« La volonté seule ne suffit pas »

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à quelques jours du championnat d’Afrique d’athlétisme, nous avons accosté le DTS de l’AMC Béjaïa et coach, M. Adouane Abdelkrim, qui va accompagner les deux athlètes du club au Maroc, pour qu’il nous parle de la préparation pour cette joute internationale et la situation de l’athlétisme à Béjaïa.

La Dépêche de Kabylie : Quel commentaire faites-vous sur les résultats du club et la réception que vous avez organisée dernièrement  en l’honneur de tous ses membres ?

Adouane Abdelkrim : Effectivement, nous avons décidé de récompenser les joueurs et les cadres du club pour leurs bons résultats durant la saison 2013/2014. La réception a eu lieu à l’hôtel des Hammadites, le 17 juillet dernier. Les résultats du club sont très satisfaisants surtout avec la prestation de nos deux athlètes qui ont réalisé les minima pour le championnat d’Afrique, à l’image de Saber Boukemouche qui a réalisé 49,90’’ aux 400 mètres haies, troisième performance algérienne de tous les temps, c’est-à-dire depuis la création de l’athlétisme en Algérie. Un  record qui lui permettra d’aller en finale et pourquoi pas être sur le podium Inchallah au Maroc. Sans oublier  Bensikhaled Nabil qui a fait une très belle performance au saut à la perche (5,05m) qui lui a ouvert les portes du championnat d’Afrique du Maroc (10 au 14 août prochain). Les autres athlètes aussi ont fait honneur au club, comme Moudjeb Omar, médaille d’argent au championnat arabe, champion d’Algérie (800m) et médaille d’argent (400m). Nous avons aussi Rili Billel qui a réalisé une performance très appréciable avec une médaille d’or au triple saut ainsi qu’une médaille d’argent au saut en hauteur (2,03m). C’est une révélation car c’est lui qui détient le record de wilaya. Nous avons aussi d’autres athlètes qui ont décroché pas mal de médailles, sans oublier la seconde place lors des interclubs chez les garçons.  C’est tout  ce qu’on peut faire avec les moyens du club et le problème d’infrastructure. Il ya un grand déphasage entre ces résultats et les moyens car le volet infrastructurel ne suit pas et les moyens financiers non plus. Nous avons atteint un stade où tout le monde doit s’impliquer pour pousser ces athlètes à aller de l’avant. Nous avons quand même un bon groupe d’athlètes qui mérite une prise en charge réelle car les moyens du club ne suffisent pas aux  athlètes pour rivaliser avec les grandes nations.

En parlant du  prochain championnat  d’Afrique, qu’en est-il de la préparation et des chances des deux athlètes de l’AMCB ?

Les deux  athlètes se sont bien préparés. Boukemouche a profité de 3 stages avec l’équipe nationale ainsi que celui organisé par le club, donc il a fait en tout 4 stages. En revanche, Bensikhaled  n’a pas eu cette chance avec la sélection nationale, mais il s’est préparé lors des deux stages du club qui l’ont aidé pour réaliser les minima. Le point noir de toute préparation à une joute internationale est le manque de circuit de compétition car nous devons aller à l’étranger pour chercher les adversaires  et rivaliser avec les athlètes de haut niveau tels ceux de l’Afrique du sud, du Nigeria et tant d’autres qui peuvent aider nos athlètes à réaliser de bonnes performances. Concernant les objectifs, je pense que dans un premier temps, nous avons atteint nos objectifs  à court terme, en montant sur le podium au championnat d’Algérie et en réalisant les minima du championnat d’Afrique. Potentiellement, ils sont très callés,  ce sont des athlètes qui promettent beaucoup de choses pour l’Algérie à l’avenir car ils sont jeunes (22 ans). Saber est le meilleur athlète algérien sur le 400m haies, c’est une révélation alors que Nabil Bensikhaled est le deuxième algérien dans sa spécialité. Reste à voir le niveau africain et je pense, sincèrement que les deux athlètes peuvent être parmi les 4 ou 5 premiers. Il est certain que ça ne sera pas facile devant l’élite  africaine, mais ils peuvent rivaliser malgré le manque de compétition à l’échelle internationale même s’ils ont pris part à l’open Saoudien où Boukemouche a décroché la médaille d’argent au 400M haies et Bensikhaled à eu la médaille de bronze au saut à la perche. Mais ça reste tout de même très insuffisant pour assurer le podium au Maroc. Je reste  toujours optimiste car c’est une question de  détermination et de volonté le jour de la compétition. J’espère que nos athlètes seront psychologiquement prêts le jour J

Qu’en est-il de la prise en charge des deux athlètes au niveau local ?

