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Alger, expression du malaise algérien ?

Alger a eu droit, jeudi dernier, à un conseil interministériel tendant à la réhabiliter en tant que grande ville et capitale du pays. Sous les lambris de la wilaya d’Alger, se sont joints à la réunion les directeurs d’exécutif et les plus hauts responsables de la sécurité publique (gendarmerie et police). Il faut dire que l’état actuel de la ville d’Alger, sur les plans de l’environnement, de la sécurité de la qualité des services publics, rend son statut de capitale pour le moins discutable. En dehors de ses implications politiques, ce statut peine visiblement à avoir des prolongements dans la réalité de chaque jour. Le malaise est général. Il touche l’habitat, la circulation, le cadre de vie, l’animation culturelle, le besoin de sécurité publique et d’autres segments qui font la vie sociale, économique et culturelle. Reconnaissons que, hormis ce souci de sauver la face de ce statut de capitale, Alger ne diffère pas des autres villes d’Algérie en matière de déliquescence des valeurs de citadinité d’urbanisme, d’architecture, de savoir-vivre et d’autres qualités censées constituer le fondement du caractère humain des villes et des villages. Néanmoins, en sa qualité de capitale, Alger s’expose plus à l’examen, à la critique et, sans doute aussi, à la recherche des solutions. L’une de ces solutions, proposée dès les années 1970 et qui fut abandonnée en cours de route, est bien le transfert d’une grande partie des services de la capitale vers Boughezoul. À l’époque, ce dernier lieu-dit n’était qu’un carrefour, un quatre-chemins stratégiquement situé au croisement des deux axes: Alger-Djelfa et M’Sila-Tiaret. Personnellement, nous eûmes accès à l’étude portant sur ce vieux projet, des documents pesant sans doute un quintal. C’est un projet fascinant, logique, d’une opportunité irréfragable. La capitale était destinée à être partiellement transférée vers ce carrefour qui, aujourd’hui, se contente d’un projet qui s’appelle « ville nouvelle » de Boughezoul, alors que l’ancienne n’a jamais existé. Toutes les potentialités du lieu ont été diagnostiquées et sériées (espace, ressources en eau, accès facile aux différentes régions du pays,…) et toutes les contraintes d’Alger, la ville des années soixante-dix déjà ont été également déroulées pour dire la difficulté de continuer à charger la capitale de missions qu’elle ne pouvait plus assumer. L’étouffement d’Alger a commencé à surgir dès la constitution de la ville universitaire de Bab Ezzouar, édifiée sur des terrains agricoles à hautes potentialités, ainsi que la densification de la zone industrielle de Rouiba. Ces pôles d’attraction, avec d’autres infrastructures et équipements réalisés dans la même période,  n’ont pas tardé à faire un appel d’air à l’exode rural, d’autant plus que dans l’arrière-pays montagneux et steppique, le développement tardait à s’installer et la révolution agraire commençait à enregistrer ses premiers échecs. L’afflux des populations du Titteri, de l’Ouarsenis, de Kabylie et d’autres zones rurales a contraint Alger à multiplier ses bidonvilles et à consommer des terres agricoles dans le sahel Métidjien. Les anciens petits villages coloniaux dont les habitants se sont spécialisés dans l’arboriculture fruitière et le maraîchage (Chebli, Boufarik, Bouinan, Birtouta, Khemis El Khechna, Larbaâ, Meftah,…) ont été assaillis par le béton. Le phénomène continue jusqu’à ce jour. Une grande partie des relogements qui ont eu lieu en 2013/2014 l l’on été à Birouta-Ouled Mendil, belle et plantureuse plaine agricole.  La vague de l’exode de la décennie noire a fini par achever tous les espoirs de la réhabilitation d’une ville qui a statut de capitale. Après les bricolages du milieu des années 2000, l’explosion du parc automobile et la disparition quasi-totale d’espaces vierges, Alger aura à sa tête un wali, Abdelkader Zoukh, qui a fait ses preuves à Mostaganem, Médéa et Sétif, après avoir fait prévaloir, au milieu des années 1990, sa vision de l’aménagement dans sa wilaya natale, Illizi.  Cependant, une hirondelle, seule, ne fait pas le printemps. Et le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, vient de confirmer que la gestion d’une grande ville de la taille d’Alger devrait être le fruit de la jonction des efforts de tous les secteurs et de toutes les institutions, de l’APC jusqu’aux ministres. Le Premier ministre effleure également la question de l’éventuelle réorganisation administrative de la wilaya d’Alger. En fait, il touche là un point sensible, sans doute l’une des clefs permettant d’envisager une vraie réhabilitation de la capitale. Il ne serait peut-être pas inutile de s’arrêter sur l’expérience avortée du grand Gouvernorat d’Alger, initiée il y a une vingtaine d’années par Cherif Rahmani. Cette expérience mérite d’être remise sur la table et connectée avec le nouveau projet de la division administrative du pays proposé par le président de la République. Même si ce dernier projet accorde la priorité au Sud et aux Hauts Plateaux, l’occasion se présente assurément sous de bons auspices pour réétudier le schéma d’organisation administrative du pays dans sa globalité schéma auquel il sera précieux de greffer la préoccupation majeure de la décentralisation; décentralisation institutionnelle, politique et économique seule à même d’amorcer un redressement et un rééquilibrage des espaces territoriaux et de l’exploitation des ressources du pays. Tout le pays, au même titre qu’Alger, souffre de l’hypercentralisation des centres de décisions et du déséquilibre de la division administrative.

Amar Naït Messaoud

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