Sur les 157 042 élèves qui ont rejoint les bancs de l’école, dimanche dernier, seuls 6142 sont concernés par l’enseignement de tamazight dans les communes kabylophones de la wilaya de Bouira. Ce chiffre, à lui seul, révèle le peu d’intérêt que l’on accorde à l’enseignement de la langue de Mammeri, à l’échelle de la wilaya. Cet état de fait est confirmé par un autre chiffre : 1 seul poste budgétaire est accordé à l’enseignement de tamazight pour l’année scolaire 2014/2015. Pour cette même rentrée, il y a lieu de souligner que 80 postes ont été accordés à l’enseignement de la même langue au secteur de l’éducation de Batna. Bien évidemment, ceci est réjouissant. Seulement, les postulants aux 80 postes en questions sont, essentiellement, venus des wilayas de Bouira, Tizi-Ouzou et Béjaïa. En fait, cette démarche du MEN met à nu, encore une fois, la mauvaise foi et révèle la contradiction entre la réalité et les propos des deux, ancien et actuelle, ministres. En effet, aussi bien madame la ministre que son prédécesseur avaient imputé cette défaillance de la prise en charge de l’enseignement de tamazight à l’absence de demande sociale. Or, les quotidiens nationaux sont là pour en témoigner : il ne se passe pas une année scolaire sans que les demandeurs de postes d’enseignement de Tamazight ne battent le pavé à Bouira, en l’occurrence. Il y a aussi lieu de souligner que l’enseignement de tamazight est essentiellement (près de 95%) concentré en Kabylie. Enseigné dans 16 wilayas, au lendemain du boycott scolaire, Tamazight ne subsistera que dans des écoles de Kabylie et dans quelques classes à l’Est du pays. A Alger, seuls 14 élèves suivent le cours de tamazight. Encore que cet enseignement très réduit à Alger n’est rendu possible que grâce à l’entêtement de Nabila, l’enseignante qui y assure le cours.
Caractère facultatif, caractère assassin
Il ne se passe pas une rentrée scolaire sans que les plus zélés parmi les chefs d’établissements ne remettent au goût du jour la fameuse fiche de vœux. Ainsi, théoriquement, 157 042 élèves devraient exprimer leur volonté ou pas d’apprendre tamazight. Supposons un instant que tous ces élèves expriment leur vœu d’apprendre tamazight. Il va sans dire que le MEN serait dans une situation des plus embarrassantes, puisqu’il (le ministère) n’aurait, théoriquement toujours, d’autres choix que de répondre à la demande sociale. Evidemment, l’encadrement pédagogique de tous ces demandeurs est impossible. En fait, c’est sur l’effet inverse que déboucherait la fiche de vœux. Beaucoup de parents d’élèves, notamment des classes d’examens, estiment que l’enseignement de tamazight est encombrant. A vrai dire, le rejet de l’enseignement de tamazight n’obéit pas forcément à des considérations idéologiques. On aurait aussi bien soumis à leur appréciation l’enseignement d’une autre matière, le résultat aurait été le même. Quoiqu’il en soit, cette aberration est justifiée par ce caractère facultatif qui colle à l’enseignement de tamazight. Ni le directeur de l’éducation ni, encore moins, les enseignants de tamazight ne peuvent mettre un terme à cet imbroglio que génère à chaque fois la fameuse fiche de vœux. En attendant l’officialisation de Tamazight, seule la levée du caractère facultatif est à même de remettre un peu d’ordre dans ce désordre pédagogique.
Où est passée l’Association des enseignants de Tamazight de Bouira ?
Au lendemain de l’introduction de Tamazight à l’école, l’association des enseignants de Tamazight de Bouira avait vu le jour. A ses balbutiements, dans le sillage de l’ouverture politique tous azimuts et l’engouement enfiévré que cette ouverture suppose, la structure avait marqué sa présence sur le terrain de la protestation. S’agissant d’une meilleure prise en charge de l’enseignement de Tamazight à Bouira, son action n’avait pas été sans importance. Mais il faut dire aussi que l’ambiance politique qui prévalait à l’époque était enthousiasmante. Tous les espoirs étaient permis pendant cet entracte démocratique. Une bonne dizaine d’années après sa création, on n’entend presque plus parler de l’association. Qu’est-elle donc devenue ? En attendant que l’association se réveille de sa longue léthargie, l’enseignement de Tamazight à Bouira, lui, va de mal en pis. Des postes ont été carrément supprimés de deux établissements du cycle moyen à Bouira-ville, pendant que l’omniprésence de l’association des enseignants de Tamazight de Tizi-Ouzou a réussi à généraliser l’enseignement dans toutes les écoles primaires.
S.O.A