Je tiens à remercier vivement l’APC de Béjaïa pour son apport. C’est la source de financement de tous les clubs de la commune. Pour ce qui est de l’APW,  je pense que la commission sport est complètement à côté. Je ne sais pas comment ils font la répartition, ils ne consultent personne. Ils ont octroyé des subventions la saison écoulée à certains athlètes de certains  clubs alors que les nôtres sont lésés. Je ne sais si c’était par omission, par incompétence par affinité pour certains plus que pour d’autres. Si c’était le cas, je suis vraiment désolé pour cette injustice. L’AMCB est l’un  des meilleurs clubs d’Algérie et nous nous retrouvons avec des miettes alors, que des clubs qui n’ont rien prouvé ont perçu des sommes importantes. Concernant la DJS, je leur demande de prendre sérieusement en charge ces jeunes talents, en leur donnant leurs primes, au moins un signe de reconnaissance pour ces champions. Je voudrais bien parler d’un autre sujet important qui me tient à coeur.

Allez-y…

Il est grand temps que la DJS de Béjaïa  se penche sérieusement sur l’athlétisme car il ya un manque flagrant en matière d’infrastructures. Nous sommes 8 clubs de la commune de Béjaïa qui s’entraînent au stade Opow. Mais notre programme est complètement perturbé par les rencontres de football. Nous sommes vraiment lésés sur le plan des infrastructures et le matériel pédagogique est complètement détérioré notamment les tapis de chute (perche et saut en hauteur) qui  sont devenus un danger pour les athlètes. La piste nécessite un revêtement car depuis un moment, les blessures sont fréquentes à  cause de l’état de la piste.  Ils ont réalisé un stade à Souk El Tenine et c’est très loin pour les clubs de la commune de Béjaïa. Pour la compétition, ce n’est certes pas méchant, mais pour les entraînements, nous sommes très défavorisés. Même après la réalisation de la piste à l’annexe de l’opow, les commodités ne suivent. Il y a en outre l’absence totale de la sécurité avec l’absence d’une clôture digne de ce nom. Je pense que si on la laisse dans cet état, l’argent dépensé par ailleurs aura été jeté par la fenêtre, car il y a des étrangers qui pénètrent à la piste, ils nous dérangent. Sincèrement, il est impossible de s’entrainer là-bas, la sécurité de nos athlètes n’est même pas assurée.

Comment voyez-vous l’avenir de ce groupe d’athlètes ?

Sincèrement s’ils ne sont pas bien pris en charge, ils risquent de se retrouver sous d’autres cieux ou ils sont convoités par d’autres clubs, à l’image du GSP qui veut prendre ces athlètes. Mais avec l’aide et le soutien des autorités locales, ils resteront Bougiotes pour montrer aux gens que nous sommes capables. Nous avons déjà eu certaines malheureuses histoires, où des athlètes que nous avons formés ici à Béjaïa ont été récupérés par d’autres clubs comme Zoutat, Dalibey, Manseur et tant d’autres. J’espère que les autorités locales vont s’inquiéter un peu de l’avenir de ces jeunes. Ce n’est pas normal que des clubs d’athlétisme perçoivent environ  le cinquième de la subvention des sports collectifs alors que nos résultats sont largement meilleurs que les leurs. Sans aide, ça sera très difficile de se maintenir, la volonté seule ne suffit pas.

On a entendu dernièrement que vous aviez eu des contacts avec un pays du golf, confirmez-vous ?

Effectivement. Vu la situation archaïque de l’athlétisme en Algérie en général et à Béjaïa en particulier, et vu le manque de considération pour les compétences algériennes, je pense sérieusement à tenter quelque chose à l’étranger. Je suis convoité par la fédération Qatarie d’athlétisme pour entraîner  l’équipe nationale et à ce jour je n’ai pas encore pris de décision. Mais sincèrement, je veux partir pour découvrir d’autres horizons.

On vous laisse le soin de conclure …

Je remercie les dirigeants de l’AMCB, à leur tête Fatah Haddad. C’est une personne très dévoué et qui veut démontrer que nous sommes là  et que nous sommes capables de donner un plus à ce sport avec l’organisation annuelle du semi-marathon qui a donné une bonne image à notre club. Je remercie les entraîneurs, à leur tête Ryad Aït Ahmed, qui ont toujours cet amour et ce dévouement de la pratique de l’athlétisme. Ils font un grand effort pour sauvegarder  la pratique de la discipline. Ryad est mon bras droit à l’entraînement. C’est un jeune cadre de la DJS qui a su quand même gérer sa carrière, il l’a démontré sur le terrain avec son groupe de saut à la perche. Un grand remerciement pour l’APC de Béjaïa qui n’a pas cessé de nous aider, car sans ses aides, 90% des clubs auraient disparu. Il faut avouer que les élus de l’APC de Béjaïa ont aidé le sport en général  et l’athlétisme en particulier et il faut être reconnaissant dans la vie et dommage pour les autres partenaires qui ne contribuent pas sérieusement.  J’insiste pour la DJS, afin de trouver une solution au problème d’infrastructure car sans structure d’accueil, il n’y aura plus du sport. Je remercie aussi la ligue d’athlétisme, à  sa tête Nordine Meddour, qui a fait des efforts colossaux en organisant des compétitions aux jeunes. Ils sont dévoués pour aider les clubs sur le plan d’organisation des compétitions en arrangeant chaque année une vingtaine de compétitions pour ces jeunes afin de les aider à concrétiser des performances au cours de  leur processus de développement.

Entretien réalisé par Zahir Hamour

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