La Kabylie continue à donner des leçons de solidarité et d’esprit de citoyenneté particulièrement dans les moments de grandes douleurs qui affectent une famille, un village ou toute la communauté. L’affliction qui frappe la région d’Ath Zmenzer, dans la daïra de Béni Douala, après l’enlèvement dont a fait l’objet, lundi dernier, un de ses habitants, Dda Amar, retraité de son état, a donné lieu à des expressions de refus de la fatalité de dénonciation de l’insécurité qui niche encore dans certaines zones, et de solidarité avec la famille de la victime. Au cours de ces dernières années, cet élan primesautier de la population, combinant grèves et marches, a été enregistré à Azeffoun, Fréha, Aghribs, Béni Douala et dans d’autres villages encore, et cela, à chaque fois qu’un des leurs est touché par la violence gratuite du banditisme de grand chemin ou des résidus du terrorisme islamiste. Il se trouve que, à un certain moment, une sorte de « linkage » a été opéré entre ces deux catégories. Cela se produisit au moment où, aussi bien sur le plan politique que sur le plan de ses capacités de nuisance, l’islamisme armé a été complètement disqualifié. Son évolution en banditisme a été même prévue par les experts en matière de sécurité. L’on a remarqué qu’entre 2010 et 2013, nombre d’enlèvements avaient eu lieu presque aux quatre coins de la Kabylie et avaient ciblé des entrepreneurs, des enfants d’entrepreneurs et des commerçants. Presque chaque semaine, les journaux annonçaient en Une la funeste nouvelle relative à un kidnapping, qui finira par toucher même de petits enfants. Une indicible psychose s’empara des citoyens. Le bruit avait même couru, s’agissant de l’enlèvement d’enfants ou de bébés, que cela servirait à un commerce d’organes pour des laboratoires clandestins activant, ici ou à l’étranger. Devant le brouillage de cartes où les hypothèses de résidus terroristes et de grand banditisme s’entrechoquent, toutes les éventualités sont évoquées par la population. Ce qu’il y a de commun entre toutes ces hypothèses, c’est la motivation pécuniaire ou vénale, qu’elle passe par la rançon ou par la vente d’organes d’enfants. Comme elle peut également prendre la forme de hold-up, comme ceux qu’enregistrent, de temps en temps, les bureaux de postes, le dernier cas étant celui de Souk El Had, dans la commune de Timizart. Dans certaines zones de la wilaya de Boumerdès, dans le bas Sébaou, proche de la wilaya de Tizi Ouzou, des agriculteurs, particulièrement vignerons, sont encore soumis au diktat des groupes terroristes qui exigent d’eux des « cotisations » mensuelles ou annuelles. L’objectif lucratif des groupes qui sèment la peur et la panique est donc bien décliné. La suite des événements le montre d’ailleurs, lorsque les ravisseurs prennent contact avec la famille de la personne enlevée. Ils réclament généralement une rançon dont ils surenchérissent le montant, puis, passent à la « négociation » jusqu’à accepter une obole. Mais, il y a eu malheureusement des cas d’enlèvements qui se sont terminés par l’assassinat de la victime. Dans tous les cas de figure, le problème se pose, d’abord en termes de sécurité des villages et des villes de Kabylie. C’est là un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre, depuis le Printemps noir qui a vu certaines brigades de gendarmerie quitter la région suite à la pression revendicative du Mouvement citoyen de l’époque. Plus d’une dizaine d’années après, les données ont changé. Il y a même des citoyens qui en appellent au retour des gendarmes au vu du climat d’insécurité qui règne dans certaines zones. Incontestablement, ce qui donne du baume au cœur, atténue l’angoisse et donne certainement à réfléchir aux ravisseurs, eux-mêmes, c’est cette mobilisation populaire qui refuse de faire de l’enlèvement d’un citoyen une affaire personnelle ou familiale. C’est toute la communauté qui est concernée par le drame. L’espoir est sans doute là.
Amar Naït Messaoud