Alors que la saison des grandes chaleurs touche à sa fin, les habitants de la commune de Chemini ont toujours la gorge sèche. Les robinets sont presque à sec. Toute la région vit au rythme d’une eau qui se fait attendre.
Le précieux liquide ne coule qu’une fois par semaine dans les robinets, avec un débit qui ne permet pas de remplir le creux d’une main. Cette panne sèche dans les foyers n’a pas fini de susciter l’ire de toute une population, réduite à des rations de gouttes d’eau. Plusieurs villages vivent dans un désarroi, sans pareil, face aux dures pénuries d’eau qui perdurent depuis belle lurette. Les promesses données par les autorités locales, pour mettre un terme à cette disette, ne sont qu’un écran de fumée, car l’eau manque toujours à l’appel. Les excuses avancées par lesdites autorités ne tiennent, presque pas, la route. Tantôt, ils avancent un problème de câble électrique, tantôt une panne des pompes hydrauliques… des échappatoires qui se suivent et se ressemblent. C’est une fuite en avant. «Cela perdure depuis des mois, voire des années. L’eau se fait, toujours, rare, on ne voit plus sa couleur !», tempête un sexagénaire. Les habitants de la commune ont la hantise de ne plus voir l’eau couler dans les robinets, à cause de l’atermoiement et la nonchalance des responsables locaux, ne présageant pas d’un bon avenir. De plus, le recours à l’achat du liquide en question, pèse, de plus en plus, sur la bourse des ménages. Il y a de quoi déchanter et péter les plombs, lorsqu’une telle situation tient la dragée haute à la population locale. «On se sent comme des damnés dans cette région. Pourtant, la montagne regorge de sources d’eau potable. Les communes avoisinantes ne souffrent pas, autant, de la crise d’eau, contrairement à nous. L’eau est devenue le sujet de toutes les discussions», dira un jeune universitaire. Néanmoins, certains villages, dotés de fontaines publiques, arrivent à étancher la soif de leurs habitants. Tôt le matin et à tour de rôle, des processions de femmes affluent dans ces lieux, pour remplir quelques jerricans. Le stress hydrique chronique continue d’empoisonner la vie aux habitants de la paisible localité de Chemini et compte tenu des promesses «mirobolantes» des responsables locaux, d’en finir avec la crise éternelle d’eau, la population locale n’accorde pas crédit à ce genre de promesses en l’air. Pour échapper aux invectives d’une population désappointée, qui ne cesse de descendre en flammes, le maire, M. B.Bounab, tente, tant bien que mal, d’arguer, que le faible débit du forage, se trouvant au village Takrietz, est loin de satisfaire une population avoisinant les 16 000 âmes. Le deuxième forage, annoncé comme une sortie du goulot d’étranglement, n’a pas été d’un grand secours à ladite population. À raison de 20 litres/seconde, selon les prévisions émises par les responsables locaux, ledit forage s’est avéré loin du compte. Pis encore, l’eau puisée est d’une salinité à rendre tripes et boyaux. De plus, le raccordement au barrage hydraulique, de Tichy Haff, n’est pas près de voir le bout du tunnel. Signalons, que dans le cadre de l’alimentation des communes, via ledit barrage hydraulique, la commune de Chemini est comprise dans la troisième tranche, laquelle est sujet à l’implantation de stations de refoulement, ainsi que du réseau d’aqueduc. En grosso modo, le projet, tant attendu, du branchement de cette localité audit barrage, prend un sérieux retard au grand dam des habitants locaux.
Colportage de l’eau, un marché florissant
Cette situation ne fait pas que des mécontents, car des colporteurs d’eau tirent profit de cette période de disette. Le malheur, des uns, fait le bonheur des autres ! Et c’est valable dans ce cas de figure, où des milliers de foyers souffrent d’un stress hydrique criant. Saisissant la crise d’eau qui secoue, de plein fouet, toute une région, des propriétaires de camions et de tracteurs ont saisi cette occasion pour équiper leurs engins de citernes, afin de revendre cette ressource vitale à l’ensemble des villages, ayant besoin. Il n’est pas rare de croiser des camions, dotés de citernes en plastique, bien remplies d’eau, sillonnant les routes menant vers la localité de Chemini. Les tracteurs sont aussi de la partie. Munis de citernes en inox, les routes tortueuses ne leurs font, guère, peur et livrent, eux aussi, ce précieux liquide jusqu’à destination. Une citerne de 2000 litres est cédée à 1200 DA, sachant que l’eau potable coûte plus cher que celle destinée à autre usage. Une citerne d’eau potable de 1000 litres est cédée à 1500 DA. Un marché juteux, vers lequel, de nombreux jeunes se sont orientés pour ce nouveau commerce alléchant. Pour se faire livrer sa ration d’eau, les acheteurs n’ont qu’à appeler, de leurs portables, ces nouveaux commerçants, joignables à toute heure, pour se faire livrer à domicile et au temps voulu. Équipés d’une pompe hydraulique, les camionneurs vident leurs contenus en quelques minutes, au grand bonheur des acheteurs. «Même si l’achat de cette eau pèse, lourdement, sur notre budget, on est contraint de le faire, car on ne peut pas se passer de cet or bleu», nous avoue un père de famille. «Tant que nos responsables locaux ne trouvent pas de solution à cette crise d’eau, qui n’a que trop duré nous sommes à la merci de la goutte d’eau», ajoutera-t-il. Les distributeurs de cette «fortune», ont fleuri, ces dernières années, suite aux pénuries d’eau potable, de plus en plus fréquentes. Une multitude d’engins s’approvisionnent, quotidiennement, en eau, pour la revendre ensuite à des particuliers qui en demandent davantage. « Ça m’arrive de faire quatre à cinq rotations par jour et ce, à dessein d’assouvir une demande montant crescendo», dira un camionneur, livreur d’eau potable.
Bachir Djaider