Poterie, un héritage à Iamourène

Partager

Bien que la commune de M’Kira ne possède pas sa propre fête de la poterie comme c’est le cas pour la localité de Maâtkas, il n’en demeure pas moins que depuis la nuit des temps, cette activité purement féminine, a toujours été transmise de mère en fille avec toutes ses spécificités et ses caractéristiques.

« Le travail de la poterie des femmes de M’Kira est assez distinctif de celui des autres femmes de la Kabylie, surtout par sa finesse et les motifs de sa décoration », nous déclare Aami Ali, un ancien cadre d’une société nationale qui se souvient toujours de ce cri spontané qu’il avait poussé étant adolescent, dans cette salle du musée du « Bardo » où étaient alignés et exposés des dizaines de plats en argile provenant de toute l’Algérie. « Je ne sais pas comment ce cri est sorti de mes entrailles. C’est sûrement la forte émotion de cette découverte en voyant cette assiette de loin qui était l’œuvre de ma mère », nous raconte Aami Ali qui a un amour fou pour la poterie et tout le travail de l’argile des femmes de sa localité en ajoutant qu’en s’approchant de la vitre où était exposée la M’Kira, qui était comme un trophée dans ce lieu magique hautement culturel, sauvé à jamais de l’oubli et que des centaines de personnes viennent du monde entier pour admirer. Ainsi, ce sont les femmes du village Iamourène, situé à un jet de pierres du chef-lieu de commune, qui, pour le moment, sont arrivées à extirper de son sommeil cet héritage et cette activité séculaire. « C’est vrai qu’il faut rendre hommage à toutes les personnes qui ont œuvré pour que le travail de l’argile à M’Kira ne meurt pas. Comme il est utile de rappeler qu’un citoyen du village Tahachat a bien installé un atelier de poterie qui n’a pas encore commencé de fonctionner à cause de l’absence de tourneurs locaux. Mais il reste qu’un grand travail de recherche et de sauvegarde de la mémoire avait été entrepris au sein du collège « Frères Boufattah », par le professeur de dessin, M. Ali Ziat en l’occurrence, qui, grâce à lui, « toutes ces femmes et ces filles sont spécialisées dans la décoration spécifique à notre commune », nous confient plusieurs interlocuteurs. Aussi, à Iamourène, cette renaissance du travail de l’argile avec beaucoup de renouveau surtout au point de vue modèle et du modelage ainsi que celui des motifs de décoration vient justement de ces jeunes femmes qui sont universitaires ou lycéennes pour qui le travail de la poterie est un art. « Effectivement, nos grands-mères ou nos mères n’arrivent pas à comprendre que nous puissions prendre beaucoup de temps et surtout prendre des stylos et du papier calque sinon un microordinateur simplement pour concevoir un objet en argile et quand nous leur disons qu’elles avaient sauvegardé l’art ancestrale de M’Kira, elles n’arrivent pas à comprendre qu’elles possédaient toute cette culture », nous confie cette universitaire contrainte au chômage tout en ajoutant : « Heureusement, il y a la télévision qui diffuse de nombreux documentaires sur le sujet, ce qui les décomplexe ». Au demeurant, contraintes par les dures conditions de vie qui demandent toujours plus d’argent, les femmes d’Iamourène, avec leur savoir faire, commencent à gagner une clientèle toujours croissante d’autant plus que leurs modèles sont très appréciés. « Je ne vous cache pas que maintenant je fais çà par plaisir, puisque je me rends compte que mon travail plait beaucoup mais c’est une bonne source de revenus, d’autant plus que tout se fait à la maison alors que d’autres jeunes femmes du village sont obligés de se rendre dans les villes pour travailler », nous confie cette mère de trois enfants qui arrivent, ainsi, à pourvoir aux besoins de la scolarité de sa progéniture alors que son mari, journalier et souvent sans travail, est loin de subvenir ne serait-ce qu’au minimum vital de la famille.  

Essaid Mouas

Partager