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Comment dépasser le sous-développement politique ?

Le semblant d’intérêt observé au cours de ces dernières années pour la « chose » politique dans notre pays est, assurément, loin de refléter une quelconque avancée de la conscience et de la culture politiques lesquelles, par enchantement, auraient pris racine dans les diverses franges de la société sachant que, dans la réalité presque un quart de siècle de pluralisme formel n’a pas été capable d’esquisser ne serait-ce que les premiers jets du dessein démocratique tant chanté sur tous les toits. Cette observation s’est imposée à l’esprit en cette deuxième moitié du mois d’août qui voit des partis politiques rivaliser d’ingéniosité pour organiser ce qu’ils appellent leurs universités d’été. Suffit-il de copier un concept occidental pour lui sonner un contenu valide? L’interrogation, dans ce cas, vaut réponse. La culture politique dans notre pays demeure à l’ombre d’une soixantaine de partis agréés, majoritairement prisonnière de vieux schémas sustentés et légués par le parti unique. La transmission de cette culture n’a été possible que parce que, fondamentalement, l’assise économique, si l’on ose ce concept optimiste, est la même depuis plus de deux décennies. C’est celle de la rente pétrolière, laquelle, intrinsèquement, est incapable de produire une classe politique en bonne et due forme et une société civile autonome et jouant son rôle de contrepouvoir. Des partis qui ont plus de vingt ans d’existence ne sont pas capables de produire une culture de gouvernement. Ils n’ont aucune publication. Ils ne disposent pas de cercles de réflexion, de think-tanks ou même de simples bibliothèques où les militants viendraient se cultiver et discuter. Pour fuir ses responsabilités et se débiner, le pouvoir politique a bon dos. On avance tous les prétextes imaginables pour expliquer ses faiblesses et ses dérobades. Le pouvoir n’a jamais empêché les gens ou les militants d’un parti, fût-ce non agrée, à se cultiver, à se rencontrer et à animer des cercles de discussion. Hormis la thématique de l’énergie, pour laquelle le FFS avait organisé un mini-colloque en 2013, l’on n’a assisté à aucune autre forme de réflexion faisant partie de la pédagogie politique ou de la formation de base des militants.  Ce qui pouvait paraître comme un « réveil » politique- lorsqu’une fièvre extrême s’est emparée des appareils des partis au début 2014, était directement lié à l’échéance de l’élection présidentielle du mois d’avril. Ce fameux réveil était aussi le prolongement de ce qui est appelé le Printemps arabe que certains politiques étaient apparemment pressés d’importer en Algérie. Signe des temps, ce mot même de Printemps est abandonné par les premiers médias occidentaux qui l’ont inventé au vu de la dérive historique qui s’en est suivie. La Syrie, la Lybie et l’Irak constituent aujourd’hui le point culminant de l’horreur et de l’anarchie. Cette étrange dérive a même pu refreiner quelques ardeurs de certains acteurs politiques algériens et a commencé à semer le doute dans leur esprit quant à la solution faussement printanière imposée par les arcanes de la géostratégie mondiale. Hormis peut-être quelques rares exceptions, l’on se pose la question de savoir que peut représenter l’université d’été pour des partis engoncés dans leurs certitudes de détenir la vérité mais, en vérité qui sont sans aucun ancrage dans la société. S’il n’y a pas une présence permanente dans la société pendant les douze mois de l’année, à quoi servira-il d’aller pérorer et haranguer ses propres militants sur une plage ou dans un hôtel de la côte?  Pourtant, ce ne sont pas les sujets qui manquent pour instaurer des débats dans la société. Nouveau plan quinquennal, révision constitutionnelle, projet d’exploitation de gaz de schistes, protection de l’environnement, réformes de l’éducation,…etc. Paradoxalement, des journaux quotidiens alimentent des tribunes relatives à ces thèmes, alors que les partis eux-mêmes s’excluent de la scène de la réflexion. Les partis n’arrivent pas, non plus, à jeter des passerelles avec les organisations de la société civile (associations, fondations, syndicats), hormis l’intention de certains de vouloir les embrigader et d’en faire des satellites de leur parti, à la manière des organisations de masse des années du parti unique. Le sous-développement politique, qui affecte l’Algérie, alors que l’on destine notre pays à devenir émergent sur le plan économique dans quelques années, ne peut être dépassé que par la conjonction de deux facteurs de poids: d’une part, des réformes économiques qui neutraliseraient, ne serait-ce que partiellement, la compétition autour de la rente, et d’autre part, une réforme radicale du système éducatif qui forme aux valeurs de la science et de la citoyenneté. 

Amar NaïtMessaoud

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