L’Aïd à Aït Sidi El Mouhoub, un régal

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Les fêtes religieuses, telles Aïd el Fitr ou Taâchourt, et les évènements qui concernent la vie des villages kabyles, tels la récolte des olives ou le lancement de la campagne des labours, sont généralement marqués par une Ouziâa ou une timechret, c’est-à-dire le sacrifice d’animaux, des veaux et des moutons  ou même des chevreaux, dont la viande est partagée entre les habitants du village. Ces coutumes qui remontent à des temps immémoriaux et qui se sont perpétuées jusqu’à nos jours sont de l’avis général une excellente pratique, puisqu’elles permettent la cohésion, l’entraide et la solidarité effective entre les habitants du village. Et dans ce cadre, les habitants du village Aït Sidi El Mouhoub, à Mezzaia, dans la commune de Béjaïa célèbrent chaque année la fête de l’Aïd Taméziat par un sacrifice de veaux, en y apportant leur  touche particulière. En effet, à Aït Sidi El Mouhoub, la viande des animaux sacrifiés n’est pas seulement partagée, elle est aussi et surtout cuisinée et accommodée dans chaque foyer et revient  sur les plats de couscous le matin du jour de l’Aïd, dans la modeste mosquée du village pour être consommée en commun et dans une bonne ambiance conviviale. Et c’est ainsi que les habitants du village sus cité célèbrent depuis des siècles et des siècles la fête de l’Aïd.  L’autre particularité de cette tradition  dans ce village consiste à inviter, chaque année, pour les deux jours de l’Aïd les habitants des villages limitrophes et tous ceux qui veulent les honorer de leur présence, à savourer un excellent couscous garni de beaux et gros morceaux de viande. Mais l’essentiel n’est pas là. Ce qui fait venir les gens, parfois de très loin, vu que beaucoup ont quitté leur village pour s’installer dans les grandes villes, comme Alger ou Oran, c’est surtout l’accueil chaleureux dont ils sont gratifiés, chaque année, de la part de leurs hôtes. Le village les baigne en effet dans la convivialité et la cordialité. Se déplacer à Aït Sidi El Mouhoub pour y célébrer la fête de l’Aïd c’est s’assurer de rencontrer des amis d’enfance, ceux de son village et des villages voisins qu’on a perdus de vue ou que l’on n’a pas eu l’occasion de croiser l’Aïd précédent. La célébration de l’Aïd Taméziat à Aït Sidi El Mouhoub permet aussi et surtout de faire de nouvelles connaissances et de nouer de nouvelles amitiés. L’attente du repas, qui va de la prière de l’Aïd jusqu’aux environs de 11 heures et demi ou midi, et durant laquelle on sert à volonté du café et du thé à la menthe accompagnés de gâteaux faits maison, autorise de longues et larges discussions sur des sujets aussi divers que la cherté de la vie durant le mois sacré les chaleurs de l’été qui ont provoqué de nombreux feux de forêts, et des échanges de points de vue sur les derniers évènements sportifs et politiques. Interrogé sur sa venue, Bachir, sexagénaire, répond que pour lui l’Aid Taméziant n’a de réelle saveur que lorsqu’il la fête à Aït Sidi El Mouhoub. Il ajoute que déjà enfant, il y venait avec son père. Et maintenant qu’il est lui-même grand-père, c’est lui qui emmène ses petits-enfants pour les présenter, non sans une pointe de fierté à ses amis.

Dans la pure tradition  

Prenant la parole à propos du même sujet, Hakim, la quarantaine, déclare qu’en ce qui le concerne, le Ramadan ne prend vraiment fin que lorsqu’il a mangé le couscous à Aït Sidi El Mouhoub. L’Aïd à Aït Sidi El Mouhoub, c’est aussi la fête des enfants. En effet, ces derniers vêtus de leurs beaux habits n’arrêtent pas de courir dans tous les sens, emplissant de rires et de cris de joie tout le village. Midi approchant, les hôtes appellent leurs invités à honorer le couscous préparé pour l’occasion. Alors, par petits groupes, les convives se mettent autour de grands et profonds plats en terre cuite, remplis de couscous dans lequel ont été plantées des cuillères. Ce n’est pas du quatre étoiles, mais le bonheur se lit sur les visages. Les assiettes sont posées sur des nattes, la sauce est servie dans des casseroles et la viande est apportée dans un couffin par un serveur. Quant aux convives, le plus heureux aura réussi à se débrouiller une pierre ou une brique pour s’asseoir. Les autres n’ont qu’à se mettre dans la position qui leur convient le mieux. Et tout le monde mange avec appétit. Veillant à ce qu’il ne manque rien à leurs invités, les habitants du village hôte sont les derniers à manger. Ils se contentent de ce qui reste, obéissant ainsi aux règles de l’hospitalité. Leur plus grande fierté est de rentrer chez eux avec cet agréable sentiment d’avoir accompli leur devoir. Quant aux invités, après s’être rassasiés, ils passent par les notables du village hôte pour leur faire don d’une  » waada « , petite somme d’argent, et recueillir leur bénédiction. Pour en arriver là c’est-à-dire satisfaire les exigences d’une tradition séculaire, les habitants du village Aït Sidi El Mouhoub ont dû consentir un grand sacrifice. Ils auront puisé dans leurs économies et accompli un grand travail d’organisation. D’abord se réunir pendant le ramadan pour décider du nombre de bêtes à acheter et à égorger pour l’occasion. Ensuite, l’avant-veille de l’Aïd, procéder à la louziaa proprement dite, c’est-à-dire débiter la viande des animaux sacrifiés et la partager en lots sensiblement égaux entre les foyers qui ont exprimé leur volonté de participer à la célébration de la tradition. A  noter que les familles démunies sont dispensées des cotisations. Dernière étape du travail de préparation, les foyers concernés préparent donc la viande et apportent à la mosquée le matin de l’Aïd le couscous garni du nombre de morceaux de viande, comme convenu lors de la réunion.

   

 B. Mouhoub 

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