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Espoirs et appréhensions

Les députés de l’APN reprendront le travail à partir de mardi 2 septembre. 

Les dossiers qu’ils sont appelés à examiner au cours de cette session, particulièrement la révision du code du travail et du code des investissements, sont des plus déterminants dans la vie économique et sociale du pays. Travailleurs et partenaires économiques attendent avec impatience les changements qu’induira la révision des textes législatifs inhérents au monde du travail et de la production. Si l’abrogation de l’article 87-bis du code du travail est acquise depuis le dernier Conseil des ministres, le reste des articles seront soumis à l’analyse et aux débats. Cependant, sur la révision du code du travail, dont on parle dans les bureaux des ministères et dans la presse depuis 2009, beaucoup de commentaires et de jugements anticipés ont été formulés. Il y a même une espèce de préparation psychologique à cette révision, faite de déclarations, parfois parallèles, parfois croisées, de hauts responsables de l’État, dont des ministres. En effet, depuis le règne de Taïeb Louh sur le secteur, jusqu’à Mohamed El Ghazi, en passant par Mohamed Benmeradi, deux idées ont prévalu dans le discours officiel. D’abord une appréhension très vague sur l’éventualité de l’abrogation de l’article 87-bis du code du travail sur la base duquel est calculé le salaire minimum. Cette abrogation est réclamée par les syndicats à hue et à dia depuis plusieurs années. Les promesses des pouvoirs publics n’ont pu dépasser le stade des intentions qu’en février 2014, à l’occasion de la tenue de la dernière tripartite. Cette dernière décida que la suppression de cet article interviendrait en 2015. L’appréhension des pouvoirs publics est aussi alimentée par l’avis des experts qui ont procédé à des calculs simples, par lesquels il est fait état de l’augmentation de la masse salariale de quelques 7 milliards de dollars à l’occasion de l’abrogation de l’article 87-bis du code du travail. Dans un contexte de folie dépensière de l’État, confirmée par la nouvelle loi de finances (qui consacre plus de 20 milliards de dollars aux transferts sociaux) et par la confection d’un autre plan quinquennal doté de 262,5 milliards de dollars, la revalorisation salariale attendue pour janvier 2015 est un autre risque que prend notre économie. Il est possible que ce risque trouve son atténuation dans les horizons qu’ouvrira le nouveau code des investissements que révisera aussi l’APN lors de la session qui commencera mardi prochain. Ce code compte libérer davantage l’initiative des entreprises, assainir le climat d’intervention de l’entreprise (y compris le foncier et le crédit bancaire), lutter contre la bureaucratie qui prend en otage l’acte d’investir et réfléchir d’ores et déjà à l’allègement, voire à la suppression, de la règle des 51/49 %. Le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, avait déjà déclaré que cette suppression interviendrait avant 2020. Dans cette volonté prêtée au gouvernement, d’aller vers une « offensive » en matière d’investissements productifs et de diversification économique, il est logiquement attendu l’augmentation des capacités de l’État, lui permettant de justifier sa « générosité » sociale aussi bien sur le front des salaires que sur celui des transferts sociaux. C’est là assurément une équation complexe, mais qui n’est pas à mille lieues des capacités du pays. Des capacités longtemps restées en friche par la faute d’un glissement insidieux vers une économie exclusivement extractive et mono-exportatrice. Ce glissement a été beaucoup commenté présenté par les uns comme un choix politique tendu vers la gestion des clientèles, et par d’autres comme une « douce fatalité » qui prend ses victimes en défaut de vigilance et de veille. Le nouveau code du travail, si l’on se fonde sur les « ballons-sondes » envoyés par quelques hauts responsables, ne se contentera pas d’avaliser la suppression de l’article 87-bis, mais tentera de consacrer la flexibilité de la relation de travail, option longtemps rejetée par les syndicats du pays, à commencer par l’UGTA.  Le ministre du Travail, de l’emploi et de la sécurité sociale, Mohamed El Ghazi, estime dans une déclaration récente, que, sur le plan de l’emploi et de la sécurité sociale, « l’Algérie est soucieuse d’adapter sa législation aux engagements internationaux ». Son prédécesseur, Mohamed Benmeradi, annonçait déjà en fin 2013, la couleur de ce que sera le nouveau code du travail:  « le futur code du travail prendra naturellement en considération l’évolution du contexte économique et social enregistré dans le pays et dans le monde, ces dernières années, à l’effet de donner davantage de fluidité à la relation de travail avec le double souci de répondre aux attentes des employeurs d’une part et d’assurer la protection des droits des travailleurs d’autre part », ajoutant que « la tendance au niveau mondial s’oriente vers une flexibilisation de plus en plus accentuée des marchés du travail. Cette tendance est imposée par l’ouverture des marchés et l’obligation de compétitivité pour arracher et maintenir des parts de marché dans un contexte marqué par une rude concurrence, ce qui ne permet pas aux entreprises de s’engager sur le long terme en matière de relations de travail et qui les pousse à adapter continuellement leurs effectifs à la consistance de leurs plans de charge ». Autrement dit, l’Algérie s’achemine vers le renforcement des CDD (contrats à durée déterminée) au détriment des CDI (contrats à durée indéterminée). Quel contrepoids les syndicats et les députés de l’APN pourront-ils développer pour tempérer les ardeurs du gouvernement en matière de flexibilité de la relation de travail ?  

Amar Naït Messaoud

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