C’est quasiment la fin de l’été, une période de fêtes par excellence. Notamment en Kabylie, où on a pris l’habitude de célébrer les fêtes familiales, circoncisions, fiançailles et mariages, à cette période de vacances en particulier.
à vrai dire, il n’y a aucun secret à cette tradition. C’est juste qu’on veut associer l’ensemble de la famille et des amis à ces événements heureux. On se fait un souci presque naturel d’associer tout le monde pour partager, au maximum, ces moments de joie. Et la période des grandes vacances est sans conteste la plus propice pour tous les réunir. Les écoliers sont en congé comme la majorité des travailleurs. C’est aussi la période de retour des émigrés… Bref, en Kabylie, envisager une fête en été c’est un peu comme prévoir un diner au mois de Ramadhan. C’est à ce moment que vous êtes sûr de réunir toute la famille à table. Y compris ceux qui ne respectent pas le jeûne. Oui, ils pointent quand même devant l’assiette et on fait généralement comme si… Et ces dernières années, voilà que le Ramadhan s’invite en plein été « cassant » carrément les congés en deux. Et ça fait un sacré embouteillage dans la programmation. Que ce soit pour les vacanciers ou chez ces autres qui ont prévu des célébrations. Ca passe même pour un véritable souci, depuis que les Kabyles se sont mis à la mode des salles… La majorité dans cette région préfère en effet fêter son événement en salle de location. La crise a certainement sa part dans cette nouvelle option. C’est vrai qu’on fait pas mal d’économies. En salle, vous aurez à payer uniquement la commande ! De tant de plats… Le calcul est vite fait. Vous avez l’addition même à l’avance… Et sans doute beaucoup moins importante que quand vous respectez le traditionnel sacrifice d’un bœuf… Là c’est déjà 20 à 30 millions de centimes (le prix de la bête) sans les légumes, sans le couscous, sans la salade, sans le dessert, avec en sus tous les cassements de tête et désagréments, d’égorger, de couper, de cuisiner…à éviter. Quoique pour cette saison, il y a un bon nombre qui a préféré cette option avec le prix de la viande qui a sensiblement chuté avec l’épidémie de la fièvre aphteuse… Mais sinon, c’est vrai qu’organiser sa fête dans une salle vous évite pas mal de tracas. C’est vachement mieux qu’un autre se charge de tout pour vous… Et tant pis pour la tradition qui recule encore d’un cran. C’est un autre temps, de nouvelles habitudes. Les nostalgiques de l’ère du burnous, de la mariée ramenée à dos de cheval, regretteront sans doute beaucoup, mais d’autres apprécient… Chacun comment il voit les choses et les conçoit…
Un véritable business incontrôlé !
Dans le tas, il s’en trouvera même certains qui vous parleront de création de richesses, de l’emploi, et même de pouvoir d’achat ! Et quelque part, il y a du vrai dans l’histoire, car l’organisation des fêtes est une activité qui tend à prendre de l’ampleur. Le marché est même en essor, florissant. Le chiffre d’affaires est estimé en milliards. Forcément, ça pèse dans l’économie du pays. Globalement, plusieurs intervenants y trouvent leur compte. A commencer, à échelle réduite, par le demandeur du service. Ca fait aussi du travail pour le personnel mobilisé. Sauf qu’à défaut d’une réglementation bien pensée, les promoteurs des salles en profitent pour en faire un véritable busines incontrôlé. Quasiment aucune pièce comptable pour justifier quoi que ce soit. Le client paye souvent une avance pour s’assurer la réservation de la salle sans aucun reçu. Il n’aura pas droit à une quelconque facture après payement non plus. Juste un au-revoir et merci. Quand le propriétaire des lieux a le temps pour, car généralement, avec les demandes accrues, souvent des familles locataires se croisent sur les escaliers des salles. A peine une boucle-t-elle sa fête et ramasse ses effets, que d’autres convives à une autre fête pointent avec colis et cadeaux aux bras… Ca rentre et ça sort. Comme dans une manufacture. C’est une véritable « industrie »… Sans charges. En effet, là les ouvriers ou plutôt les serveurs ne sont généralement pas déclarés. Jamais tous en tous les cas. Ils sont réglés à la