Si Mohand Ou M’hand à Akbou

Partager

Des écrivains et essayistes réanimeront avec leurs récents ouvrages le contexte de la révolte de Si Mohand, le parcours de sa résistance par le verbe, et la réalité de son œuvre, avec pour toile de fond l’exposition sur une dizaine de stands de bijoux d’époque, de tapis de valeur et de poteries symboliques du génie du terroir.Rachid Mokhtari, Abdenour Abdeslam et Younès Adli éclaireront, avec d’autres conférenciers de renom, les amoureux de la rime sur l’itinéraire singulier du maître des poètes et son impact immense sur l’art berbère en général, la chanson de l’exil en particulier.Des cinéastes viendront avec leurs images réanimer la longue marche de l’infatigable magicien du verbe dans le contexte de l’effondrement d’une société écrasée par le pilon impitoyable de la colonisation.

Une stèle de 3 m de hautOn ne saura jamais si Moh ou M’hand, qui de son vivant séjournait fréquemment dans les petits bourgs de la vallée de la Soummam, aurait aimé se voir ériger une statue ! L’humilité et la modestie qui émanent de son œuvre ne plaident pas pour un tel chantier, mais il aurait sans doute apprécié à sa juste valeur cette idée de génie d’élever une stèle à l’entrée d’une gare routière pour un infatigable poète voyageur.“Partir, c’est mourir un peu”, mais c’est aussi semer la vie et la longue pérégrination de l’aède qui fuyait l’étau répressif de la barbarie coloniale avait essaimée une voie pavée de poèmes repris par le rucher humain de nos ancêtres et grands-parents pour arriver à nous dans un bourdonnement fécond colporté par des bouches intarissables, les voix des conteurs populaires sur les marchés et les places publiques, les chanteurs de l’amour et des souffrances de l’exil, les porteurs des blessures profondes de notre peuple. Si Moh Ou M’hand s’arrêtera à Akbou, une simple halte dans cette nouvelle longue marche que son mythe entame dans l’éveil culturel national.Une statue de 3,40 m sera érigée sur la place Colonel Amirouche, à proximité du siège de la mairie pour être ensuite fixée sur l’escalier qui surplombe le bâtiment de la Justice. Une stèle qui errera donc comme pour prolonger le voyage du fameux personnage et narguer de sa hauteur les édifices symboles d’ordre et de justice. Cette statue est l’œuvre du sculpteur Aftis (Hamid, maître des beaux-arts).L’errance féconde du poèteSi Mohand a quitté ce monde à l’hôpital des Sœurs blanches de Michelet (Aïn El Hammam) en 1906. Sa tombe se trouve à Asqif Netmana, un abri symbolique du burnous collectif, protecteur des gens du voyage, des aèdes, des poètes nomades, de ceux qui ont tout perdu, sauf leur génie et leur lucidité.Si Mohand avait tout perdu, dès son enfance. Il subira dans sa chair les exactions du colonisateur, l’humiliation des couards serviteurs de la France coloniale, lettre de la zaouïa des Illoulen, il maniera le verbe, comme d’autres manient le fouet.Il réveillera les consciences endormies et cristallisera contre l’occupant la haine des opprimés, notamment des paysans séquestrés après la révolte de 1871. Il perdra lors de cette insurrection son père, exécuté, et son oncle déporté vers la Nouvelle-Calédonie. Seul, sans famille ni soutien, Si Mohand entamera une vie d’errance faite d’expédients, de petits métiers dévalorisants.Un parcours de misère et d’infortune. Il errera de village en gros bourg, et sèmera le poème comme un baume réparateur des blessures infligées par le colonisateur aux fellahs dépossédés de leurs biens et souillés dans leur dignité. Refusant toute autorité, il préférera l’exil à la soumission.“Je jure que de Tizi Ouzou Jusqu’à l’Akfadou Nul ne me dictera ma conduite Plutôt être brisé que plier Là où les chefs sont des proxénètes”dira le poète dans un moment d’extrême révolte.Né une quinzaine d’années après l’invasion française, il vécut la conquête de la Kabylie par l’armée coloniale comme une profonde blessure qui a présidé à sa douloureuse destinée et orienté tous ses sens vers la poésie comme l’unique moyen de défense contre l’oppression et la barbarie de la soldatesque de Randon et des autres conquérants.Si Mohand Ou M’hand nous a laissé pour héritage un trésor que nous commençons à peine à explorer et découvrir. Cette source unique d’inspiration alimentera encore pour une longue durée l’art national et Si Mohand, le père des poètes, revivra à notre grand bonheur.

Rachid Oulebsir

Partager