositions ayant grevé le projet du barrage de Oued Bougdoura, à Souk n’Tleta au sud de Tizi-Ouzou, ont entraîné beaucoup de retard dans le lancement des travaux. Les propriétaires auraient exigé des indemnisations excessives et immédiates. L’idée de l’annulation d’un projet si précieux a même circulé l’année passée (voir notre édition du 10 mars 2013). Ces dernières semaines, l’idée de la réhabilitation de la RN 24, reliant Dellys à Béjaïa, via Tigzirt et Azeffoun, a refait surface. Cette voie constitue le salut de la façade maritime kabyle, non seulement pour désengorger le centre du territoire concentrée dans la vallée du Sebaou, mais aussi pour donner ses chances à l’activité touristique qui a besoin de ces infrastructures et équipements. La réalisation des ouvrages structurants, à l’image des routes, autoroutes, chemins de fer, barrages hydrauliques, grandes lignes électriques, raccordement au gaz de ville, est la condition sine qua non du développement des investissements productifs. La mise à disposition du foncier est à ajouter à cet ensemble de facteurs. C’est là le seul moyen qui puisse créer de l’attractivité et retenir les investisseurs dans la région, au lieu de leur créer les conditions de…départ vers d’autres wilayas.

A. N. M.

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