commission. Un forfait qui n’est pas forcément à la hauteur de l’effort fourni. C’est à partir de 500,00 DA pour les petites collations et ça monte… Les chefs sont quand même quelque peu mieux considérés. Sont-ils pour autant assurés ? Très peu probable, surtout en ce qui concerne ces éléments appelés parfois en renfort à peine la veille de l’événement ! Les patrons en majorité n’aiment pas du tout quand vous leur parlez de ça. Moins encore quand il s’agit d’argent. Ils pensent toujours que vous fouinez dans leurs poches et ils ont horreur de ça. Ils aiment bien compter leur argent loin des regards. Ils payent leurs engagés en liquide dans une enveloppe. Aucune trace d’un quelconque contrat de travail. Ni bulletin de paye d’ailleurs. Pour la préparation du banquet, ils font bien sûr souvent les emplettes au marché d’à côté à la recherche des prix les plus bas… Pas besoin de préciser que là non plus, il n’y a ni bons, ni factures, ni chèques… C’est comme ça, tout le monde aime toucher du cash : Le fournisseur de sodas, l’épicier de fruits et légumes, le DJ, le photographe… Pourtant, à la fin, chacun fera ressortir une comptabilité… Enfin, ils se débrouilleront pour… Peu importe les chiffres qui seront portés. Généralement, tout ce beau monde fait sa déclaration au forfait. Y compris beaucoup de ces promoteurs de salles de fêtes en vogue qui vous font payer le repas au « bon prix » de base de 750,00 DA.
Toute une réglementation à asseoir…
Ca, ce n’est que pour la bouffe. Et c’est le tarif d’un repas tout juste potable. Si vous voulez une salade d’entrée par exemple plus fournie ou encore un repas plus copieux, vous devez mettre bien plus dans la cagnotte. Et sachant que la famille kabyle est…naturellement nombreuse, il n’y a pratiquement pas de fête, surtout de mariage, à moins de trois cents personnes. Faites le calcul, si ce n’est déjà fait, et vous aurez une petite idée sur le chiffre d’affaires d’une fête. Certaines arrivent même à dépasser le cap des mille convives. Et là pas évident que le service soit de qualité. Mais le client ne se plaint pas. Devant le calendrier surchargé de ces établissements, même, pas toujours aux normes, on s’estime déjà heureux d’avoir décroché une date. Car pour ces histoires de normes, il y a sans doute beaucoup à dire même si une commission de wilaya a, dit-on, sévi ces dernières années à Tizi-Ouzou. N’empêche que les salles visées arrivent toujours à rouvrir leurs portes grâce à certains « coups de pouce ». « C’est à l’image du pays en général. Comme tous ces bars qui activent sans papiers, ces véhicules pourris et truffés de dangers mais qui roulent quand même avec une fiche technique vierge… Y’a pas que ça, le mal est profond. Je suis conscient de tout et j’aurais aimé donner du luxe à mes clients. Une belle salle, tout le monde sait ce que ça devrait être. De l’espace, à l’intérieur comme à l’extérieur, un mobilier de qualité de la sécurité une bonne climatisation, de l’aération, une belle estrade pour les mariés, une belle scène pour l’orchestre, des loges de luxe pour la famille qui loue, de préférence un espace réservé exclusivement à la restauration, plusieurs issues d’accès et de sorties au cas où, un nombre suffisant de chefs qualifiés… Mais que voulez vous, on fait comme on peut. Et puis, c’est juste juste pour un repas de 500,00 DA. Celui qui veut le grand luxe, il sait où le trouver. C’est dans les grands hôtels. Mais là ça coûte cher, et le client cherche toujours à réduire la facture. Voilà ! Maintenant je ne pense pas que les propriétaires des salles de fêtes sont à surveiller ou à blâmer devant ces autres clandestins immoraux ». C’est là le commentaire d’un tenancier d’une salle. Il n’a pas complètement tort. Ni complètement raison non plus. Car ces gérants de salles des fêtes, parfois exigües, sans sécurité ni clim, ni&hellip,; ni… sont à leur clientèle potentielle ce que sont ces chanteurs, de circonstance indexés, aux défenseurs de la chanson à texte. Les premiers affichent complet durant tout l’été. Les seconds font vivre la saison… Sont-ils alors à blâmer à partir du moment où on fait la queue pour eux ?
D. C.

